Moderniser des reliquats industriels du textile

Jadis l’une des principales activités économiques au Québec, l’industrie du textile a périclité au cours des 30 dernières années, incapable de concurrencer les pays asiatiques. Depuis 1996, Gilles Desmarais a toutefois entrepris de moderniser certains grands reliquats industriels qui appartenaient autrefois aux géants Celanese et Dominion Textile en spécialisant leur production dans les matériaux textiles techniques.

En 1996, Gilles Desmarais réalise avec trois partenaires l’acquisition de l’usine Textile Monterey, à Drummondville, qui avait longtemps appartenu à la Celanese avant d’être rachetée, en 1985, par d’ex-cadres de l’entreprise.

« Textile Monterey est tombée en faillite en 1995 et on l’a rachetée en 1996. On a rappelé une partie des employés et on a réduit considérablement la production, pour passer de 30 à 10 millions de mètres de tissus par année, et on a spécialisé la production. »

« On a cessé de faire du tissu de commodité, parce qu’on était incapable de concurrencer la Chine. On a cessé de faire de gros volumes pour se concentrer sur les tissus techniques. »

— Gilles Desmarais, qui était directeur des finances à l’époque chez Textile Monterey

En 2000, Textile Monterey rachète la totalité de l’immense usine de 1 million de pieds carrés qui appartenait toujours à la Celanese, qui avait conservé la moitié des installations pour y fabriquer du fil.

La nouvelle entreprise y fabrique des tissus de protection technique qui sont ignifuges, antimicrobiens, hydrophiles, antiabrasifs… et qui servent à confectionner les uniformes des pompiers, des policiers, des militaires, du personnel médical, des soudeurs…

Textile Monterey est maintenant le principal fabricant des marchés de protection et d’uniformes au Canada et compte notamment parmi ses clients l’entreprise Logistik Unicorp, de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui vient d’obtenir un contrat de 3,7 milliards sur 20 ans pour la fourniture d’uniformes pour les Forces armées canadiennes.

« On a aussi acheté, en 2013, une usine à Saint-Jean où on fait l’impression des tissus pour les uniformes militaires », précise Gilles Desmarais.

De fil en aiguille… FilSpec

En mars 2020, en pleine pandémie, Textile Monterey a fait l’acquisition de FilSpec à Sherbrooke, une entreprise qui fabrique du fil spécialisé et qui compte sur une vingtaine de gros clients en Amérique du Nord, dont Monterey Textile. L’usine estrienne fabrique plus d’une centaine de types de fil spécialisé à partir de mélanges de fibres innovants.

« FilSpec était un de nos fournisseurs et l’entreprise était en restructuration financière lorsque je les ai approchés. On l’a rachetée et on a entrepris de poursuivre sa modernisation », relate Gilles Desmarais.

FilSpec a annoncé la semaine dernière qu’elle allait investir 5 millions dans l’automatisation partielle de ses procédés, un investissement commandé par la pénurie de main-d’œuvre.

L’entreprise a pu compter sur l’appui financier de Développement économique Canada, d’Investissement Québec et de RBC pour mener à terme son projet de modernisation.

« FilSpec avait déjà investi dans l’automatisation de deux lignes de production en 2019, mais là, on poursuit le processus en accélérant la modernisation de la production », explique Martin Quilico, contrôleur chez FilSpec et bras de droit de Gilles Desmarais.

Fait à souligner, FilSpec est un autre reliquat industriel de la grande époque du textile au Québec puisqu’elle a été fondée par la Dominion Textile, qui a été l’entreprise dominante de l’industrie au Canada durant le siècle dernier, et lui a appartenu. L’usine couvre une surface imposante de 300 000 pieds carrés, tout juste derrière la rue Wellington, la rue principale de Sherbrooke.

« On modernise parce que le personnel est vieillissant et qu’on arrive difficilement à le remplacer. L’automatisation des lignes de production va nous permettre d’augmenter la productivité, de réduire les pertes, mais elle va surtout nous permettre de réaffecter nos employés à des tâches moins répétitives », souligne le PDG.

Et rendre le travail plus attrayant, parce que l’industrie du textile souffre, selon Gilles Desmarais, de son association avec celle de la confection de vêtements.

« Plusieurs pensent qu’ils vont travailler sur des machines à coudre. Nous, on ne fait pas de la confection de vêtements, on fabrique la matière qui servira à les confectionner. Les emplois qu’on a à combler viennent avec des salaires compétitifs », précise Gilles Desmarais.

Un secteur profitable

Effectivement, une visite de l’usine nous permet de constater qu’une grande partie des opérations se fait maintenant grâce à des machines-robots qui font elles-mêmes le travail, jusqu’à trier la fibre et réparer les bris de fil lorsqu’il doit s’enrouler sur les rebobineuses.

« On a besoin davantage d’opérateurs de machine que d’employés qui font du travail répétitif. Ce n’est pas comme à l’époque où plus de 25 % de la main-d’œuvre de Drummondville travaillait dans le textile, mais on a quand même besoin de monde », souligne Gilles Desmarais.

D’ailleurs, Textile Monterey loue la moitié de son usine de 1 million de pieds carrés de Drummondville à des entreprises de cette région, où sont concentrées un nombre impressionnant de PME industrielles.

En plus de faire tourner ses usines de Drummondville, Sherbrooke et Saint-Jean-sur-Richelieu, Textile Monterey dispose aussi d’une usine en Alabama. Chaque centre d’opération est géré de façon autonome, mais fait partie du groupe Monterey.

Rentable, le textile ?

« On ne ferait pas ces investissements si ce n’était pas rentable. On a compris qu’il fallait oublier la production de masse. Nous, on se spécialise et on essaie de créer une chaîne intégrée pour le marché nord-américain », expose bien sobrement le PDG de Textile Monterey et de FilSpec.

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