À ma manière

Comment j'ai sauvé Bernard Trottier de la faillite

Chaque semaine, une personnalité du milieu des affaires nous raconte dans ses mots une page de son histoire.

Qui ? Marc Gerlache, copropriétaire de Bernard Trottier Sports et consultant en redressement d’entreprises.

En 2010, c’était partout dans les médias : Bernard Trottier Sports, cette icône de la Rive-Sud, était en faillite. M. Trottier s’était tellement investi dans l’industrie du ski que ça me faisait de la peine de voir que son nom allait mourir. Avec un partenaire d’affaires, j’ai repris la faillite du syndic.

En regardant les états financiers, une évidence m’a sauté aux yeux. Avant de déclarer faillite, d’autres solutions auraient pu être envisagées.

La première chose qu’on a constatée, mon partenaire d’affaires et moi, c’était les frais de gestion astronomiques des succursales de Laval et de Pointe-Claire. On a donc pris la décision de les fermer.

La deuxième chose qui posait problème, c’était le local à Greenfield Park, beaucoup trop grand et trop cher. À 25 000 $ par mois, il faut en vendre, des skis, pour rentabiliser cette dépense ! On a essayé de casser le bail, mais le propriétaire demandait trop cher. On l’a donc terminé, puis on est déménagé dans un local plus petit et plus chaleureux.

Un endroit plus petit permet de diminuer les frais fixes du loyer, de l’électricité, du chauffage et de la climatisation. Pour s’assurer de la survie d’une entreprise, le loyer doit coûter maximum 10 % des revenus.

J’ai ensuite analysé les ventes et j’ai vu que les mardis et mercredis, elles étaient minimes. J’ai alors décidé de fermer le magasin durant ces deux jours. Quand je vois mes concurrents ouverts avec un minimum de cinq employés sur le plancher, mais pas plus de clients, je ne regrette pas cette décision ! À 15 $ l’heure en moyenne par employé, le budget salarial devient trop élevé pour ces journées sans clients. Le salaire des employés doit correspondre idéalement à 8 % des revenus et au maximum à 16 %. Sinon, tu cours lentement à ta perte.

Un Saut vers l’avenir

Il a fallu trouver une solution pour contrer l’achat des skis sur internet. Les gens nous faisaient souvent le coup ! Ils entraient dans la boutique pour avoir de précieux conseils, passaient une heure avec un employé, essayaient tous les skis de la boutique et repartaient les acheter sur internet… ailleurs.

Grâce à internet, les gens savent ce qui existe. Ce n’est plus un vendeur qu’ils veulent, mais un conseiller. On a pris la décision de vendre seulement les skis que nous avons essayés. Nos critères : le rapport qualité-prix et le cosmétique.

Réduire les stocks en magasin et le surplus en fin de saison fait en sorte qu’on devient beaucoup plus compétitif sur le marché de détail et le marché internet.

L’autre stratégie, qui permet de payer tous les frais fixes, c’est la location de skis et de planches à neige. On a réaménagé la structure de Bernard Trottier Sports en fonction de la location d’équipements aux enfants à partir de 2 ans jusqu’aux adultes. La moyenne de ski au Québec est d’environ sept jours. La location d’équipements de ski ou de planche à neige pour les enfants devient donc un choix abordable et logique pour les familles.

Éviter les chutes fatales

Pour réussir et perdurer dans les affaires, les propriétaires de magasins de détail doivent être ouverts d’esprit, évoluer et s’adapter à l’époque dans laquelle on vit. Sinon, c’est l’échec assuré à court ou à moyen terme.

C’est d’ailleurs ce que j’explique aux entrepreneurs qui me consultent alors qu’ils sont au bord du gouffre.

Je leur dis : « Première étape, vous devez admettre que l’entreprise a un problème. Ensuite, pour vous éviter un stress considérable, il est important de ne pas garder cette situation pour soi. En parler à ses proches et à ses collaborateurs permet de trouver des solutions. »

Tout entrepreneur connaît un jour des difficultés. Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse. Au contraire, c’est le courage d’amener son entreprise plus loin.

Une faillite, c’est un constat d’échec et ça cause une anxiété énorme. Avant d’en arriver là, ça vaut la peine d’analyser les autres options.

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