CHRONIQUE

La lutte s’organise

L’administration Plante vit sans aucun doute la période la plus difficile de son mandat. Convaincre les citoyens d’adopter les mesures sanitaires adéquates, réaménager la ville afin qu’elle réponde à ces mesures, pallier les dommages collatéraux qui frappent la vitalité économique et commerciale, tout cela occupe largement l’esprit et le temps des élus.

Mais cela n’empêche pas pour autant certaines personnes de mener des jeux de coulisse en vue des prochaines élections de novembre 2021. À 15 mois de celles-ci, beaucoup de rencontres et de discussions ont lieu depuis quelques semaines. Création d’une alliance, formation d’un nouveau parti, repositionnement d’un autre, tout est présentement sur la table.

Le premier indice de la montée de ces voix adverses se trouve sur la page Facebook « Réunifier Montréal », qui est apparue au début de mois de juillet. Son créateur, Nicolas Poirier, décrit le résultat comme « une piste d’atterrissage » pour de nouvelles idées. « On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment d’opposition à Projet Montréal », m’a confié ce spécialiste en placement publicitaire de 36 ans.

Véritable défouloir pour des citoyens déçus, cette page relaie des commentaires et des articles qui tendent à faire resurgir les mauvais coups de Projet Montréal. On y publie aussi des publicités d’un cynisme certain, comme celle où l’on voit Valérie Plante, appuyée sur un cône orange, surplombant le titre « Plus capable ».

En périphérie de ce groupuscule, des gens réfléchissent très fort à une stratégie qui mettrait K.-O. Projet Montréal en 2021. J’ai parlé à quelques-uns d’entre eux. Ils préfèrent pour le moment conserver l’anonymat. Mais on m’a confirmé que des rencontres avaient lieu avec divers candidats potentiels et que des démarches étaient faites dans le but de créer des alliances.

Est-ce que cela pourrait mener à une forme de coalition ? « Il y a plusieurs scénarios qui sont envisagés, m’a confié une source. Il y a beaucoup de discussions et de rencontres en ce moment. Il y a du recrutement qui se fait. »

Et si un nouveau parti ou une coalition devait émaner de ces pourparlers, à quoi ressemblerait sa philosophie ? « Entre un parti au pouvoir bien installé et des dinosaures qui veulent miser sur le mécontentement de la population, il y a de la place pour une autre voix au milieu de cela, m’a-t-on dit. Nous sommes des gens progressistes, environnementalistes, mais centristes sur le plan économique. »

Il est clair que ceux qui songent à se lancer dans la prochaine course n’ont pas envie de présenter une image qui pourrait se rapprocher de celle des partis de Gérald Tremblay ou Denis Coderre. Mais ils ne souhaitent pas non plus s’éloigner de certaines valeurs de Projet Montréal, notamment en ce qui concerne l’environnement. Cette idéologie, je l’ai aussi entendue de la part de Justine McIntyre, chef du parti Vrai changement pour Montréal.

L’ancien parti de Mélanie Joly n’est pas mort, m’a-t-elle assuré. « On a eu une longue réflexion sur la manière de restructurer le parti et on a décidé d’aller de l’avant pour 2021. » Justine McIntyre a l’intention de présenter des candidats dans tous les arrondissements. « Nous aurons une présence forte », a-t-elle ajouté.

L’élection partielle d’octobre dernier dans Le Plateau-Mont-Royal a mis en évidence plusieurs similarités entre les valeurs de Projet Montréal et celles de Vrai changement pour Montréal. Justine McIntyre reconnaît que cela est vrai, mais elle tient à préciser qu’elle est « beaucoup plus conservatrice sur le plan fiscal ».

« J’ai toujours été favorable à une réduction des dépenses, à une réutilisation des ressources disponibles, dit-elle. On ne va pas continuer à fonctionner avec une administration dépensière comme celle qui est en place. »

Lors de la partielle qui a suivi le départ de Luc Ferrandez, Vrai changement pour Montréal a présenté le candidat Marc-Antoine Desjardins. Celui-ci demeure un fidèle allié de Mme McIntyre. « Le problème avec Projet Montréal, ce n’est pas les idées, c’est la façon dont on les applique », dit-il.

Ce cycliste invétéré souhaite un aménagement de voies cyclables, mais il croit qu’on pourrait faire les choses autrement et de façon moins improvisée.

Justine McIntyre refuse de dire pour l’instant si elle sera candidate à la mairie de Montréal lors des élections de novembre 2021. « Nous ne sommes pas rendus là. »

Du côté d’Ensemble Montréal, on a décliné ma demande d’entrevue, mais on m’a confirmé que le parti qui forme l’opposition officielle à la Ville de Montréal sera de la course en 2021. « De plus en plus de Montréalais se rendent compte que l’équipe de Projet Montréal a été élue sous de fausses prétentions […]. La goutte qui a fait déborder le vase, c’est l’attitude de la mairesse depuis le début de la présente crise. Elle a prouvé hors de tout doute qu’elle ne gouvernait que pour une petite partie des Montréalais, alors que nous représentons l’ensemble des citoyens », m’a-t-on écrit dans un courriel.

Avec 31 élus dans 12 arrondissements, Ensemble Montréal devra, avant d’établir sa plateforme, se choisir un chef. Lionel Perez assure toujours l’intérim.

Reste Denis Coderre, qui continue d’entretenir un certain mystère (ou de laisser monter le désir) quant à un éventuel retour en politique municipale. Le politicien évite depuis des mois les questions des journalistes à ce sujet. Sa présence pourrait sérieusement brouiller les cartes.

Il reste 15 mois avant les prochaines élections municipales, mais il est clair que beaucoup de voix ont déjà l’intention de se faire entendre et de se mettre en travers du chemin de Projet Montréal dans cette course.

Si Projet Montréal continue de satisfaire une tranche importante de la population, de plus en plus de citoyens sentent que les décisions et les politiques mises de l’avant par ses élus ne les concernent pas. Et cela, je l’ai beaucoup entendu dans les entrevues que j’ai faites.

Valérie Plante dispose d’un peu plus d’un an pour montrer qu’elle est la mairesse de tous les Montréalais, pour offrir une vision mieux définie de ce qu’elle veut faire avec la métropole et pour séduire la part déçue des citoyens. Tout cela dans un contexte de crise pandémique sans précédent.

Plus que jamais, on comprend que politique et facilité ne vont pas ensemble.

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