Élection présidentielle, un an plus tard

Des partisans toujours ravis

Leur président a beau rallier la majorité des Américains contre lui, les électeurs républicains appuient encore massivement Donald Trump. Ni les soupçons d’ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle, ni la pagaille parmi les troupes à la Maison-Blanche, ni la dissidence de ténors républicains n’entament sérieusement leur enthousiasme. Un an après l’élection, démocrates et républicains sont toujours aux antipodes de la planète politique.

Un dossier de Marc Thibodeau et de Nicolas Bérubé

Les républicains texans restent fidèles

AUSTIN — « Quand Trump a été élu, j’ai eu le sourire aux lèvres pendant cinq heures. »

Chris Salcedo, animateur de radio de Dallas, se présente comme un « vrai » conservateur.

L’émission qu’il chapeaute accorde une large attention aux interventions de Donald Trump, presque systématiquement sur un ton approbateur.

Le chef d’État est un politicien pragmatique qui opte souvent pour des solutions conservatrices « par bon sens », relève M. Salcedo, qui ne trouve guère à redire sur les actions du président depuis son arrivée en poste.

« Il a parfois trop tendance à torpiller les bonnes choses qu’il fait par des interventions sur Twitter », souligne l’animateur, qui multiplie les attaques en ondes contre les élus démocrates, décrits comme des gauchistes immoraux.

Pris au dépourvu

La réaction de Josh Rudd à la victoire de Donald Trump était d’une tout autre nature.

Comme nombre de ses amis, Josh Rudd a été pris par surprise le jour de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Et il a mis du temps à s’en remettre.

« Sur le coup, je me suis senti écrasé par ce qui se passait. Et je me suis dit qu’on avait beaucoup à faire », relève l’étudiant de l’Université du Texas à Austin, qui est l’un des dirigeants de l’association queer de l’institution.

« J’ai été réconforté par le fait que plusieurs personnes ressentaient la même chose que moi », souligne M. Rudd, qui a participé le lendemain du scrutin à une manifestation regroupant plusieurs centaines de personnes.

Le militant, qui est issu d’une petite ville conservatrice du Texas, a été la cible de plusieurs attaques discriminatoires au fil des ans.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a exacerbé plus encore le problème, relève M. Rudd, qui fustige le discours « populiste » et « réactionnaire » du nouveau chef d’État.

« Son élection a libéré la parole de nombre de personnes qui pensent avoir le droit de faire preuve de discrimination. »

— Josh Rudd, étudiant

L’écart idéologique qui sépare Josh Rudd de Chris Salcedo se reflète dans la manière dont évolue la perception du président au sein de l’État depuis l’année dernière.

Globalement, 43 % des Texans approuvent aujourd’hui la manière dont Donald Trump s’acquitte de ses fonctions. Par parti, les résultats sont aux antipodes. Seuls 10 % des électeurs démocrates se disent satisfaits alors que 80 % le sont chez les élus républicains.

Les appuis dans son camp demeurent solides, malgré les difficultés qu’il a rencontrées depuis son entrée en poste pour tenir ses promesses-clés, incluant la révision de l’Obamacare.

Le rédacteur en chef du Texas Tribune, Ross Ramsey, pense que le désaveu démocrate n’est guère étonnant. « Donald Trump et son administration n’ont rien fait en un an pour les tirer de leur côté », relève-t-il.

La stabilité de son soutien du côté républicain est d’abord le reflet, selon lui, du niveau de division politique observé au sein de l’État.

« Si Hillary Clinton avait remporté l’élection, je pense que les chiffres que l’on verrait dans le sondage seraient inversés, mais sensiblement les mêmes », note M. Ramsey.

Le fait que Donald Trump n’ait pas encore pris de décision susceptible d’affecter l’électorat républicain dans des domaines-clés explique aussi le maintien de sa cote de popularité dans son camp.

Un choix tactique

Nombre d’électeurs républicains, dit-il, ont appuyé le candidat pour des raisons tactiques plutôt qu’idéologiques.

Ils le voient comme un outil pour favoriser un « changement majeur » à Washington, et il est loin d’être certain que leur soutien perdurera si le président s’avise en cours de route de changer des choses d’une manière qui les affecte négativement.

La décision récente de Donald Trump de supprimer les subventions fédérales versées aux compagnies d’assurances dans le cadre de l’Obamacare constitue un test crucial pour le chef d’État, relève M. Ramsey.

Comment réagiront ses partisans, demande-t-il, si la couverture médicale dont ils disposent est restreinte ou que le coût de leur assurance médicale explose ?

L’érection d’un mur frontalier avec le Mexique, qui représente le principal partenaire commercial du Texas, est un autre exemple où il existe, selon le journaliste, une forme de « dissonance cognitive » dans l’électorat républicain local. Si le mur se concrétise et que les échanges commerciaux sont compromis, continueront-ils de se montrer solidaires du président ?

« Il faut garder en tête que les électeurs sont les plus grandes girouettes », conclut M. Ramsey.

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Un gouffre entre démocrates et républicains

Donald Trump a-t-il un tempérament présidentiel ?

Républicains : 68 %

Démocrates : 5 %

Est-il honnête et digne de confiance ?

Républicains : 66 %

Démocrates : 4 %

Est-il compétent ?

Républicains : 80 %

Démocrates : 9 %

Source : sondage University of Texas/Texas Tribune

Élection présidentielle, un an plus tard

Donald Trump, président téflon

Où en est le Parti républicain, un an après la victoire-surprise de Donald Trump ? « Les conservateurs ne peuvent pas critiquer Trump, car il parle directement à sa base », estime Rachel Blum, professeure adjointe au département de science politique de l’Université Miami à Oxford, en Ohio. La Presse lui a parlé.

Un an après l’élection, on voit toujours des tensions entre l’establishment républicain et Trump. George W. Bush vient d’ailleurs d’affirmer qu’il craint d’avoir été le « dernier président républicain ». Cela pourrait-il finir par jouer des tours à Trump ?

L’establishment du Parti républicain et plusieurs des élus du parti n’ont jamais été de grands admirateurs de Donald Trump et de sa présidence. Ils ne s’en cachent pas et, de temps en temps, un sénateur républicain fait une sortie pour critiquer le président. Par contre, l’électorat américain est si divisé que tant et aussi longtemps que Trump continuera à ne pas être un démocrate, les électeurs républicains sont prêts à soutenir ce qu’il fait.

Même si leur appui est en baisse depuis un an, près de 80 % des électeurs républicains soutiennent toujours Trump. Qu’est-ce que le président doit faire pour continuer à avoir l’appui de ses partisans ?

La base partisane de Trump tend à suivre la politique et à avoir plus d’information – peut-être pas de la bonne information, mais de l’information quand même. Ces gens sont extrêmes. Ce qui est frappant, c’est que si nous avions un autre système électoral, Trump ferait partie de l’extrême droite, il ferait partie du parti protofasciste. Mais aux États-Unis, il fait encore partie du Parti républicain, alors vous avez des gens qui se considèrent comme des conservateurs qui se font mettre de côté par Trump, qui les qualifie d’« establishment » ou de « politiciens de carrière ». Lui, il prétend parler au nom du peuple. Les conservateurs ne peuvent pas critiquer Trump, car il parle directement à sa base, il qualifie ce qu’il n’aime pas de « fake news » et ça finit là.

Des élections ont lieu aujourd’hui dans certains États. En Virginie, l’élection au poste de gouverneur est perçue par certains comme un référendum sur la présidence Trump. Est-ce une bonne façon de voir les choses, selon vous ?

La course en Virginie est intéressante. Ed Gillespie, le candidat républicain au poste de gouverneur, a adopté des positions et une rhétorique très semblables à celles de Trump. Donc, vu sous cet angle, si les électeurs républicains de la Virginie devaient l’appuyer, cela validerait ces idées. Par contre, les électeurs républicains de l’État ont un historique de rejet de l’extrémisme. Donc ce sera intéressant de voir ce qu’ils feront aujourd’hui.

Quelle sera la stratégie du GOP pour les élections de mi-mandat l’an prochain ?

On sait qu’à chaque élection de mi-mandat aux États-Unis, le parti qui fait des gains est le parti qui n’occupe pas la Maison-Blanche. C’est essentiellement toujours le même scénario. Les candidats auront deux options : ou ils prendront leurs distances d’avec Trump, ou ils essaieront de rallier les troupes derrière lui. Je crois que cela dépendra des enquêtes autour de Trump et de ses proches. On pourrait commencer à voir de plus en plus de républicains prendre leurs distances.

N’oublions pas que, depuis 2010, les républicains devaient bouger vers la droite pour éviter de se faire doubler par un candidat du Tea Party. Or, le candidat type du Tea Party est aujourd’hui le centre du Parti républicain. Désormais, la menace principale qui guette les candidats républicains est un candidat démocrate de la gauche. Alors, d’un point de vue stratégique, on pourrait voir de plus en plus de candidats conservateurs modérer leurs ardeurs et bouger vers le centre.

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