Quand les femmes reçoivent des critiques non sollicitées

Deux artistes féminines, une même exaspération face aux commentaires désobligeants. La semaine dernière, Guylaine Tremblay et Marilou ont tour à tour montré sur les réseaux sociaux le genre de remarques non sollicitées qu’elles reçoivent par dizaines. Figures publiques ou non, les femmes sont-elles plus souvent la cible de critiques ? Comment cela affecte-t-il différents aspects de leur vie ? La Presse a questionné des expertes d’horizons variés.

Guylaine Tremblay, puis Marilou

« Je suis tellement tannée de ce genre de commentaire », a écrit Guylaine Tremblay sur Facebook mercredi dernier. Le message auquel elle fait référence, c’est celui d’une dame qui critique son physique en lui conseillant d’« arrête[r] les chirurgies ou les injections ». Une remarque acerbe que la comédienne a reçue alors qu’elle remplaçait Julie Snyder à l’animation de La semaine des 4 Julie, sur Noovo. « Combien de fois, nous, les actrices, devrons nous expliquer qu’un beau maquillage accompagné d’un bel éclairage peut nous enlever 10 ans !!! […] Ce qui me rend triste, c’est qu’à 98 %, ce sont des femmes qui m’écrivent pour me critiquer sur ma face ! », poursuit Guylaine Tremblay. Cinq jours plus tard, plus de 16 000 personnes avaient réagi à la publication, dont des vedettes féminines de la télévision qui ont souligné que les femmes subissent un traitement différent de celui des hommes sur les réseaux sociaux. Samedi, c’était au tour de Marilou d’utiliser Facebook pour répondre « gentiment » à un internaute qui lui recommandait d’attacher ses cheveux lorsqu’elle cuisine à une émission. « Je me demande si Ricardo se fait demander tous les jours pourquoi il ne met pas de filet sur sa tête en ondes », a-t-elle répliqué.

Une fréquence plus grande

Les femmes, en général, reçoivent-elles plus de critiques que les hommes ? Oui, répond Louise Cossette, professeure au département de psychologie de l’UQAM. Une réalité observable dans différents domaines, notamment en ce qui a trait à l’apparence ou à la maternité, indique-t-elle. « Les critiques sont souvent très dures, surtout quand les femmes vont déroger un peu des attentes sociales », poursuit la professeure. Isabelle Boisclair abonde dans le même sens. « Il y a des diktats. Il faut que les femmes soient belles, qu’elles soient agréables, qu’elles se montrent aimables, qu’elles soient aptes à être aimées », énumère la professeure en études littéraires et culturelles à l’Université de Sherbrooke. Or, « les femmes sont loin d’être toutes pareilles », souligne-t-elle. Les hommes qui dérogent aux attentes sociales font également souvent l’objet de critiques, nuancent toutefois les deux expertes. « Toute la culture, le cinéma, les publicités leur ont envoyé cette image qu’un gars, c’était fort […]. On oublie souvent que les hommes aussi sont façonnés par les images qu’on leur envoie », soutient Isabelle Boisclair.

Le rôle de mère scruté à la loupe

De nombreux parents peuvent en témoigner : lorsqu’on a un enfant, les conseils non sollicités pleuvent. Famille, amis et étrangers se permettent d’émettre des commentaires sur la « bonne » façon d’élever sa progéniture. Même si elle croit que ces remarques partent d’intentions louables, la psychologue Lory Zephyr observe qu’elles peuvent représenter un « poids » pour les parents, en particulier les mères. « Les mamans sont beaucoup ciblées. Ce sont elles qui vont avoir le congé parental, dans la majorité des cas. C’est à elles que les médecins vont poser des questions. […] Ces mères sentent beaucoup de pression. Elles se disent : “Je dois réussir mon enfant.” » Le jugement des autres peut amener les mères à ressentir une certaine culpabilité, note la psychologue. « La culpabilité, c’est quoi ? C’est l’impression d’avoir commis une faute. » Puisqu’elles reçoivent de l’information variée et souvent contradictoire, les mères vont avoir l’impression de ne pas faire la bonne chose. « L’humain est un être sociable, poursuit Lory Zephyr. Quand il y a quelqu’un qui nous fait un commentaire, dans le fin fond de nous, on ne veut pas se faire rejeter. On ne veut pas sentir qu’on est mis à l’écart parce qu’on a fait des choix différents. Plus il va y avoir un accueil des différentes façons d’être un parent […] moins on va se sentir coupable et moins on va chercher à se protéger du jugement de l’autre. »

Une rétroaction moins précise au travail

Qu’en est-il de la sphère professionnelle ? Au boulot, les femmes reçoivent-elles plus de critiques que les hommes ? Questionnée à ce sujet, Isabelle Marquis, directrice générale de L’effet A, s’est tournée vers le concept de rétroaction, élément plus souvent étudié et plus facilement mesurable que la critique, selon elle. « Ce qu’on voit [dans les études], c’est que les hommes et les femmes demandent à peu près le même niveau de rétroaction. Mais les femmes en reçoivent moins que les hommes et la rétroaction est qualitativement moins précise et claire », explique celle dont le groupe fait la promotion de l’ambition féminine. Par exemple, un patron dira à son employée de travailler son influence politique, un conseil somme toute assez flou. « Ça peut affecter notre confiance. […] On sait qu’on fait quelque chose qui ne fonctionne pas, mais on ne réussit pas nécessairement à mettre le doigt sur ce qui doit être corrigé », indique Isabelle Marquis, qui croit que les gestionnaires ont tout à gagner à formuler des rétroactions plus précises, peu importe le genre de l’employé.

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