réforme fiscale

« On s’attaque à un tabou », plaide Nadeau-Dubois

Ils aspirent à être élus premier ministre du Québec, le 3 octobre. Au cours des prochains jours, les chefs des cinq principaux partis auront répondu aux questions de nos journalistes.

Gabriel Nadeau-Dubois répond sans hésiter aux critiques sur ses « taxes orange ». L’expression que tente de lui coller François Legault démontre au contraire que son adversaire caquiste est « déconnecté » de la classe moyenne, dit-il. Car pour financer des systèmes de santé et d’éducation qui en arrachent, tout comme ses nombreuses mesures pour lutter contre les changements climatiques, le co-porte-parole de Québec solidaire (QS) assume le fait qu’il « s’attaque à un tabou ».

Dans sa plateforme électorale, le parti de gauche propose de demander une contribution supplémentaire aux Québécois les plus riches en instaurant un impôt sur les « grandes fortunes » qui s’appliquerait aux gens qui ont plus de 1 million en actifs nets, soit 0,1 % par tranche de 1 million après le premier million. QS promet aussi d’imposer un impôt de 35 % sur les successions quand elles dépassent 1 million.

Ces deux mesures ont suscité depuis leur présentation leur lot de critiques, tant de la part du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, que d’observateurs, qui ont souligné que bien des contribuables ont des actifs qui dépassent le million, si l’on inclut leur résidence et leurs économies de retraite.

« Les gens de la classe moyenne n’arrivent pas à la retraite avec 2 millions de dollars mis de côté. Les gens qui arrivent à la retraite avec 2 millions, [ils] ne sont plus dans la classe moyenne », a répliqué du tac au tac M. Nadeau-Dubois, mercredi, lors d’une entrevue éditoriale à La Presse.

« Ce qu’on demande aux gens qui ont 2 millions d’accumulés, c’est à peu près 20 $ par semaine. Est-ce que c’est exagéré dans une société inégalitaire comme celle du Québec ? »

— Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

« La réaction virulente de mes adversaires à cette proposition démontre une chose : la classe politique québécoise est complètement déconnectée de la réalité de la classe moyenne », a-t-il dit.

« Ce débat-là, je pense que c’est un wake-up call », dit-il, car on « parle très peu des gens qui arrivent à la retraite et qui n’ont pas une cenne ».

Priorité transport

Bien conscient que ses propositions fiscales dérangent ses adversaires et qu’elles suscitent de nombreux débats, notamment sur les impacts qu’elles auraient sur le plan économique, Gabriel Nadeau-Dubois réplique qu’elles sont nécessaires pour s’attaquer au combat le plus important à ses yeux : la lutte contre les changements climatiques. Et sur ce front, le chef parlementaire sortant de QS a une priorité bien définie : combattre l’auto solo.

En entrevue, M. Nadeau-Dubois a notamment dit qu’il souhaitait convaincre François Legault (si le chef de la CAQ devient premier ministre, plutôt que lui, le 3 octobre) de travailler pour développer, comme QS le propose, un réseau national public de transport interurbain par bus et un réseau de trains électriques québécois. Dans sa plateforme, QS promet entre autres de créer deux nouvelles sociétés d’État, « Québec bus » et « Québec rail », mais aussi de mettre en place un fonds d’investissement de 50 millions pour aider les municipalités à multiplier les services d’autopartage dans toutes les régions.

« Il faut réduire les émissions [de gaz à effet de serre] dans le secteur des transports. Et la clé pour y arriver, c’est de donner des alternatives à l’auto solo. […] On a besoin au Québec du plus grand chantier depuis la Révolution tranquille, et ça doit être un chantier de mobilité », a plaidé une fois de plus M. Nadeau-Dubois.

Mais ces grands chantiers, s’ils voient le jour, ont un coût. Ils exigeront des investissements majeurs de l’État. Seront-ils rentables sur le plan économique ?

« Il faut avoir les moyens de ses ambitions. Je trouve qu’on passe beaucoup de temps dans cette campagne à critiquer les politiciens qui ont de l’ambition de dépenser trop et peu de temps à talonner les politiciens qui ne dépensent pas assez. »

— Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Dans son cadre financier, QS propose d’augmenter sur quatre ans les dépenses du Québec de 36 milliards et les revenus de 25 milliards, en imposant davantage les revenus de 100 000 $ et plus. Le parti mettrait aussi fin aux versements destinés au Fonds des générations afin d’investir ces sommes dans la lutte contre les changements climatiques.

Être rassembleur

Depuis qu’il est devenu aspirant premier ministre pour Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois tente de projeter une image rassembleuse, loin de celle qu’il avait lorsqu’il a été connu des Québécois il y a 10 ans, pendant les contestations étudiantes contre la hausse des droits de scolarité.

À quelques jours du scrutin, alors que des déclarations controversées du ministre sortant de l’Immigration, Jean Boulet, font surface, M. Nadeau-Dubois s’inquiète des tensions qui augmentent au Québec comme ailleurs sur ces questions délicates.

« Les débats sur l’immigration, ce n’est pas des débats sur la trajectoire des comètes ! Ce sont des débats qui ont des conséquences dans la vie des gens », déplore-t-il, soulignant qu’on peut débattre des seuils en immigration sans utiliser des mots explosifs comme « suicidaire », comme l’a fait François Legault mercredi, qui qualifiait ainsi toute proposition de les augmenter au-delà de 50 000 par année.

À ce sujet, QS promet notamment d’augmenter le seuil annuel d’immigrants entre 60 000 et 80 000 et de confier le mandat de définir ce qu’est la capacité d’accueil du Québec à des experts. Le parti de gauche estime qu’une telle mesure aiderait notamment à résorber la crise de la pénurie de main-d’œuvre.

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