plus confinés que jamais

C'est un « traitement-choc » de quatre semaines qui attend les Québécois, à qui le gouvernement Legault imposera un couvre-feu entre 20 h et 5 h du matin dès samedi. Les élèves du primaire seront de retour en classe lundi, comme prévu, mais ceux de 5e et 6e année devront porter un masque en tout temps.

Couvre-feu

Des amendes salées aux contrevenants

Enfreindre le couvre-feu imposé dès samedi dans le cadre du reconfinement de quatre semaines décrété par le gouvernement Legault coûtera cher. Les policiers pourront remettre des amendes de 1000 $ à 6000 $ à ceux qui bafoueront l’interdiction de se trouver à l’extérieur entre 20 h et 5 h. Ce « traitement-choc » était inévitable pour réduire la transmission de la COVID-19, affirment les autorités.

« À part pour aller travailler, les personnes ne pourront pas être à l’extérieur entre 8 h le soir et 5 h le matin, jusqu’au 8 février », a martelé le premier ministre François Legault en fin de journée, mercredi. S’il souhaite que les policiers se montrent « compréhensifs », reste qu’ils pourront remettre des constats d’infraction oscillant entre 1000 $ et 6000 $ aux récalcitrants qui n’offriraient aucune raison valable de leur présence à l’extérieur. La ministre Geneviève Guilbault doit s’adresser aux médias à ce sujet, jeudi.

La fermeture de plusieurs secteurs se poursuivra par ailleurs jusqu’au 8 février, notamment les bureaux : le télétravail restera en effet obligatoire pour les quatre prochaines semaines. Les commerces non essentiels, dont les cinémas et les gyms, demeureront aussi fermés. Les restaurants, eux, pourront continuer à offrir des plats pour emporter, mais seule la livraison sera permise pendant le couvre-feu. D’ailleurs, on autorisera dorénavant la cueillette de produits dans tous les commerces afin « de dépanner certaines personnes et d’aider les entreprises » à vendre davantage.

Épiceries et dépanneurs pourront rester ouverts, mais leurs employés devront respecter le couvre-feu. Ainsi, pour « donner le temps aux gens de rentrer », ces commerces devront fermer leurs portes dès 19 h 30, à l’exception des dépanneurs avec une station-service. Les pharmacies sont aussi exemptées. « On passe un signal, mais ça permet surtout de diminuer les activités et les possibilités de contacts qui peuvent continuer à partir d’une certaine heure », a illustré le directeur national de santé publique, Horacio Arruda.

« On est au pire de la bataille pour le prochain mois. C’est maintenant qu’il faut réduire la contagion. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Québec resserre aussi la vis pour les lieux de culte. Jusqu’ici autorisés à accueillir 25 personnes, les rassemblements y seront dorénavant interdits. « On a vu qu’à certains endroits, ça avait créé beaucoup de problèmes. La seule exception, ce sera les funérailles, limitées à dix personnes », a soulevé M. Legault.

Dans le milieu de la culture, les musées et les galeries d’art demeureront fermés, mais le tournage des films et des séries télévisées pourra continuer avec des « consignes strictes », afin de permettre aux Québécois de continuer à se divertir. Québec permettra par ailleurs d’aller étudier dans les bibliothèques municipales en respectant la distanciation, dans l’objectif de soutenir les jeunes ayant un mauvais accès à l’internet.

Les écoles rouvriront sous haute surveillance

Reconnaissant que le milieu scolaire a été le théâtre d’éclosions ces dernières semaines – environ 2 à 3 % des classes ont été touchées –, Québec procédera en deux étapes pour la réouverture des classes. D’abord, les écoles primaires rouvriront comme prévu le lundi 11 janvier. « On va demander aux enfants de porter le masque dans les corridors, et aux élèves de cinquième et sixième année de le porter en classe », a précisé M. Legault, ajoutant que cela aidera probablement « du côté du potentiel problème des aérosols ».

Pour les écoles secondaires, l’enseignement en ligne se poursuivra jusqu’au 18 janvier. À cette date, le retour en classe s’effectuera, mais le port du couvre-visage ne suffira plus. Québec fournira « deux masques de procédure par jour » à chaque élève et à chaque enseignant. « On en a assez, on est capables d’en fournir à tout le monde », a assuré le premier ministre.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, doit apporter des précisions au sujet de l’aération dans les écoles vendredi. Appelé à donner des précisions, le DHoracio Arruda a assuré que ses équipes « ont regardé tout ce qui se publiait en termes d’évènements de ventilation et d’aérosols, pour voir dans quel contexte de soins ou scolaire » il pourrait y avoir des améliorations.

« On a véritablement fait l’analyse, vu ce qui pourrait être fait dans le contexte du Québec. L’information va venir au courant des prochains jours. »

— Horacio Arruda, directeur national de santé publique, au sujet des aérosols

En ce qui concerne le sport extérieur, il continuera d’être permis, mais seulement pour les activités individuelles ou avec sa bulle familiale. À l’intérieur, les personnes seules pourront toujours recevoir des personnes seules. M. Legault a du même coup appelé les Québécois à protéger les personnes âgées de 65 ans et plus, qui représentent plus de 80 % des hospitalisations. « Ce n’est pas le temps de prendre des risques et d’aller contaminer votre mère, votre grand-père, ni de garder vos petits-enfants. » Il demande par ailleurs aux entreprises manufacturières et de la construction « de reporter la production de tout ce qui n’est pas essentiel ».

Des doses de vaccin limitées ?

Dans un message livré directement à son homologue fédéral, François Legault a aussi martelé que « contrairement à ce que dit Justin Trudeau, tous les vaccins qu’on reçoit sont utilisés chaque semaine ».

« On pourrait vacciner 250 000 par semaine, plutôt que 40 000. On trouve que c’est insuffisant de recevoir 233 000 doses » d’ici la fin du mois, a martelé le chef de la Coalition avenir Québec, pressant M. Trudeau de s’occuper d’abord de l’approvisionnement et du contrôle des voyageurs.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, affirme que d’ici un mois, les résidants en CHSLD auront tous été vaccinés, en plus d’une bonne partie du personnel de la santé et des usagers en résidence privée pour aînés.

« Non seulement on est capables de vacciner, mais on peut en prendre plus. Hier seulement, c’est 6000 doses. Si on met ça sur un mois, on atteint le 250 000. Et on n’a pas encore atteint notre vitesse de croisière. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé

Questionné sur les éclosions en milieu de travail, le ministre Dubé affirme qu’il faudra « raffermir les mesures à l’intérieur des entreprises ». « On va [impliquer à nouveau] la CNESST pour s’assurer que sur tous les sites, les employeurs reviennent avec les mesures et que ce soit bien suivi », a-t-il assuré. Le DArruda, lui, a de nouveau imploré les citoyens de collaborer avec la Santé publique lors du traçage.

Sur Twitter, le lieutenant fédéral du Québec, Pablo Rodriguez, a réagi aux propos de M. Legault sur le vaccin. « Près de 50 000 doses de vaccin dorment dans des congélateurs au Québec. C’est plus de la moitié des doses livrées. Les livraisons s’accélèrent. On doit accélérer la cadence », a-t-il écrit. Le ministre Dubé lui a alors immédiatement répliqué. « Les doses ne dorment pas. Elles sont déployées et seront toutes utilisées. Vous pouvez nous en envoyer le triple. On va toutes les utiliser très rapidement. »

Quelques réactions du monde politique

« Quand on sert un électrochoc aux gens, il faut leur expliquer pourquoi c’est bon pour eux. Pourtant, encore une fois, le premier ministre a été avare de justifications scientifiques. Pour restreindre autant la liberté des individus, il faut d’excellentes raisons. Par transparence, nous demandons au premier ministre de publier l’avis de la Santé publique qui justifie l’imposition d’un couvre-feu. C’est une condition nécessaire pour favoriser l’adhésion de la population. »

— Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire

« On se serait attendus à ce que le gouvernement fasse encore plus sa part notamment en augmentant le dépistage et le traçage, en testant les asymptomatiques, en reconnaissant la transmission par aérosols et surtout en accélérant la vaccination. »

— Marie Montpetit, du Parti libéral

« Le couvre-feu diminue les possibilités de rassemblements illicites dans les résidences privées et donc, de contacts à risque. Il y a des choses comme le gros bon sens. »

— Catherine Fournier, députée indépendante de Marie-Victorin

« Nous sommes surpris que le gouvernement n’ait pas considéré la réalité des régions peu touchées par la pandémie dans son plan. Des ajustements devront être faits pour ne pas imposer des contraintes mur à mur là où elles ne sont pas nécessaires. »

— Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

« Le dernier effort qu’on a à faire »

Les réactions sont contrastées face aux nouvelles mesures du gouvernement Legault. Si certains y voient « le dernier effort qu’on a à faire » ou même parlent d’une « excellente nouvelle », d’autres s’inquiètent du sort qui sera réservé aux « plus vulnérables de notre société ».

Santé publique

« C’est le dernier effort qu’on a à faire, se réjouit Benoît Mâsse, chef de l’Unité de recherche clinique appliquée au CHU Sainte-Justine et professeur de santé publique à l’Université de Montréal. Le virus continuera certes à circuler, mais dans quelques mois, on aura vacciné les personnes les plus vulnérables. »

Tous ne sont pas aussi optimistes dans le milieu de la santé publique. « Ils auraient pu aller plus loin, déplore Nathalie Grandvaux, directrice adjointe scientifique du Centre de recherche du CHUM. Il n’y a pas tant de nouvelles mesures annoncées, mis à part le couvre-feu. »

Elle estime que les restrictions au secteur manufacturier pourraient être plus claires et qu’il demeure un flou quant à la définition exacte de ce qu’est une production essentielle. « Ça avait fonctionné au printemps dernier », fermer le secteur manufacturier pour réduire la transmission communautaire, constate-t-elle.

Constat similaire chez Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Le grand oublié des nouvelles mesures, c’est tout le processus de dépistage, traçage et isolement, qui est une mesure fondamentale pour circonscrire les éclosions » et qui aurait dû être renforcé, explique-t-elle.

Éducation

Si le milieu de l’éducation salue unanimement les mesures annoncées, particulièrement le retour en classe rapide des élèves, des syndicats se questionnent quant à la protection de leurs membres dans des classes mal ventilées.

« C’est une excellente nouvelle, affirme Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE). On était prêts à ajouter certaines mesures sanitaires pour s’assurer du retour des élèves le plus tôt possible, pour que les élèves soient à l’école pour leur réussite. »

« C’est la meilleure des décisions vu le contexte dans lequel on est », a réagi Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

« Il faut briser la deuxième vague et il faut veiller à ce que les mesures sanitaires dans les écoles ne se traduisent pas par un relâchement des autres mesures sanitaires. »

— Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement

La conférence de presse de Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, prévue vendredi, devrait permettre de faire le point sur les conditions du retour en classe. « On veut entendre parler de qualité de l’air, et de la pression qu’il faut enlever sur le dos des élèves. On vit une année exceptionnelle, ça prendra des évaluations exceptionnelles », martèle Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).

Professionnels de la santé

Dans le milieu de la santé, les mesures sont accueillies favorablement, vu la gravité de la situation sur le terrain.

« Il fallait faire quelque chose, le réseau de la santé est près de la rupture, constate Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Le gouvernement a réussi à trouver un équilibre pour réduire la transmission communautaire tout en protégeant la santé mentale de nos jeunes en gardant les écoles ouvertes. »

Les syndicats qui représentent les infirmières, préposés aux bénéficiaires et autres professionnels du milieu de la santé demandent quant à eux une meilleure protection pour leurs membres.

« Afin que les nouvelles consignes puissent donner des résultats, il faut à tout prix renforcer les mesures de protection dans les milieux de travail – un aspect qui n’obtient pas toute l’attention nécessaire du gouvernement, malheureusement », déplore Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), espère quant à elle que la « vaccination fera son œuvre ». Elle exige par ailleurs un meilleur accès aux masques N95 pour ses membres.

Itinérance

En revanche, l’inquiétude est grande dans le milieu de l’itinérance, estimant difficile l’application d’un couvre-feu pour sa clientèle. François Legault a annoncé en conférence de presse qu’il y « avait assez de places à l’intérieur » pour accueillir tous les sans-abri.

« On devra par-dessus tout faire preuve d’une très grande tolérance avec les personnes [itinérantes] qui sont parmi les plus vulnérables de notre société. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal, dans une publication Facebook

« C’est une aberration, clame Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM). Il n’y avait pas de place avant la crise sanitaire, il n’y en a pas plus maintenant. »

Mme Savage craint que les refuges ne deviennent des lieux d’éclosion et déplore le manque d’endroits pouvant accueillir les sans-abri en attente d’un résultat ou atteints de la COVID-19.

Beaucoup de travailleurs communautaires « ne sont pas formés, pas outillés pour opérer en zone rouge et assumer le rôle du système de santé », explique-t-elle.

La Ligue des droits et libertés a également exprimé ses inquiétudes quant au sort réservé aux sans-abri. « Nous craignons que cette communauté déjà grandement vulnérable au virus, entre autres choses, le soit encore davantage avec l’instauration de cette mesure. Et quand on sait que les refuges qui ont été mis sur pied sont aussi touchés par le virus, on peut comprendre que ces personnes ne veulent pas aller s’y réfugier », affirme sa présidente Alexandra Pierre.

— Avec la collaboration de Marie-Ève Morasse et de Louise Leduc, La Presse

L’ABC du reconfinement

Imposition d’un couvre-feu, port du masque chez les écoliers du primaire, fermeture du secteur manufacturier non essentiel. Le gouvernement de François Legault a annoncé une série de nouvelles mesures qui entreront en vigueur dès samedi. En voici le résumé.

Quelles sont les modalités du couvre-feu imposé par le gouvernement Legault ?

Le gouvernement impose un couvre-feu de 20 h à 5 h du 9 janvier au 8 février. Toute personne qui ne se trouve pas à son domicile durant ces heures devra avoir une raison valable, par exemple revenir du travail ou faire un travail essentiel. Les policiers distribueront des amendes allant de 1000 $ à 6000 $ aux contrevenants.

Tous les commerces non essentiels restent fermés. Les commerces considérés comme essentiels, y compris les dépanneurs et épiceries, devront fermer au plus tard à 19 h 30. Seules les stations-service et les pharmacies pourront rester ouvertes après 20 h.

Les restaurants pourront continuer de livrer des repas après 20 h, mais les comptoirs pour emporter et les services à l’auto devront fermer à 19 h 30.

La cueillette d’achats effectués en ligne dans des commerces considérés comme non essentiels est permise.

Les rassemblements dans les lieux de culte seront dorénavant interdits, sauf pour les funérailles, où un maximum de 10 personnes pourront se réunir.

Dans quelles régions ces mesures s’appliqueront-elles ?

Les mesures s’appliquent à toutes les régions du Québec, sauf les territoires du Nunavik et les Terres-Cries-de-la-Baie-James. Toutes les régions qui n’étaient pas encore en zone rouge passeront au rouge à partir de samedi.

À quoi ressemblera la situation dans les écoles et les garderies ?

Les écoles primaires rouvriront comme prévu lundi prochain, le 11 janvier. À partir de cette date, tous les élèves du primaire devront porter un couvre-visage dans les corridors et les élèves de 5e et 6e année devront en porter un en tout temps, y compris en classe.

La réouverture des écoles secondaires est repoussée d’une semaine, au lundi 18 janvier. Le gouvernement fournira deux masques médicaux par jour à tous les élèves et à leurs enseignants. Le port du masque sera obligatoire en tout temps.

Les garderies ne sont pas touchées par ces nouvelles mesures et demeureront ouvertes.

Peut-on continuer à pratiquer des activités de plein air ?

Les activités pratiquées en solo ou par des membres d’une même bulle familiale restent permises. Par exemple, le ski alpin, le ski de fond, la marche, le patin en solo sont autorisés, mais les cours de ski et les activités de groupe comme le hockey qui étaient permis durant le temps des Fêtes sont dorénavant interdits.

Peut-on recevoir de la visite à la maison ?

Non, sauf si vous êtes une personne seule ou que vous résidez en CHSLD, en résidence privée pour aînés (RPA) ou en ressource intermédiaire (RI).

Si vous êtes une personne seule, vous pouvez encore recevoir la visite d’une seule personne chez vous en respectant les règles de distanciation. Les résidants des CHSLD, RPA et RI peuvent avoir jusqu’à deux proches aidants qui les visitent, mais ils ne doivent pas venir la même journée.

Le gouvernement demande aussi aux parents de ne pas avoir recours aux grands-parents pour garder leurs enfants, puisque les personnes âgées sont les plus à risque d’être hospitalisées en raison de la COVID-19.

Qu’en est-il des milieux de travail ?

Le gouvernement recommande d’avoir recours au télétravail, sauf si c’est absolument impossible de faire autrement. M. Legault demande aux secteurs manufacturier et de la construction de repousser la production de tout ce qui n’est pas essentiel et de ne maintenir que les activités essentielles.

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