Société

« Ça va bien aller », marque déposée ?

Vous voulez mettre en marché des cahiers arborant un arc-en-ciel et le slogan « Ça va bien aller » ? Attention : une demande d’enregistrement a été déposée à l’Office de propriété intellectuelle du Canada pour protéger la marque.

C’est l’initiatrice du mouvement Ça va bien aller au Québec, Gabriella Cucinelli, qui a déposé la demande, le 31 mars. Rassurez-vous : elle ne veut pas empocher un sou avec le célèbre slogan. Elle veut que les entreprises commerciales qui utilisent le logo de l’arc-en-ciel aux côtés du slogan « Ça va bien aller » fassent un don à l’organisme de sécurité alimentaire québécois La Cantine pour tous, à qui elle a accordé une licence de marque de commerce d’un an.

« C’est un message en toute simplicité », résume Gabriella Cucinelli, éducatrice dans un CPE et mère de deux enfants. « Je dis aux compagnies et aux entrepreneurs : écoutez, il y a un logo qui existe. ‟Ça va bien aller” n’a pas été créé à des fins commerciales. Servez-vous-en, ça met de la couleur, ça met de la joie, mais faites un don pour que cette joie-là puisse être aussi distribuée pour les gens qui en ont le plus besoin. »

La marque de commerce est constituée d’un logo jumelant un arc-en-ciel (inspiré du dessin des enfants de Gabriella Cucinelli) et la phrase « Ça va bien aller ».

Initiative italienne

Gabriella Cucinelli n’a pas inventé le mouvement ; elle s’est plutôt inspirée d’une initiative ayant cours en Italie. Là-bas, l’organisme Projetto Infanzia encourage les gens confinés à accrocher à leur balcon un dessin d’arc-en-ciel accompagné des mots « andrà tutto bene », qui signifient « tout va bien aller » en italien.

Mme Cucinelli a demandé aux organisateurs en Italie si elle pouvait reprendre l’idée au Québec. Ces derniers lui ont donné le feu vert, le 14 mars. « Ce matin-là, j’ai demandé à mes enfants de dessiner un arc-en-ciel, j’ai affiché le dessin à ma fenêtre et j’ai pris des photos. J’ai partagé l’idée dans un groupe d’éducatrices sur Facebook qui regroupe 25 000 membres. »

On connaît la suite : l’idée s’est répandue partout au Québec. Les familles ont massivement embarqué dans le mouvement et les entreprises aussi.

« Mon intention, c’était vraiment d’envoyer un message d’espoir et d’encouragement aux gens. […] Ça va bien aller n’a pas été conçu pour que ça amène des profits », souligne Gabriella Cucinelli, qui insiste sur le fait que sa demande ne concerne aucunement les gens qui accrochent des dessins à leur fenêtre. « S’il y a du profit – et il y en a –, j’aimerais ça que les entreprises fassent un don à La Cantine pour tous. »

Implication légale

L’avocat Frédéric Letendre, associé fondateur de Yulex avocats, a examiné pour nous la demande de Gabriella Cucinelli. Si la demande est enregistrée, dit-il, ce sera d’ici 12 à 18 mois. Gabriella Cucinelli a tout de même des droits dès maintenant : « C’est l’usage qui donne le droit, pas l’enregistrement », explique-t-il.

Est-ce à dire que toutes les entreprises ne peuvent plus utiliser le logo composé de l’arc-en-ciel et de la phrase « Ça va bien aller » ? Non, répond Frédéric Letendre. « Elle n’a pas un droit exclusif à l’arc-en-ciel et l’expression “Ça va bien aller” sur tous les produits et services canadiens, indique-t-il. Ce n’est pas un bar ouvert. »

La demande se limite à six classes de produits et services : les collectes de fonds, ainsi que divers produits sur lesquels on peut imprimer le logo (essentiellement des articles de papeterie, des sacs, des tasses et bouteilles et des vêtements). « Canadian Tire pourrait donc très bien faire des matelas Ça va bien aller pour le camping », illustre Frédéric Letendre. Il est normal de circonscrire ainsi les demandes, explique-t-il, car la marque peut être invalidée si elle n’est pas utilisée dans les classes demandées.

Gabriella Cucinelli n’a aucunement l’intention de commercialiser quoi que ce soit. Elle demande plutôt aux entreprises qui mettent en marché des produits arborant le logo de s’adresser à La Cantine pour tous et d’obtenir l’autorisation en faisant un don. Les autres entreprises qui font du profit avec le logo (même celles qui ne sont pas concernées par la demande) peuvent aussi le faire par principe, dit-elle.

La demande sera-t-elle acceptée par l’Office de propriété intellectuelle du Canada ? Frédéric Letendre l’ignore. En partant, dit-il, les fonctionnaires risquent de demander davantage de précisions sur les produits inscrits à la demande. La marque demandée ne doit pas non plus porter confusion avec une autre marque déjà existante.

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