Monsieur Trudeau, réveillez-vous et construisez un TGV !

Il faut réduire nos émissions de CO2. Donc prendre plus souvent le train, beaucoup moins polluant que l’auto et l’avion.

Mais voilà : le Canada est le seul pays du G7 sans train à grande vitesse (TGV) et n’a pas de réseau efficace de transport ferroviaire.

Ce n’est pas compliqué : si on veut convaincre les Canadiens de changer leurs habitudes pour adopter le train, il faut construire un TGV entre Québec et Toronto qui roule à une vitesse maximale approchant 300 km/h. On ferait Montréal-Québec en 1 h 13 min, Montréal-Toronto en 2 h 18 min. Imaginez les gains de productivité, pour la qualité de vie, l’environnement…

À l’été 2021, le gouvernement Trudeau a décidé de moderniser notre réseau de trains de passagers dans le corridor le plus populeux du pays, Québec-Toronto. On construira enfin (!) des voies ferrées réservées exclusivement au transport de passagers.

Malheureusement, Ottawa a fait un mauvais choix : un train à grande fréquence avec une vitesse moyenne de 120 km/h et une vitesse maximale de 200 km/h. Actuellement, les trains de VIA Rail roulent à une vitesse moyenne entre 80 et 100 km/h.

Quel est le coût exact de ce projet de train à grande fréquence ? Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a déjà parlé de 6 à 12 milliards, mais ce chiffre ne tiendrait plus (il serait trop bas). Bref, on ne sait pas.

Cette situation est complètement surréaliste : le plus important projet d’infrastructures de transport au Canada avance actuellement dans un climat de discrétion étonnant, à peu près sans débat public, et on n’a même pas d’estimation à jour du coût !

En 2021, Ottawa disait avoir écarté le scénario d’un TGV à cause de son coût trop élevé, que ses fonctionnaires ont évalué à 65 milliards.

On aimerait bien savoir ce que la personne qui a fait ce calcul met dans son café le matin.

En 2011, le fédéral, le Québec et l’Ontario ont publié une longue étude sur un TGV Québec-Windsor. Ils ont évalué deux options : un train à grande fréquence à 200 km/h et un TGV à 300 km/h. Le TGF coûtait 25 milliards (en dollars de 2022, en comptant l’inflation) et le TGV, 28 milliards. La différence entre les deux projets n’était que de 12 %.

C’est logique : selon les experts, à partir de 160 km/h, il faut construire des lignes ferroviaires distinctes et uniques pour ces trains pour des raisons de sécurité. Que le train passe à 170 km/h ou à 300 km/h, ça augmente un peu la facture finale (12 % selon le rapport de 2011, entre 20 % et 25 % selon d’autres experts), mais ça ne la fait pas doubler ou tripler.

On résume : pour 25 milliards, vous avez un train Québec-Toronto qui va en moyenne à 120 km/h, mais qui n’améliore pas vraiment le temps de parcours. Ce train ferait Montréal-Québec en trois heures, soit le même temps qu’en auto. Bref, il ne changera pas grand-chose.

L’étude de 2011 avait d’ailleurs conclu qu’un train Toronto-Québec avec une vitesse maximale de 200 km/h amènerait des pertes économiques nettes en considérant la hauteur des investissements publics, alors qu’un TGV amènerait des bénéfices économiques nets.

Si vous ajoutez 12 % de plus, vous avez un TGV qui va révolutionner le transport de passagers sur l’axe le plus populeux du pays et réduire nos émissions de CO2.

Le bon choix est évident. C’est le TGV.

La bonne nouvelle : il n’est pas trop tard pour qu’Ottawa change d’idée.

C’est peut-être justement ce qu’Ottawa est en train de faire, sans le dire trop fort. Après avoir sollicité les commentaires du secteur privé, Ottawa a modifié l'automne dernier un critère du projet : il envisage désormais que le TGF aille à plus de 200 km/h sur certaines parties du tracé, et demande aux entreprises de lui faire des propositions en ce sens.

Est-ce dire que le TGF se transformera en TGV ? Ottawa évite la question. En 2023, le fédéral continuera son processus d’appel d’offres pour déterminer les détails de son projet.

On a le goût de crier au gouvernement Trudeau : réveillez-vous !

Un TGV Toronto-Québec comporte des conditions gagnantes sur les plans économique, géographique (il n’y a pas de montagnes à traverser) et environnemental. Il n’y a pas de raison non plus d’avoir peur des rigueurs de l’hiver canadien. Il y a des trains à grande vitesse l’hiver en Russie, au Japon et aux États-Unis (l’Acela part de Boston).

Vous trouvez qu’un TGV est trop cher à 28 milliards ? Dites-vous qu’on débourserait cette somme sur sept ans, la durée de la construction. En sept ans, le gouvernement du Québec dépensera 21,5 milliards pour rénover et construire des routes pour les autos.

Un TGV n’est pas trop cher. C’est seulement une question de priorités.


EN SAVOIR PLUS

50 fois
En France, le TGV est en moyenne 50 fois moins polluant que l’auto (émissions de CO2), et 80 fois moins polluant que l’avion.

Source: SOURCES : TF1, SNCF
10,6 millions de personnes
Population des régions métropolitaines de Montréal (4,2 millions) et Toronto (6,4 millions). En France, le TGV entre Lyon (2,3 millions) et Marseille (1,8 million) est un succès.

Source: SOURCES : TF1, SNCF

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