Grande entrevue Alexandre Mongeon, PDG de Vision Marine Technologies

De la haute performance électrique

L’été se termine jeudi, mais dès l’an prochain, les vacanciers qui ont la chance de profiter d’un plan d’eau durant la belle saison pourront évoluer dans un environnement plus paisible et surtout plus respectueux de l’écologie. Le groupe Vision Marine Technologies, de Boisbriand, qui a mis au point l’E-Motion, un moteur électrique de 180 forces pour bateaux hors-bord, prépare activement la commercialisation de son prototype et vient de signer une entente pour électrifier les bateaux du groupe Beneteau.

Alexandre Mongeon et son partenaire Patrick Bobby travaillent depuis 2015 à la fabrication d’un bateau de plaisance complètement électrique.

Les deux associés avaient racheté en 2012 l’entreprise Riopel Marine, de Saint-Eustache, qui avait entrepris en 1995 la fabrication de petits bateaux propulsés par des moteurs électriques de deux forces, d’une autonomie de 15 heures à une vitesse de croisière de 10 km/h.

« L’entreprise avait cessé ses opérations depuis deux ans. On a racheté le fonds de commerce, dépoussiéré les moules et recommencé la production sous le nom de Canadian Electric Boats.

« De 2013 à 2020, on a doublé chaque année le chiffre d’affaires de l’entreprise, mais en 2015, on a décidé de développer notre propre technologie de propulsion électrique avec des moteurs hors-bord de 180 forces », m’explique Alexandre Mongeon dans l’usine d’assemblage de petits bateaux de 15 à 22 pieds à Boisbriand.

Pour financer ce projet, les deux associés projettent de réaliser un financement public sur la plateforme NASDAQ en 2018. Ce n’est qu’en novembre 2020, en pleine pandémie, que le groupe a réussi à s’inscrire à la cote de la Bourse électronique en réalisant un financement de 27 millions US.

« En 2019, on a réussi à propulser un premier bateau avec une pile BMW à 31 mi/h. En 2021, avec notre chef des technologies, Xavier Montagne, on a fait un autre test à 49 mi/h [80 km/h] », précise le PDG.

Cet été, à Ozark, au Missouri, Vision Marine Technologies a réalisé un record du monde en propulsant de façon électrique un bateau de course équipé de deux moteurs E-Motion de 180 forces à une vitesse de 104 mi/h (167 km/h).

Un marché à conquérir

Vision Marine Technologies a conçu et développé les éléments du moteurs E-Motion et s’est associée à des fournisseurs stratégiques pour les faire fabriquer, notamment une pile au lithium de 700 volts, une centrale de puissance avec potentiomètre et un système de recharge.

C’est l’équipementier automobile canadien Linamar qui réalise l’assemblage des moteurs de bateaux E-Motion à son usine de Guelph, en Ontario, avec une capacité industrielle de fabrication de 18 000 unités.

« On a signé des ententes avec trois manufacturiers majeurs d’embarcations, dont Limestone et tout dernièrement cet été Beneteau, qui nous assurent une présence à l’échelle mondiale. Les premiers moteurs seront livrés en décembre et on prévoit en installer entre 300 et 1000 pour l’année 2023. On pourrait livrer jusqu’à 7000 de nos systèmes en 2025 », anticipe le PDG.

Vision Marine Technologies fait l’intégration du système à Boisbriand sur un premier modèle pour ensuite dépêcher une équipe chez le manufacturier afin de faire la démonstration de son installation. Par la suite, le manufacturier commandera directement ses moteurs chez Linamar.

« On a cessé de produire des bateaux haute puissance parce qu’on préfère vendre notre technologie aux grands manufacturiers sans leur faire concurrence. On n’a aucune ambition industrielle, on ne veut pas faire comme Lion ou Taïga et avoir à supporter des investissements beaucoup trop importants. »

— Alexandre Mongeon

En plus d’être beaucoup moins bruyants et polluants que les moteurs thermiques, les moteurs E-Motion, bien que 40 % plus chers à l’acquisition que les moteurs à essence, sont nettement plus économiques à faire fonctionner.

Il peut en coûter plusieurs centaines de dollars pour une journée sur un plan d’eau pour un plaisancier propulsé par un moteur thermique. La même journée reviendra à moins de 10 $ pour une embarcation poussée par un moteur électrique E-Motion.

« On a installé la charge de batterie à l’intérieur du bateau. Les plaisanciers n’ont pas besoin de recourir à des bornes de recharge. Ils se branchent à leur marina avec une prise courante. Le surcoût du moteur électrique est absorbé après 175 heures d’utilisation », insiste Alexandre Mongeon.

« On a choisi de développer un moteur de 180 forces parce que c’est la moyenne de puissance des 330 000 moteurs hors-bord qui ont été vendus aux États-Unis en 2020. L’industrie prévoit qu’il se vendra 1,4 million de moteurs hors-bord en 2025 parce que les plaisanciers ne souhaitent plus avoir des moteurs de cale qui grugent de l’espace utile et qui sont plus bruyants », souligne le PDG.

Même si Vision Marine Technologies a entrepris de se spécialiser dans la commercialisation de moteurs électriques haute performance, l’entreprise poursuit ses activités de fabrication et la location de petites embarcations électriques avec des moteurs à deux forces.

« On a un site de location à Newport, en Californie, avec 30 de nos bateaux électriques. En 2022, cette activité a généré des revenus de 4,5 millions US, ce qui permet de couvrir les coûts fixes de l’entreprise. On va ouvrir en 2023 un autre centre de location en Floride. Les bateaux électriques ont vraiment la cote », constate avec ravissement le PDG de Vision Marine Technologies.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.