« Le mois de tous les dangers »

Québec fait marche arrière et renforce les mesures en zone rouge, dont Montréal. Devant la flambée des cas de variants, le gouvernement ordonne la fermeture des gyms et le retour à l’école en alternance pour les élèves les élèves de troisième, quatrième et cinquième secondaire. Avril sera un mois « crucial », prévient le premier ministre François Legault.

COVID-19

marche arrière en zone rouge

Québec resserre la vis en zone rouge et revient sur plusieurs allégements, devant la hausse des cas et la menace des variants. Les gyms devront fermer et l’école pour les élèves de troisième, quatrième et cinquième secondaire se fera de nouveau en alternance. Dès le 8 avril, il sera interdit aux résidants des zones rouge et orange de se rendre en zone jaune.

« On veut vraiment agir de façon préventive », a martelé mardi le premier ministre François Legault, ajoutant que « de façon assez surprenante, on ne voit pas d’augmentation importante du nombre de cas » à Montréal. « C’est probablement une question de jours ou de semaines », a-t-il toutefois précisé.

Il affirme que les lieux « qui inquiètent le plus la Santé publique » sont les écoles, les lieux de culte et les maisons, où de nombreux rassemblements ont eu lieu pendant le long congé de Pâques ; la police aurait d’ailleurs remis trois fois plus de constats d’infraction pour rassemblement illégal pendant cette période. Selon M. Legault, le mois d’avril sera un « mois critique et crucial ». « Ça va être le mois de tous les dangers », a-t-il prévenu.

Dès lundi, Québec ordonne le retour à l’école secondaire en alternance pour les élèves de troisième, quatrième et cinquième secondaire en zone rouge, qui devront de nouveau basculer en mode virtuel une journée sur deux. « Malheureusement, la Santé publique nous demande aussi d’annuler les activités parascolaires à partir de lundi », a indiqué M. Legault.

Les gyms, eux, fermeront leurs portes en zone rouge dès jeudi, tandis que les lieux de culte seront limités à 25 personnes. Pour le moment, le couvre-feu reste fixé à 21 h 30, mais le gouvernement reconnaît avoir « jonglé avec l’idée » de le faire commencer plus tôt, à 20 h. M. Legault assure qu’il « n’hésitera pas » à revenir sur sa position si le nombre de cas et d’hospitalisations augmente.

Accès aux zones jaunes limité

Il sera par ailleurs « interdit de se déplacer vers les régions » en zone jaune, soit le Nord-du-Québec, la Côte-Nord, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, pour les habitants des zones orange et rouge, dès jeudi. Le cabinet du premier ministre indique qu’il y aura des « contrôles aléatoires » effectués par les policiers. Les autres déplacements demeurent « non recommandés ».

Tous les cinémas québécois devront aussi « assurer le respect d’une distanciation de deux mètres entre les sièges des personnes » n’étant pas du même ménage, tandis que les zones intérieures des spas devront fermer, à l’exception des bassins d’eau et des soins personnels en zone rouge. Enfin, dès le 12 avril en zone rouge, l’enseignement se fera « uniquement à distance » dans les cégeps et les universités, à l’exception des activités « qui doivent absolument se tenir en présence ».

« Je préfère que la Santé publique s’ajuste pour la santé des Québécois, plutôt que de tenir mordicus à défendre une position parce qu’elle avait été choisie la semaine passée. Je trouve ça même courageux, jusqu’à un certain point. »

— François Legault, premier ministre du Québec, interrogé sur l’« effet yo-yo » de ses mesures

En zone orange, le masque sera obligatoire au primaire, dès les premières années. « Je sais que certains parents sont inquiets de l’impact chez les jeunes enfants, mais on le fait déjà en zone rouge et ça se passe très bien », a dit François Legault. Les lieux de culte passeront quant à eux de 250 à 100 personnes autorisées maximum. Les activités parascolaires ne pourront se tenir qu’en groupe-classe seulement.

« Les vaccins ne dorment pas »

En ce qui concerne la vaccination, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dit comprendre qu’il est « frustrant de voir qu’il y a des rendez-vous qui n’ont pas été comblés » dans les derniers jours, alors que des citoyens et des élus ont déploré le fait que des vaccinateurs se « tournaient les pouces » dans plusieurs secteurs. Mais la réalité, dit le ministre, est que la campagne de vaccination a changé.

« On est à un moment charnière parce qu’on passe d’une vaccination axée sur l’âge […] à une vaccination à risque de propagation. C’est très différent », a plaidé l’élu, assurant que « les vaccins ne dorment pas dans les congélateurs ».

M. Dubé a aussi annoncé que la vaccination serait ouverte aux personnes âgées de 60 ans et plus dans toutes les régions « d’ici la fin de la semaine ».

Suivront les catégories 8 et 9, soit les gens qui ont des maladies chroniques et les travailleurs essentiels. Dès jeudi, les Québécois de 55 ans et plus qui le désirent pourront aussi recevoir une première dose du vaccin d’AstraZeneca. Environ 355 000 doses seront réservées à cette opération.

Pas de retour en zone orange

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a confirmé que les villes de Québec, Lévis et Gatineau, « mises sur pause » jusqu’au 12 avril, ne retourneront pas en zone orange dans l’immédiat. « Ça ne serait pas logique », a-t-il dit, jugeant qu’il y a « 98 % des chances » que ces municipalités basculent en zone rouge à la levée des mesures d’urgence.

« C’est une mesure choc et temporaire, donc c’est certain qu’on ne s’attend pas à voir son effet immédiatement. »

— Le Dr Horacio Arruda, directeur national de la santé publique

Il a aussi promis que les directeurs de santé publique pourraient fermer des établissements réfractaires pendant sept jours. « S’il y a de la transmission, ce sera pour 21 jours », a-t-il noté.

« On agit de façon chirurgicale, là où il y a un problème, a aussi martelé le Dr Arruda lorsque questionné au sujet des nouvelles restrictions. C’est un équilibre qui n’est pas facile. Si on serre trop, le monde débarque. »

Mardi, le nombre d’hospitalisations en raison de la COVID-19 a continué sa tendance à la hausse, les hôpitaux québécois comptant 11 patients de plus en raison de la pandémie. Le Québec a aussi rapporté 1168 nouveaux cas et quatre décès supplémentaires. Avec 290 nouveaux cas rapportés mardi, la Capitale-Nationale poursuit sa forte tendance à la hausse. Elle affiche désormais une moyenne quotidienne de 33,7 nouveaux cas pour 100 000 habitants.

« Pas de coupable »

« Il n’y a pas de coupable en tant que tel » en ce qui concerne les problèmes observés dans le système de santé au cours de la pandémie, a soutenu mardi la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, qui mène une enquête sur la gestion de la crise et la performance du réseau en vertu d’un mandat que lui a confié Québec. Elle estime que le gouvernement Legault a raison « en grande partie », disant qu’il n’a pas erré dans ses décisions et qu’il a plutôt hérité d’un système de santé défaillant. « Ils ont pris les meilleures décisions à mon sens compte tenu de la structure et de ce qui était en place », a-t-elle soutenu en entrevue avec La Presse mardi. Elle a rendu public un rapport présentant ses constats à la lumière de 456 témoignages qu’elle a reçus de travailleurs de la santé au sujet des problèmes vécus pendant la première vague il y a un an. Des problèmes dénoncés bien avant la pandémie, mais jamais réglés. Un rapport préliminaire de son enquête est attendu en juin.

— Tommy Chouinard, La Presse

Vaccination

le personnel des écoles tape du pied

À l’unanimité, le milieu de l’éducation se montre déçu que l’annonce de mardi n’ait pas inclus une date précise à laquelle le personnel scolaire pourra être vacciné. Les mesures changeantes ont aussi fait réagir les milieux médical et politique.

« Quand on sait que la question de la qualité de l’air des écoles n’est toujours pas réglée et que les variants se multiplient chaque jour, qu’est-ce que le gouvernement attend pour vacciner le personnel de l’éducation ? », demande Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec.

« S’il y a une constante depuis le début de la pandémie, c’est que la fréquentation des écoles précède systématiquement une hausse des cas de COVID-19 », fait-elle observer en dénonçant la « gestion à courte vue du gouvernement ».

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement du Québec (FSE-CSQ), s’est aussi montrée vivement déçue que le premier ministre n’annonce toujours pas de date précise de vaccination pour les enseignants.

« C’est d’un illogisme inexplicable de risquer que des profs tombent malades alors qu’on est déjà en pénurie de personnel. »

— Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ

« Il y a des décisions qui sont prises sans s’appuyer sur la réalité sur le terrain, a renchéri Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement. Ce n’est pas comme si les variants venaient d’apparaître. »

Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, demande au gouvernement « d’offrir la vaccination dès cette semaine à tout le personnel œuvrant dans les établissements scolaires sur l’île de Montréal ».

Cela fait assez longtemps, à son avis, que le personnel met sa santé à risque, de même que celle de ses proches.

Quant à Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’école, il réclame une fois pour toutes « une vision, un plan de match et des explications qui sous-tendent les décisions ».

Soit, les variants changent la donne assez rapidement, « mais cette troisième vague était prévisible ».

La situation maintenant « prise au sérieux »

Le DQuoc Nguyen, gériatre au CHUM, estime pour sa part que le gouvernement s’est peut-être montré un peu trop impatient de déconfiner il y a deux semaines. « Là, il réalise qu’il faut être un peu plus patient, et je constate qu’il prend la situation au sérieux. »

Les nouveaux variants sont certes contagieux et plus dangereux, mais il ne faut pas céder à la panique. De plus en plus de gens sont vaccinés, et nos hôpitaux ne sont pas dans une situation critique comme en France ou en Ontario justement parce que des mesures sont prises, a souligné le DNguyen.

Sur les ondes de Radio-Canada, le DKarl Weiss, microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal, a souligné mardi soir que la population vaccinée va très bien. « Qui voit-on à l’hôpital, maintenant ? Beaucoup de personnes entre 50 et 69 ans. »

« Pensée magique » dénoncée

« La pensée magique ne suffit plus, a déclaré sur Twitter en début de soirée Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec. Le gouvernement doit s’assurer que la hausse des cas ne se traduise pas en une hausse des hospitalisations et il doit prendre tous les moyens pour y arriver. »

À son avis, cela passe entre autres par une diminution des délais de dépistage et par l’augmentation de la cadence de vaccination.

Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois pour les questions d’éducation, fait remarquer que les annonces de mardi demandent aux enseignants et aux élèves de s’adapter, encore une fois.

« Le gouvernement parle des changements de façon détachée, comme si cela ne supposait pas de grands ajustements logistiques pour les enseignants et pour le transport scolaire, notamment. »

— Véronique Hivon, porte-parole en chef du Parti québécois en matière d’éducation

Selon elle, avant de renvoyer les jeunes du secondaire à l’école à temps plein, le gouvernement aurait dû attendre d’être un peu plus sûr de son coup.

Quant à Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, il a aussi déclaré sur Twitter que le gouvernement Legault « a déconfiné trop rapidement en mars. Nous en payons le prix ».

« Le leadership, ce n’est pas de dire ce que les gens veulent entendre. C’est parler vrai et s’adresser à l’intelligence des gens, leur faire confiance. »

Tristesse chez Énergie cardio

« On est un peu triste pour notre industrie qui a travaillé si fort à mettre en place des protocoles rigoureux, affirme Claire Tremblay, présidente d’Énergie Cardio. Comme dirigeante, il est surtout très difficile de mettre du personnel en arrêt de travail. Il est aussi regrettable que notre industrie soit ainsi salie alors que le risque reste faible par rapport aux écoles, par exemple. » Comme plusieurs autres gyms, Énergie Cardio a mis en place des séances d’entraînement virtuelles.

— Louise Leduc, La Presse

Fermeture des écoles

Le Québec doit-il imiter l’Ontario ?

Vu la situation « beaucoup plus précaire » qu’au Québec, les écoles publiques de Toronto fermeront toutes leurs portes dès ce mercredi, en Ontario. Mais selon des experts, le gouvernement Legault pourrait devoir prendre cette décision difficile éventuellement, si le nombre de cas et d’hospitalisations continue d’augmenter.

« Les écoles, c’est la dernière chose qu’on veut fermer dans une société, parce que les jeunes ont besoin de socialiser, besoin d’apprendre. D’y arriver, ça démontre que l’Ontario a dû se rendre à l’évidence. Quand ça commence à partir en vrille, c’est vraiment le dernier coup de baguette qu’on peut donner », explique Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM).

Elle réagissait ainsi à l’annonce de la médecin hygiéniste en chef de Toronto, la Dre Eileen de Villa, qui a révélé mardi après-midi que toutes les classes devraient passer à l’enseignement en ligne, afin d’éviter la propagation de la COVID-19. La situation concerne aussi la banlieue de Peel. On soutient que les nouveaux variants ont augmenté le risque de maladie grave et de décès, et que des mesures fortes étaient nécessaires.

La Direction de santé publique de Toronto a d’ailleurs confirmé que cette fermeture durera au moins jusqu’au 18 avril, soit à la fin de la semaine de relâche en Ontario. Cela dit, une prolongation de cette mesure pourrait être envisagée sur la base des données épidémiologiques et de leur progression. À l’UQAM, le virologue Benoit Barbeau n’exclut pas que Québec adopte la même approche.

« Fermer les écoles, ce n’est pas impossible au Québec. On pourrait basculer dans une situation aussi critique que l’Ontario. Moi, je n’avais pas exclu que ça se fasse même dès maintenant. Oui, à Montréal, on est sur un certain plateau, mais on a eu une augmentation marquée dans la semaine.  »

— Benoit Barbeau, professeur à l’UQAM

Au Québec, les écoles sont fermées jusqu’au 12 avril à Québec, Gatineau et Lévis pour le moment, mais aucune autre mesure n’a jusqu’ici été annoncée.

De nouveau, plus de 3000 cas

Mardi, l’Ontario a signalé 3065 nouveaux cas de COVID-19. Il s’agissait d’une cinquième journée d’affilée où la province recensait tout près ou plus de 3000 infections individuelles.

Pour Mme Da Silva, il faut demeurer conscients que le Québec n’est pas à l’abri d’une recrudescence aussi soudaine de la transmission. « Le Québec n’est pas l’Ontario, mais cela dit, ce n’est pas sûr qu’on n’y arrivera pas. À partir du moment où tous les indicateurs sont dans le rouge foncé et où les variants se propagent de façon exponentielle, la mesure ultime reste de fermer les écoles, même si ce n’est pas souhaitable », analyse-t-elle.

À ses yeux, il vaut toujours mieux appliquer des mesures et faire une analyse fine « par régions ». « Ce serait très, très dur pour la santé mentale, l’économie et la santé financière des entreprises ontariennes de tout reconfiner, mur à mur », insiste-t-elle.

S’il comprend ce postulat, Benoit Barbeau est toutefois presque persuadé que l’Ontario s’en va « vers un confinement majeur », comme l’hiver dernier. « Ils n’auront éventuellement pas le choix, à moins que la situation se renverse vraiment rapidement. Dans les milieux hospitaliers, on demande déjà plus de restrictions. Les urgences et les soins intensifs commencent à être très vulnérables en Ontario », dit-il.

Le nombre de patients aux soins intensifs a atteint un nouveau sommet mardi en Ontario, avec un bond de 16 pour un total de 510. Quelque 1161 patients demeurent aussi hospitalisés, ce qui représente 219 admissions de plus en 24 heures.

Vers une vaccination élargie

Pendant ce temps, l’Ontario a révélé mardi que les personnes âgées de 50 ans et plus qui vivent dans les secteurs où la COVID-19 gagne rapidement du terrain pourront se faire vacciner dans les prochaines semaines. Les 13 bureaux de santé visés sont Durham, Halton, Hamilton, Niagara, Ottawa, Peel, Simcoe-Muskoka, Southwestern, Toronto, Waterloo, Wellington-Dufferin-Guelph, Windsor-Essex et York.

Les autorités ontariennes ont indiqué qu’elles s’attendent à recevoir environ 3,2 millions de doses de vaccins en avril, mais qu’elles auront la capacité d’administrer 4 millions de doses.

Cette deuxième phase du plan de vaccination contre la COVID-19 commencera ce mercredi, lorsque les personnes âgées de 60 ans et plus pourront d’abord réserver leur rendez-vous. Le gouvernement veut augmenter le nombre de vaccins administrés à 100 000 doses par jour, comparativement à la moyenne sur sept jours de 73 442 doses.

Lundi, la Ville de Toronto avait aussi fait part de son intention de vacciner les travailleurs à haut risque directement sur leur lieu de travail. Le maire John Tory a déclaré que son administration était en train d’apporter la dernière touche à son plan, qui impliquera des unités de vaccination mobiles déjà utilisées dans des quartiers qui sont des points chauds de transmission. Selon lui, le déploiement de ce plan dépendra de l’approvisionnement en vaccins dans les semaines à venir.

Mardi, le premier ministre Justin Trudeau a dit appuyer l’ensemble des provinces qui imposeront des mesures de confinement plus strictes pour freiner la propagation du coronavirus.

— Avec La Presse Canadienne

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