L’édito vous répond

Où est allé tout ce monde ?

« J’aimerais savoir où sont passés les milliers de Québécois qui font qu’on peut parler maintenant de pénurie de main-d’œuvre. Y a-t-il eu un exode des Québécois ? Je me pose la question, car la pénurie se fait sentir dans TOUS les domaines. »

— Thierry Dugal

La pénurie de sauveteurs menace l’ouverture des piscines publiques ; l’exode de greffiers joue de mauvais tours dans les palais de justice ; les files d’attente s’étirent dans les aéroports à court de personnel…

Partout, on manque de bras ! Et comme dans le classique d’Harmonium, bien des lecteurs se demandent « où est allé tout ce monde » qui fait cruellement défaut au marché du travail depuis la pandémie.

La réponse comporte deux volets, indique Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec.

Le premier volet est structurel. Le vieillissement de la population fait en sorte que pour 100 travailleurs de 55 à 64 ans qui quittent potentiellement le marché du travail, il n’y a que 80 travailleurs de 20 à 29 ans qui y font leur entrée. Cet écart entre les deux cohortes n’a jamais été si large.

Le deuxième volet est conjoncturel. À cause de la pandémie, le Québec a reçu 18 000 immigrants de moins que prévu en 2020, quoique le gouvernement ait annoncé un rattrapage en 2022.

Sauf que l’économie a rapidement rebondi, affichant une croissance très vigoureuse de 6,5 % en 2021. Alors les employeurs ont besoin de personnel pour répondre à la demande.

S’il manque de travailleurs partout, ce n’est certainement pas parce que les Québécois sont restés les deux pieds sur le pouf. Bien au contraire, il n’y a jamais eu autant de monde au boulot. En fait, le Québec compte 21 000 travailleurs de plus qu’avant le début de la pandémie, en février 2020.

D’ailleurs, il est rassurant de savoir que le Québec n’est pas touché par le « Big Quit » qu’on observe aux États-Unis, où les travailleurs ont démissionné en grand nombre, pour reprogrammer leur qualité de vie ou devancer leur départ à la retraite.

Malgré tout, le taux de chômage n’a jamais été aussi faible, à 3,9 %, signe que le marché du travail est extrêmement tendu.

En fait, une toute nouvelle dynamique s’est installée sur le marché du travail où l’on compte désormais moins de chômeurs (180 000) que de postes vacants (238 000), souligne Mme Homsy.

Pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre, le Québec devra utiliser tous les moyens à sa disposition : revoir les seuils d’immigration, favoriser la productivité des entreprises et des services publics, encourager les travailleurs à reporter leur retraite, bonifier la formation pour rehausser les compétences des travailleurs, éliminer les barrières inutiles qui nuisent à la reconnaissance des diplômes de travailleurs étrangers, etc.

Avec moins de bras, on n’a pas le choix : il faut se creuser les méninges davantage.

L’édito vous répond

Pourquoi la Finlande et pas l’Ukraine ?

Plusieurs pays de l’OTAN ont indiqué à la Finlande (qui n’est pas membre de l’organisation, mais souhaite le devenir) qu’ils interviendraient militairement si la Russie l’attaquait. Pourtant, le prétexte donné par l’OTAN pour ne pas intervenir en Ukraine, c’est que le pays n’est pas membre. — D. Deschamps

Selon l’article 5 de la charte de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), si l’un des membres de cette alliance est attaqué, les autres le défendront.

La Finlande et la Suède, qui ont récemment soumis leur candidature à l’OTAN, souhaitent bien sûr bénéficier de cette protection. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’imprévisibilité de Vladimir Poutine n’ont rien de rassurant pour les dirigeants comme pour les citoyens des deux pays nordiques.

« Le processus qu’ils ont entamé devrait prendre quelques mois, avant que les deux pays soient reconnus comme membres », explique Michel Fortmann, professeur honoraire au département de science politique de l’Université de Montréal.

D’ici là, certains pays de l’OTAN ont effectivement promis de protéger les deux futurs membres en cas d’agression. En revanche, « c’est un engagement plutôt symbolique, dans la mesure où personne ne s’attend à ce que la Russie attaque l’un des deux pays prochainement », souligne l’expert, qui est aussi chercheur au Centre d’études et de recherches internationales.

L’Ukraine n’est évidemment pas dans la même situation. Dans son cas, il est trop tard, la Russie a déjà donné l’assaut. Une intervention de l’OTAN, dans les circonstances, voudrait dire déclarer la guerre au régime de Vladimir Poutine.

Et ça, au sein des nations membres de l’OTAN, c’est quelque chose qu’on cherche à éviter à tout prix. Par-dessus tout parce qu’une Troisième Guerre mondiale n’est à l’ordre du jour d’aucun de ces pays et que la menace de l’utilisation de l’arme nucléaire par le régime russe n’est pas à prendre à la légère.

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