Dans l’atelier de… Alain et Agathe Piroir

Artistes en impression, père et fille

Espace de travail et d’exposition consacré à l’art imprimé depuis 26 ans, l’Atelier Piroir édite des estampes, crée des livres d’artistes et expose les œuvres de graveurs. La Presse a rencontré son fondateur, Alain Piroir, et son associée, sa fille Agathe, dans leurs locaux du Mile End.

Dans l’atelier de… Alain et Agathe Piroir

Historique

Graveur de formation, Alain Piroir s’est installé au Québec au milieu des années 1990 après des études de beaux-arts en France et une solide expérience d’imprimeur acquise dans des ateliers parisiens. Il y avait travaillé avec des artistes marquants tels que Francis Bacon, Roberto Matta ou Max Ernst. De son côté, Agathe Piroir a appris de son père les techniques d’impression. Elle a d’abord travaillé à New York pour des artistes réputés tels que Robert Rauschenberg ou Kiki Smith avant de se joindre à l’Atelier Piroir en 2006 et d’y créer une galerie d’exposition.

C’est l’impression, en 1995, du livre d’artistes Le cirque – 12 gravures originales de Jean Paul Riopelle associées à 6 textes de Gilles Vigneault – qui a marqué le début de la carrière d’Alain Piroir au Québec. « En 1994, j’avais contacté Louis-Pierre Bougie à l’atelier Lacourière-Frélaut, à Paris, dit-il. Il m’avait conseillé de contacter l’Atelier Circulaire, à Montréal, au cas où ils auraient besoin d’un imprimeur. C’est comme ça que j’ai rencontré Riopelle grâce à un projet de livre de l’éditeur Michel Tétreault. On a ensuite carrément monté un atelier à L’Isle-aux-Grues, en transférant une presse Ledeuil là-bas, et le travail a duré six mois ! Après, on a mis un an et demi à tout imprimer ! »

Dans l’atelier de… Alain et Agathe Piroir

L’atelier

Dans son atelier, Alain Piroir a commencé par travailler la gravure en creux, soit la taille-douce. Il a ensuite étendu sa pratique à l’impression de gravures en relief, à la typographie sur plaque de polymère, à la lithographie sur pierre et à la photogravure. L’Atelier Piroir est un véritable musée de presses à imprimer. Des machines qui viennent la plupart d’Europe. Certaines datent du XIXsiècle et une, de près de 300 ans. « Démontées, elles ont traversé l’Atlantique dans des conteneurs », dit Agathe Piroir.

Alain et Agathe Piroir ont des relations très proches avec les artistes dans leur atelier. « Nous sommes dans la proximité quand on fait les essais, les choix de couleurs, dit Agathe Piroir. On est dans l’intimité de l’artiste au niveau de sa création. » « Le plus intéressant, c’est quand l’artiste nous laisse une grande liberté, comme avec Lucie Jolicoeur Côté », dit Alain Piroir.

Dans l’atelier de… Alain et Agathe Piroir

Les artistes

Quand La Presse est passée dans l’atelier, Alain et Agathe Piroir travaillaient sur le livre d’artistes de la poétesse Joséphine Bacon et du graveur Terry Randy Awashish, qui sera lancé prochainement. Un projet qui promet d’être splendide. C’est tout un art de penser à chaque détail pour que le résultat soit optimal. L’Atelier Piroir a d’ailleurs reçu le prix international Saint-Denys Garneau en 2021, en reconnaissance de la qualité de ses livres d’artistes. N’en déplaise à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) qui ne considère pas les Piroir comme des artistes, mais comme des « techniciens », regrette Agathe Piroir.

Parmi les artistes qui travaillent avec l’Atelier Piroir figure Hélène Latulippe, qui y présente ses œuvres actuellement et jusqu’au 5 février. Et d’autres tels que Jean-Michel Cropsal, Jo Ann Lanneville, Pierre Durette, Guillaume Brisson-Darveau, Lucie Jolicoeur Côté ou Stephanie Russ, qui y exposera à la fin de 2022. À noter que l’artiste visuel Ed Pien et l’écrivaine Katia Grubisic y lanceront également un livre d’artiste en avril.

L’Atelier Piroir accueille également un artiste en résidence après chaque Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières. La dernière est Céline Huyghebaert, prix du Gouverneur général en 2019, qui y fera une résidence de création au printemps avant d’y exposer plus tard.

Dans l’atelier de… Alain et Agathe Piroir

L’avenir

Le marché de la gravure est petit au Québec. Aussi, Agathe Piroir parcourt les foires internationales comme Codex, en Californie, ou Art on Paper, à New York. L’Atelier Piroir est membre de l’International Fine Print Dealers Association, un regroupement de spécialistes en art imprimé qui attirent des collectionneurs passionnés. « Aux États-Unis, je connais pratiquement tous les grands collectionneurs de livres d’artistes ! », dit-elle, avant de glisser qu’elle ne comprend pas pourquoi, au Québec, l’Association des galeries d’art contemporain refuse que l’Atelier Piroir participe à la Foire Papier. « Pourtant, on fait du papier tous les jours et on est une galerie d’art contemporain », dit Alain Piroir.

La galerie Piroir veut favoriser la gravure éclatée, audacieuse. L’été prochain, elle exposera les œuvres de Johny Ngbwa, un artiste de 26 ans d’origine camerounaise qui vit en Italie et crée des linogravures. Agathe Piroir projette d’avoir une galerie plus visible qu’elle ne l’est actuellement, au huitième étage d’un édifice. Quant à Alain Piroir, il rêve d’exposer, dans un musée, quelques-unes des milliers d’œuvres produites dans l’atelier. « Pour montrer les différentes techniques, car ce sont toujours des mondes différents, même si c’est créé de la même façon », dit-il.

Agathe Piroir est déterminée à pérenniser l’atelier quand son père prendra sa retraite. Mais Alain Piroir, âgé de 71 ans, n’est pas pressé ! « J’ai déjà dit à Agathe de ne pas s’inquiéter si un matin elle me trouve entre deux presses ! dit-il. L’art imprimé, c’est ma vie. Ça fait 50 ans que je suis en vacances ! »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.