Alimentation

À table avec son microbiote

Il ne faut pas oublier qu’on partage ses repas avec l’ensemble des bactéries du système digestif, explique un spécialiste en sciences des aliments.

« Nous sommes ce que nous mangeons, dit Denis Roy, professeur en sciences des aliments à l’Université Laval. Si je me nourris mal, je ne peux pas m’attendre à avoir un microbiote performant. »

Le microbiote, c’est l’ensemble des bactéries qui sont réparties le long de notre appareil digestif. Il est influencé par le transfert de bactéries de la mère à la naissance, la génétique et l’épigénétique. « Mais l’alimentation a aussi un rôle-clé dans la modulation de cette diversité microbienne, elle en explique jusqu’à 30 ou 40 %  », indique M. Roy, rencontré en marge d’une conférence donnée à ce sujet samedi au congrès de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec.

Son message : il faut manger en pensant qu’on partage son repas non seulement avec son conjoint et ses enfants, mais aussi avec son microbiote. Chères bactéries intestinales, qu’est-ce qui vous ferait plaisir pour souper ?

« Si je gère mal mon alimentation, je vais affecter à la fois mon microbiote dans sa composition et dans sa diversité, et mon microbiome dans ses compétences et fonctions », explique M. Roy. Le microbiome  ? C’est l’ensemble des gènes de ces chères bactéries intestinales.

« L’alimentation riche en gras favorise la présence d’un groupe microbien qui devient trop abondant. Il y a une perte d’équilibre. »

— Denis Roy, microbiologistge de formation

Parmi les répercussions potentielles sur la santé d’un microbiote intestinal altéré, il y a le diabète, l’obésité, mais aussi l’asthme, les cancers colorectaux, la maladie céliaque, l’arthrite rhumatoïde, etc.

MANQUE DE FIBRES

« Si on étudie le microbiote des chasseurs-cueilleurs, par exemple celui des Pygmées, il est beaucoup plus diversifié que celui des Occidentaux », souligne M. Roy. Pourquoi ? Parce que leur alimentation est beaucoup plus riche en fibres. « La principale nourriture du microbiote, ce sont les fibres alimentaires, indique-t-il. En moyenne, on consomme 15 g de fibres par jour, ici. Les chasseurs-cueilleurs peuvent en manger jusqu’à 100 g par jour. »

Un comité de médecins vient de recommander la consommation de 50 à 55 g de fibres par jour pour favoriser la diversité du microbiote intestinal, lors de la Conférence internationale sur la nutrition en médecine, en juillet. « Ça va créer de la controverse, parce qu’on est loin de là », prédit M. Roy.

PAS TROP DE BIÈRE NI DE PAIN BLANC

Qu’est-ce que notre microbiote commanderait au resto ? « Une étude récente faite en Europe, avec plus de 1000 individus, nous renseigne sur ce qui va favoriser une bonne diversité, répond le professeur. Les boissons sucrées, les jus, c’est non. Manger du fast-food, des aliments riches en gras, en sucre, en sel, trop de bière, de pain blanc, des produits laitiers trop riches, c’est mauvais pour la diversité. La surconsommation de calories n’est pas non plus favorable. »

Il faut plutôt manger des fruits et des légumes, des grains entiers (qui contiennent des prébiotiques), des produits laitiers fermentés comme du yogourt et du fromage, du thé et du café. « Et un peu de vin rouge, qui contient des composés polyphénoliques qui peuvent favoriser les bactéries anti-inflammatoires », ajoute M. Roy.

Le régime méditerranéen plaît au microbiote. M. Roy propose plutôt de l’initier au régime boréal, à base de petits fruits (bleuets, fraises, framboises, canneberges), de tubercules (topinambour, panais, betterave, etc.) et de grains entiers de chez nous.

Sept recommandations pour favoriser la diversité du microbiote intestinal 

1. Concevoir les repas à partir des plantes  :  légumes, fruits, grains entiers et légumineuses.

2. Viser à consommer au moins de 50 à 55 g de fibres par jour.

3. Inclure au moins de 5 à 8 g de prébiotiques à base de plantes par jour.

4. Ajouter à l’alimentation des aliments fermentés ou probiotiques.

5. Éviter la viande rouge, les produits laitiers riches en matières grasses, les aliments frits et les additifs alimentaires.

6. Limiter la consommation de matières grasses, surtout si vous avez le diabète de type 2 ou êtes à risque de l’avoir.

7. Prendre des antibiotiques uniquement lorsque c’est nécessaire.

Source : Directives préliminaires pour favoriser la diversité du microbiote intestinal, communiquées lors de la Conférence internationale sur la nutrition en médecine, 29 juillet 2016

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