Les 20 ans de Rêver mieux

Récit d’une création unique

Il y a exactement 20 ans, le 16 octobre 2001, Daniel Bélanger lançait son troisième album studio, Rêver mieux. Deux décennies plus tard, l'auteur-compositeur-interprète et ses principaux collaborateurs racontent la création de ce disque au propos inquiet et à l’aura réconfortante.

Un nouveau jouet

Cinq années se sont écoulées depuis Quatre saisons dans le désordre quand Daniel Bélanger amorce le travail sur ce qui deviendra Rêver mieux. Il n’a pas vu le temps passer. Il venait d’enchaîner deux tournées – celle du disque et une virée solo intitulée Seul dans l’espace – et avait passé pas mal de temps à apprivoiser son nouveau jouet : un échantillonneur MPC 2000.

« C’est une machine qui était surtout utilisée pour la production de musique hip-hop », explique Jean-François Lemieux, son bassiste de longue date. Avec ce nouvel outil dans son arsenal, Daniel Bélanger expérimente. Il se retrouve aussi en contrôle total de son univers musical : les maquettes qu’il présente à ses collaborateurs, dont le réalisateur Carl Bastien, sont hyper étoffées. « Rêver mieux, pour moi, dit encore le bassiste, c’est le début de Daniel Bélanger comme arrangeur. »

« Artistiquement parlant, l’album était déjà défini dans les démos. Les cuivres, la direction, l’atmosphère, tout ce qu’il voulait construire était déjà là », se rappelle son frère Michel Bélanger, alors à la tête de l’étiquette Audiogram.

Chansonnier « électronique »

Daniel Bélanger est comme pas mal de monde au tournant des années 2000 : désintéressé du rock et attiré par la musique downtempo (il songe à Morcheeba) et l’électro-lounge alors en vogue. Il se rappelle aussi avoir été happé par le premier album solo de Marc Déry, paru en 1999, et par la guitare acoustique dans Dream On, morceau de Depeche Mode datant de 2001. « Ça a explosé dans ma tête ! Je trouvais ça tellement le fun, ce mélange d’acoustique et d’électronique. »

Ces déclics ont donné des pistes pour Rêver mieux. « On voulait le mix entre ce qui était plus un vrai band et des trucs plus machines. Parfois à l’intérieur de la même chanson », résume Carl Bastien. L’arrimage des deux mondes se fait subtilement dès Te quitter : la rythmique n’a rien de rock, des notes de claviers s’envolent comme des bulles, et la guitare mélancolique est enveloppée dans un délicat écrin synthétique.

« Je me rendais compte que si j’entretenais mon amour du folk, que j’invitais d’autres éléments dans ça, je pouvais faire du chemin sans jamais me perdre. »

— Daniel Bélanger

Daniel Bélanger s’étonne encore, 20 ans plus tard, qu’on ait autant souligné l’aspect électro de son disque. « Rêver mieux n’est pas si électronique que ça », juge-t-il, en énumérant le piano, la guitare sèche, la flûte, les cuivres et les autres instruments acoustiques qu’on y entend. « La musique électronique était une inspiration. »

Plus de musique

Michel Bélanger, comme producteur, n’a forcément rien contre les chansons pop qui durent trois minutes : c’est le genre de morceau qui peut tourner à la radio et faire vendre un album. Avec Rêver mieux, cependant, il jugeait qu’il y avait matière à sortir de ce genre de « comptabilité ». « Il voulait toujours plus de musique », se rappelle Daniel Bélanger.

Et c’est à la demande du producteur, se souvient Carl Bastien, que, par exemple, Intouchable et immortel est devenu une chanson-fleuve de près de huit minutes transportée par un long pont instrumental tripatif. « Je me souviens d’avoir dit : “Prenez votre temps, il y a de la place”, se rappelle Michel Bélanger. Tout ça était inspiré par le démo. Tout était là pour que la musique se passe sans que ça demande un effort à l’auditeur. Daniel a toujours cru que, même si les arrangements ou les accords pouvaient être compliqués, ce n’était pas à l’auditeur de faire l’effort ; c’était à nous de faire en sorte que ça ne paraisse pas. »

6 milliards de solitudes

Rêver mieux est une invitation à aspirer à autre chose. Sous ses atours planants, il est rempli d’inquiétude, de tristesse et de solitude. « Anxieux », dit Daniel Bélanger. « Il y avait ce désir que la musique aime la vie pendant que l’autre en arrache », dit Michel Bélanger. Ce n’est pas de la solitude du chanteur qu’il est question. Faire de l’écriture une thérapie, ce n’est pas le genre de Daniel Bélanger. « Chanson pour moi, c’est vraiment moi, mais en même temps, il faut qu’il y ait un show dans la chanson, le show de la solitude, explique-t-il. J’aime la transformation de la réalité. »

Un album en orbite

Le designer sonore du disque, c’est Carl Bastien, qui a soigneusement créé la bulle qui enveloppe l’album tout entier. Or, c’est Michel Bélanger qui a construit le disque en établissant l’ordre des chansons. « Il fallait trouver l’équilibre entre le propos musical et les textes, dit-il. Quand le pacing a été terminé, je n’en revenais pas. J’avais dit à Daniel que j’avais le sentiment que c’était un disque important. »

Il ne s’est pas trompé. L’adhésion a été immédiate. Rêver mieux s’est vendu à 100 000 exemplaires en un mois et a valu plusieurs Félix à Daniel Bélanger et à ses collaborateurs. Il a aussi influencé toute une génération de jeunes créateurs, qui le racontent dans Daniel Bélanger – Rêve encore, émission balado en quatre épisodes produite par Télé-Québec et diffusée sur le site de La Fabrique culturelle.

Daniel Bélanger ne cherche pas à trop analyser l’affection des gens pour ces chansons. Il se contente d’aimer ce disque, lui aussi. « J’aime ces chansons, j’aime ce que je peux en faire 20 ans après. Elles sont malléables, ce sont de vraies chansons. Quand je joue une chanson de Rêver mieux, les gens réagissent. J’aime ce disque parce que les gens l’aiment. »

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