Opinion

Pour une conversation nationale sur le vieillissement

L’Observatoire québécois des inégalités vient de publier une importante étude multidisciplinaire intitulée Bien vieillir au Québec. Exhaustive, accessible et reposant sur les connaissances scientifiques les plus récentes, elle présente un premier grand portrait du vieillissement dans notre société.

On y souligne entre autres que le nombre de Québécois âgés de 65 ans et plus passera de 1,7 million aujourd’hui à 2,6 millions en 2050, soit une augmentation de 53 %. Les personnes âgées représenteront alors 27 % de notre population, une proportion plus élevée qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suède ou dans le reste du Canada.

L’étude souligne l’importance des enjeux sociétaux liés au vieillissement. On y documente notamment les inégalités entre les divers groupes de personnes aînées, ainsi que celles entre ce groupe et le reste de la population.

Pour y faire face, nous devrons travailler dans une perspective de changements et nous mettre à la recherche de solutions sur des questions aussi fondamentales que la qualité du logement, du milieu de vie, des soins, de la discrimination et de l’isolement. Nous devrons soutenir l’ensemble des individus interpellés par ces enjeux en leur fournissant la capacité de se documenter et de faire entendre leur voix.

Malheureusement, face à ces enjeux, nous n’avons pas, collectivement, fait les gestes que nous aurions dû faire. Les programmes gouvernementaux s’adressent pour la plupart à une population générique, avec comme résultat qu’ils ne sont pas adaptés aux besoins de personnes aînées diversifiées. Pour le reste, nous ne faisons que réagir ; la gestion quotidienne de la situation semble devenir une crise en soi. Les solutions trouvées dans ces conditions ne sont généralement pas adaptées à tous et ne servent qu’à colmater temporairement une urgence.

Comment pouvons-nous, dans ces circonstances, nous donner le temps de réfléchir à de meilleures façons de répondre aux besoins des personnes aînées ? Afin de progresser vers des solutions durables, il faudra accepter de nous remettre en question et, surtout, prendre le temps de le faire.

De prime abord, les gouvernements doivent accepter qu’ils ne détiennent pas, à eux seuls, toutes les réponses. Il est grand temps que toute la société civile soit au cœur de la solution, plutôt que d’être limitée à son rôle d’utilisatrice silencieuse de solutions mal adaptées. Mais pour ce faire, nos administrateurs publics doivent accepter d’écouter et de tenter de nouvelles expériences.

La responsabilité de trouver des solutions à l’augmentation des coûts du système de santé ne devrait pas reposer que sur les gouvernements, mais plutôt être partagée avec l’ensemble des parties prenantes. Les personnes aînées, les organismes communautaires, les différentes associations, les proches aidants et les familles ne demandent qu’à contribuer à la discussion.

Nous devons encourager la collaboration entre des groupes et secteurs de la société qui n’en ont pas toujours l’habitude.

La recherche de solutions se bute trop souvent aux approches en silo. Il nous faudra abandonner certaines chasses gardées et faire en sorte que tout le monde travaille de manière interdépendante, au sein d’un écosystème où chacun a son rôle à jouer.

Nous croisons quotidiennement des gens œuvrant auprès des aînés. Qu’ils soient dirigeants d’OBNL ou de coopératives, fonctionnaires, chercheurs, parents ou philanthropes, ils ont tous un trait commun : ils ont cette passion et cet engagement entier indispensables à cette audace créative dont nous avons besoin. Ils connaissent leur milieu et la population qu’ils desservent, et sont prêts à faire les choses autrement, avec de nouvelles approches et un cadre différent. La situation actuelle fait en sorte que leur voix doit être entendue et incluse dans la recherche de solutions.

Il serait injuste de blâmer les gouvernements actuels pour les problèmes soulevés dans le rapport Bien vieillir au Québec : ils sont le résultat d’une situation qui s’est façonnée au fil des années et à laquelle l’ensemble de la société a bien involontairement contribué.

Mais il est urgent d’engager une conversation nationale sur la situation des personnes aînées, et celle-ci ne doit pas être tributaire des échéances électorales.

Nous interpellons donc la société dans son ensemble, ses élus ainsi que toutes les parties prenantes, afin qu’elle s’engage dans cette conversation. Notre espoir est que cette discussion mène à un nouveau pacte social, dans le respect des femmes et des hommes qui ont bâti le Québec, et en incluant toute la diversité de leurs voix.

* Cosignataires : le Dr Stéphane Lemire, gériatre ; le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec ; Laurène Souchet, AQSP ; Huguette Bleau, Ph. D. et présidente de l’ AQIIG ; Elie Belley-Pelletier, Fondation AGES ; Huguette Robert, directrice générale, Présages ; France Boisclair, présidente RANQ ; Luc Mathieu, président de l’OIIQ ; François Routhier, Ph. D et professeur titulaire à l’Université Laval ; Anne-Louise Hallé, directrice générale de la Fédération québécoise du loisir en institution ; François Grisé, directeur général la fondation UN ET UN FONT MILLE ; Caroline Sauriol, directrice de la fondation Les petits frères ; Isabelle Lizée, directrice générale, Espace Muni ; Rose-Mary Thonney, présidente de l’AQRP ; Andrée Lamontagne, présidente du RIIRS ; Annie Gauvin, directrice générale de la Fondation Berthiaume-du-Tremblay ; Guillaume Joseph, directeur général de l’Appui pour les proches aidants d’aînés ; la Dr Shannon Hebblethwaite, directrice du Centre de recherche sur le vieillissement de l’Université Concordia ; Pierre Lynch, président de l’AQDR ; Matias Duque, directeur général de la Fondation Luc Maurice ; Michel Houde, président de l'ACREQ ; J. Benoit Caron, directeur général du Réseau de coopération des EESAD ; Marie-Claude Lagacé, présidente de Humanovis ; le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre ; Mireille Beaulac, présidente de l’AAR ; Louis Bherer, département de médecine de l’UdM ; Denise Gagnon, BAA, directrice générale CARREFOUR 50 + du QUÉBEC ; Paule Bernier, FDt.P., M.Sc., présidente de l’OPDQ ; Johanne Pratte, directrice générale de l’ARIHQ, Lise Lapointe, présidente de l’AREQ ; le Dr Christian Bocti, faculté de médecine de l’UdS ; Nicole Poirier, Directrice fondatrice de CarpeDiem ; Sylvie Grenier, directrice générale de la Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer et Jean Carrette, premier vice-président de l'AQDR.

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