Accords d’Abraham

Un développement majeur vers la paix au Moyen-Orient

Cela fait plus de 20 ans que je me déplace régulièrement en Israël ; en fait, j’y suis allé maintenant plus de 40 fois, pour des raisons professionnelles ou personnelles. Cette dernière fois, après une dizaine de jours dans l’État hébreu, j’ai pris un vol direct pour les Émirats arabes unis, survolant l’Arabie saoudite, dans un avion d’El Al, la compagnie aérienne nationale d’Israël.

Qui aurait cru cela possible il n’y a que quelques années ? Et pourtant.

Après les accords de paix avec l’Égypte (1978), avec la Jordanie (1994), voici maintenant qu’Israël a des traités de paix avec Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Soudan et le Maroc. Ces accords – appelés accords d’Abraham pour souligner l’héritage commun des juifs, des chrétiens et des musulmans dont les traditions considèrent Abraham comme leur ancêtre – sont en fait une série de traités qui normalisent les relations diplomatiques entre Israël et ces pays.

Ce que nous pouvons déduire de ce développement majeur est que le veto palestinien, qui a longtemps empêché les relations officielles entre Israël et les pays arabes, a sauté.

Le monde arabe, constatant un certain repli américain de la région et craignant une montée en puissance de l’Iran à la recherche de l’arme nucléaire et source d’appui de mouvements terroristes et déstabilisateurs pour l’ensemble du Moyen-Orient, a décidé que de développer des liens avec Israël servait ses intérêts.

Israël, une puissance militaire majeure de la région, avec une industrie de haute technologie qui fait l’envie des États pétroliers cherchant à diversifier leurs économies, est une solution (à tout le moins partielle) aux enjeux auxquels ils font face.

Un nouveau monde, impensable il y a peu

Partout à Dubaï, j’ai entendu de l’hébreu. Les Juifs portant la kippa marchaient ouvertement dans les rues de cette mégalopole, plus en sécurité qu’à Paris. Mon hôtel incluait un restaurant cachère, et il est possible d’assister à l’office du Shabbat sans passer par autant de sécurité que lorsque je voyage à Rome ou à Prague.

Dans certaines villes d’Europe, je fais attention de ne pas attirer l’attention sur mon pendentif en forme d’étoile de David. Je n’ai pas eu cette même crainte aux Émirats arabes unis. Abou Dabi a construit une Abrahamic Family House⁠1, consistant en une église, une synagogue et une mosquée au même endroit, un symbole puissant d’harmonie. Longtemps un tabou dans le monde arabe, l’Holocauste sera maintenant enseigné dans les écoles des Émirats.

Pendant ce temps, le Maroc célèbre son héritage juif. Des dizaines de milliers de Québécois d’origine juive marocaine servent de pont extraordinaire entre le Royaume, le Canada et Israël.

D’immenses possibilités

Selon le Bureau central des statistiques, depuis la signature des accords d’Abraham, plus de 150 mémorandums ont été conclus entre Israël et ses nouveaux partenaires. En 2021, le commerce entre ces entités a dépassé les 2,6 milliards de dollars canadiens à la suite d’une hausse de 66 %.

En mars 2022, les ministres des Affaires étrangères de l’Égypte, du Maroc, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et des États-Unis se sont rendus en Israël à l’invitation du premier ministre d’alors, Yaïr Lapid, rencontre nommée sommet du Négev2. La coopération s’approfondit, y compris dans le domaine crucial de la lutte contre les changements climatiques, au bénéfice de tous.

Essentiels mais non suffisants

Les accords d’Abraham ont changé la donne. Mes interlocuteurs arabes n’ont aucune volonté de faire marche arrière. Mais ils expriment quand même une certaine appréhension par rapport à l’actuel gouvernement israélien, constitué en partie de formations politiques de droite dure, ce que je peux aisément comprendre.

Ils désirent aussi utiliser leurs relations avec Israël pour faire avancer la paix avec les Palestiniens. Ils n’ont pas oublié leurs frères palestiniens ; ils croient cependant que l’attitude intransigeante de ceux-ci a éloigné la paix.

Les accords d’Abraham, en permettant aux Israéliens – et aux Juifs non israéliens mais ouvertement juifs comme moi – de voyager et de commercer dans la région, en réaffirmant l’indigénéité des Juifs dans leur patrie historique et en acceptant la pérennité de l’État d’Israël, ont créé une conjoncture favorable qui, si l’occasion est saisie, ouvrira la porte à la paix entre les voisins que sont Juifs et Palestiniens.

1. Consultez le site de l’Abrahamic Family House (en anglais)

2. Lisez le site du United States Institute of Peace (en anglais)

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