Paris — Deux motions de censure ont été déposées vendredi contre le gouvernement français, plongé dans une crise politique après son passage en force sur la réforme des retraites, qui a amplifié la colère sociale et déclenché des échauffourées en plein Paris.
Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en soirée place de la Concorde, à Paris, à quelques centaines de mètres de l’Assemblée. Un brasier flambait, allumé par des manifestants, et l’ambiance s’est tendue à la tombée de la nuit, selon des journalistes de l’AFP.
Des centaines de personnes ont affronté la police par petits groupes, avec jets de projectiles. Vers 21 h 30 la place était totalement évacuée. Selon la préfecture de police, 61 personnes y ont été interpellées dans la soirée.
À Strasbourg, c’est sur la place Kléber que se sont retrouvés 1600 protestataires. « Nous aussi, on va passer en force », ont scandé les manifestants. La préfecture a fait état de « dégradations » dans le centre-ville, mais d’aucune interpellation.
À Lyon, des manifestants ont fait irruption dans une mairie d’arrondissement et ont allumé un feu, mais la police l’a rapidement éteint et a interpellé 36 personnes, selon la préfecture.
Toujours à Lyon, quelques centaines de jeunes ont incendié des poubelles, renversé des trottinettes, brisé des panneaux publicitaires, lancé des pétards et tagué des vitrines en scandant : « C’est à qui ? C’est à qui ? C’est à nous ! », selon un journaliste de l’AFP sur place. La police a répliqué par l’usage de gaz lacrymogène.
Un millier de personnes ont défilé dans le centre de Lille, et un cortège de quelques centaines de manifestants s’est dispersé sans heurt à Bordeaux.
Deux motions
Les motions de censure devraient être examinées à l’Assemblée nationale lundi, ont indiqué des sources parlementaires à l’AFP, sous réserve d’une validation juste avant la séance.
Les députés du groupe parlementaire indépendant centriste LIOT ont annoncé à l’Assemblée le dépôt d’une motion « transpartisane » de censure du gouvernement, cosignée par des élus de la NUPES (gauche radicale).
Le Rassemblement national (extrême droite) a également déposé vendredi une motion de censure, fustigeant une « réforme injuste et inutile ».
Ces démarches sont des ripostes à la décision du président Emmanuel Macron de recourir jeudi à l’arme de l’article 49.3 de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée, sauf si une motion de censure venait à renverser le gouvernement.
« L’apogée d’un déni de démocratie »
Ce choix sur cette très impopulaire réforme des retraites, contre laquelle de nombreux Français se sont mobilisés depuis le 19 janvier, « est l’apogée d’un déni de démocratie inacceptable dans sa constance et son mépris de nos institutions et de nos corps sociaux », est-il notamment écrit dans le texte de la motion de LIOT.
Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a appelé le président français à « retirer la réforme » des retraites.
La motion de censure déposée par le groupe parlementaire LIOT est celle qui pourrait potentiellement causer le plus de problème au gouvernement par son côté transpartisan.
Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure devra recueillir une majorité absolue à l’Assemblée, soit 287 voix. Ce qui nécessiterait notamment qu’autour d’une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe LIOT, en plus de faire le plein des autres opposants, une hypothèse qui paraît a priori improbable.
Le gouvernement français a choisi de relever l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.
— Agence France-Presse