L’art de servir les bulles

Monsieur Revel, qu’est-ce qui vous passionne dans l’univers des vins pétillants ?

J’ai une formation d’historien, et lorsque j’étais étudiant, j’ai consacré ma thèse à l’histoire sociale du vin effervescent dans le monde. L’histoire du vin, c’est l’histoire des hommes, et encore davantage pour les vins effervescents, où l’homme a apporté son intelligence et son génie technique pour permettre leur élaboration, contrairement aux vins tranquilles qui se font pratiquement tout seuls. Il y a aussi l’histoire de la Champagne viticole : cette région a été un vecteur d’amélioration sociale dès le XVIIIe siècle, et cela m’a passionné !

À quel moment est né le champagne ?

La première maison de champagne, Ruinart, a été créée en 1729, mais le champagne ne va réellement devenir effervescent qu’à partir de Napoléon Ier, au Premier Empire au début du XIXe siècle, et il ne va se populariser véritablement qu’à la fin du XIXe siècle. Le champagne tel qu’on le connaît aujourd’hui n’a donc qu’un siècle !

On a une occasion à célébrer ce soir : peut-on envoyer le champagne dans le congélo ?

Non ! La température idéale de service se situe entre 8 et 12 degrés. Vingt minutes de rafraîchissement dans un seau rempli au tiers de glace et au tiers d’eau suffisent, ou encore deux heures au réfrigérateur. Il est tout de même préférable de servir les bulles trop fraîches… que trop chaudes !

Quel type de verre doit-on privilégier ? Et comment ouvrir et servir le champagne ?

La flûte a été créée pour évaluer le comportement des bulles à une époque où l’effervescence n’était pas garantie. De nos jours, je vous recommande un verre tulipe, ou un simple verre de blanc.

Pour ouvrir la bouteille, tenez-la légèrement penchée d’une main et emprisonnez le bouchon dans la deuxième main, avec le pouce posé fermement sur le bouchon. C’est la main qui tient la bouteille qui la fait tourner pour l’ouvrir. Il faut éviter de faire tourner le bouchon, surtout s’il y a quelqu’un devant vous, car il voyage à environ 50 kilomètres-heure !

Champagne, crémant, cava, franciacorta, prosecco… Qu’est-ce qu’on boit ?

Ces diverses appellations de vins effervescents dépendent de leur région d’origine. Le crémant provient de huit régions de France et d’une région du Luxembourg ; le cava est cultivé en Catalogne ; le franciacorta vient de la région italienne de Lombardie. Ces vins mousseux sont élaborés suivant la méthode champenoise traditionnelle, c’est-à-dire que l’effervescence est naturelle par seconde fermentation en bouteille. Pour le prosecco, le vin effervescent le plus populaire – il s’en vend 630 millions de bouteilles par an –, on utilise la méthode Martinotti, dite de « cuve close », où la fermentation s’effectue en cuve.

Le champagne est-il à réserver pour l’apéro ? Ou pour le dessert ?

Il y a un champagne ou un vin mousseux pour chaque service. En entrée, préférez un extra-brut ou un blanc de blanc, dont l’acidité participera à ouvrir l’appétit. Les cuvées fraîches et minérales accompagneront bien le poisson, tandis que les viandes se marieront parfaitement aux cuvées plus étoffées, comme les champagnes issus de pinots noirs (blancs de noir), les rosés ou les cuvées millésimées.

Au dessert ou avec les fromages crémeux, optez pour un blanc de blanc gras ou millésimé. Les fromages plus puissants, comme les croûtes lavées, réclament des champagnes qui ont un peu plus d’âge.

Quel prix faut-il mettre pour avoir un bon champagne ?

À partir de 60 $, vous aurez quelque chose de très bon.

Pour un évènement à célébrer, quels sont vos coups de cœur (allant de petit budget à coup de folie) ?