éducation

Grèves, éclipse solaire, pénurie d’enseignants : l’année scolaire qui s’achève aura été mouvementée. Et elle se termine avec des ratés dans la distribution des épreuves ministérielles de sciences et de mathématiques de 4e secondaire.

Distribution des épreuves ministérielles de sciences et de mathématiques

Cafouillage en  4e secondaire

Questions dans le mauvais ordre, examens dans la mauvaise langue : la distribution des épreuves ministérielles de sciences et de mathématiques de 4secondaire a connu des ratés, cette semaine.

Dans un courriel envoyé lundi, deux jours avant l’épreuve de sciences, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) a demandé à l’ensemble des centres de services scolaires de vérifier les enveloppes qu’ils ont reçues, mais d’attendre la veille de l’épreuve pour le faire.

« Nous avons été avisés que des cahiers de l’élève en version anglaise pourraient se retrouver dans les boîtes de l’épreuve de science et technologie de la 4e secondaire », peut-on lire dans le courriel obtenu par La Presse. « Malheureusement, il est impossible de connaître les organismes touchés. »

« Afin d’éviter la surprise le matin de la passation de cette épreuve, nous vous proposons d’ouvrir les enveloppes exceptionnellement la veille de l’épreuve, c’est-à-dire le 18 juin 2024 à 17 h et de vérifier le contenu des enveloppes », ajoute le Ministère.

En temps normal, les examens ministériels sont envoyés aux différentes écoles dans des enveloppes scellées placées dans un local fermé à clé auquel une seule personne désignée par école peut accéder. L’objectif est ainsi de préserver la confidentialité de l’examen.

Quelques heures après la fin de l’examen de sciences de mercredi, un deuxième courriel du Ministère a été envoyé aux centres de services scolaires, mais cette fois-ci, il est question de l’assemblage des cahiers d’examen.

« Certains cahiers de la section A de l’épreuve de science 055-410 auraient été mal assemblés par notre imprimeur, faisant en sorte que les questions de 6 à 15 n’auraient pas été dans le bon ordre. »

— Extrait d'un courriel consulté par La Presse

Dans l’échange, on demande aux établissements scolaires de vérifier les copies des élèves et de rapporter toute anomalie. Il est également demandé aux enseignants de « porter une attention particulière aux réponses des élèves à ces questions » et de signaler si « des réponses étaient manquantes aux dernières questions » des cahiers.

« Ça fait un an qu’on prépare les élèves »

La Presse a pu s’entretenir avec un enseignant en science chargé de surveiller l’épreuve de science et technologie dans une école secondaire de Lanaudière. Il préfère rester anonyme par crainte de représailles.

Selon lui, il n’y aura pas de reprise de l’examen dans l’éventualité où ce dernier serait annulé. Une réalité qui serait dure à digérer pour cet enseignant, considérant les mois qui ont été nécessaires à la préparation des élèves pour l’examen.

« C’est fâchant parce que nous, ça fait un an qu’on prépare les élèves pour cet examen, dit-il. Ça fait trois semaines, un mois, qu’on fait des révisions et qu’on les entraîne pour cet examen-là. »

« Nous, on a bien fait notre travail, mais quelqu’un au-dessus de nous l’a mal fait et ça va annuler notre année. »

— Un enseignant d'une école secondaire de Lanaudière

Il craint aussi les conséquences qu’un tel cafouillage pourrait avoir sur la motivation des élèves.

« Déjà, nos élèves, en ce moment, sont désintéressés par l’école. Si en plus on leur fait annuler des épreuves, j’ai de la difficulté à croire qu’on peut les garder accrochés à l’école et qu’elle a une importance si en plus on fait des erreurs dans leurs examens », dit-il.

L’enseignant de science souligne également les conditions dans lesquelles les examens ont eu lieu. Le thermostat affichait 28 degrés au moment d’entrer dans la salle d’examen, mercredi.

« Il n’y a pas de ventilateurs [dans les classes], on les force à étudier, ils viennent à l’école en pleine canicule et on va leur dire que leur examen ne va pas être compté, car on a fait des erreurs dans les copies », déplore l’enseignant.

« C’est très décevant »

Pour la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), Kathleen Legault, cette situation démontre un manque d’organisation.

« C’est très décevant que le MEQ ne soit pas plus organisé et qu’on nous avertisse à la dernière minute, mais ce qui dépasse tout, ce sont des directives 24 heures avant [l’épreuve], dit-elle. On s’explique mal qu’on ait demandé à la personne responsable d’attendre la veille [de l’examen] à 17 h, alors que le courriel a été envoyé la veille. »

Kathleen Legault se dit inquiète que des problèmes d’assemblage des cahiers puissent faire « douter de la validité de l’épreuve » et ainsi « pénaliser des élèves ».

Des « irrégularités mineures » constatées par le Ministère

Le MEQ confirme que des « irrégularités mineures » dans l’assemblage des cahiers des élèves ont été constatées pour les épreuves ministérielles de 4secondaire de sciences ST et de mathématiques CST.

Parmi les irrégularités, des erreurs d’assemblage touchant l’ordonnancement des questions dans l’épreuve de sciences ont été constatées et des erreurs d’assemblage des documents ont aussi été trouvées dans les cahiers de l’épreuve de mathématiques qui avait lieu jeudi.

Le Ministère confirme aussi que certains envois à l’intention des organismes scolaires francophones contenaient des copies d’épreuves en anglais.

Dans l’ensemble, le Ministère assure qu’il n’y a pas eu de violation de la confidentialité lors de l’ouverture des enveloppes scellées et que « selon les informations actuelles, il n’y aurait aucun impact sur les élèves ».

Malgré cela, le MEQ affirme que « l’administration des épreuves ministérielles s’est bien déroulée ».

Des échanges sont en cours avec Revenu Québec, qui était responsable de l’impression et de l’assemblage des épreuves, afin d’identifier les causes de cet incident.

De son côté, le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, affirme lui aussi avoir été informé de ces incidents.

« Selon les informations actuelles recueillies par les CSS [centres de services scolaires], le tout ne semble pas avoir eu de conséquences, explique le cabinet du ministre. On va continuer de suivre la situation de près. »

La fin d'une année scolaire mouvementée

La chaleur qui s’est installée ne trompe personne : c’est bel et bien le temps des vacances estivales qui sonne ces jours-ci pour 1,4 million d’élèves québécois. Retour sur une année scolaire parmi les plus mouvementées des dernières années.

Une année marquée par les grèves…

Déjà à la rentrée, fin août, on sentait que cette année scolaire ne serait pas de tout repos. Les syndicats d’enseignants le disaient : s’il le fallait, ils feraient la grève pour faire valoir leurs revendications dans les négociations avec le gouvernement. C’est à l’automne que la tension a monté d’un cran : dès le 23 novembre, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a déclenché une grève générale illimitée qui a duré 22 jours, mobilisé près de 66 000 profs et fait manquer un mois d’école à des centaines de milliers d’élèves. La FAE travaille toujours à faire un bilan de cette grève, qu’elle prévoit rendre public à la prochaine rentrée. Le Front commun, qui représentait les enseignants affiliés à la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), mais aussi de nombreux autres travailleurs du réseau de l’éducation, n’aura finalement pas exercé le mandat de grève générale illimitée dont il disposait. Mais avant d’en arriver à une entente avec Québec, huit jours de grève ont été observés.

… et leurs conséquences

À la signature des ententes, les profs obtiennent des augmentations de 17,4 % sur cinq ans, en plus d’augmentations selon leurs échelons salariaux, mais les syndicats restent sur leur faim : ils auraient aimé obtenir davantage de gains sur la composition des classes. « On ne pouvait pas leur donner ce que nous n’avons pas », dira le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville. Après le congé des Fêtes, en janvier, Québec annonce un plan de 300 millions pour venir en aide aux élèves qui ont souffert de la fermeture prolongée des écoles. En plus du tutorat et du report des examens ministériels, ce plan prévoit que les cours d’été seront gratuits pour les élèves de 4e et 5e secondaire ayant échoué dans une matière qui fait l’objet d’une de ces épreuves.

Ciel ! une éclipse !

Fermer des écoles pour cause de tempête de neige ? Le Québec connaît. Mais fermer des écoles pour une histoire de Soleil et de Lune qui se rencontrent ? C’était du jamais vu ! La décision de certains centres de services scolaires de décréter une journée pédagogique pour l’éclipse solaire totale du 8 avril dernier n’a laissé personne indifférent. De nombreux profs ont dénoncé une décision qui privait les élèves d’une occasion d’apprentissage en or, le ministre Drainville a encouragé les écoles à rester ouvertes, mais la décision de fermer a été maintenue, à bien des endroits. Peu importe, l’éclipse a eu lieu…

Des indicateurs qui suscitent l’inquiétude

On n’a pas fini de mesurer les conséquences de la pandémie : récemment, on a appris que le décrochage scolaire, qui était en baisse depuis 20 ans au Québec, est remonté en 2021-2022. De plus, les absences, un facteur prédicteur de décrochage, sont en hausse. En avril, près d’un élève sur dix n’était pas sur les bancs d’école.

Le cellulaire fait jaser

Depuis janvier dernier, une directive de Québec décrète que le téléphone cellulaire en classe ne doit servir qu’à des fins pédagogiques, sinon il doit être rangé. En théorie, donc, pas question pour un élève d’examiner discrètement son fil Snapchat pendant que la prof d’histoire parle de la rébellion des Patriotes. Mais dans les faits, c’est parfois autre chose, ont témoigné des enseignants à La Presse. Est-ce que l’interdiction complète du cellulaire dans les écoles sera la prochaine étape ? Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, presse le ministre de l’Éducation d’agir en ce sens, et Bernard Drainville dit être en « réflexion » sur ce sujet.

Une pénurie qui persiste

À deux semaines de la rentrée scolaire 2023, il restait plus de 8500 enseignants à trouver dans les classes de la province. Selon le tableau de bord du ministère de l’Éducation, en date du 15 avril (les dernières données disponibles), il manquait toujours 800 enseignants, soit moins de 1 % de l’ensemble des profs du Québec. Les nouvelles conventions collectives viendront-elles changer le portrait, en août prochain ? Le processus d’affectation des profs sera devancé, ce qui permettra, selon le ministre de l’Éducation, de mieux planifier la rentrée et de réduire le nombre de classes sans enseignant. C’est dans deux mois qu’on le saura.

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