Partout au pays, l’optimisme chute

En l’espace de cinq ans, la proportion de Canadiens optimistes face à l’avenir a dégringolé, indiquent les plus récentes données publiées mardi par Statistique Canada. Si la chute est particulièrement marquée en Colombie-Britannique, les Québécois restent cependant les moins pessimistes du pays.

Un ciel plus bleu au Québec ?

Partout au pays, l’optimisme est à la baisse, révèlent les données publiées par Statistique Canada mardi. Mais cette chute est beaucoup plus marquée dans l’extrême ouest du pays. Avec un taux passé de 76 % à 62 %, la Colombie-Britannique est la province qui a connu la plus forte baisse de la proportion de personnes qui déclarent avoir une perception positive de l’avenir depuis 2016. Les Québécois sont ceux qui restent les plus optimismes quant à l’avenir, suivis des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan. « C’est vraiment intéressant », observe Lauren Pinault, analyste à Statistique Canada. « Ces résultats du Québec concordent avec d’autres indicateurs, comme le niveau de satisfaction face à la vie. »

Pessimisme du Pacifique

Ils ont la mer d’un côté, les sommets enneigés de l’autre, et entre les deux, une vallée fertile qui produit parmi les meilleurs fruits du pays. Et pourtant, les Britanno-Colombiens voient l’avenir plus sombre que les autres Canadiens. Pourquoi ? « Je n’ai pas la réponse, je ne peux que spéculer », réfléchit au bout du fil la sociologue Susan McDaniel, de l’Université de Victoria. « Depuis des siècles, les gens qui ont perdu leur emploi ou cherchent un meilleur avenir partent à l’Ouest. En Colombie-Britannique, on trouve des gens qui viennent de partout et qui cherchent à améliorer leur sort. Mais s’ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent, ils se sentent plus désespérés qu’ailleurs. » Autre particularité de l’Ouest : partout au pays, les Canadiens qui vivent dans les régions rurales sont légèrement plus optimistes que ceux qui vivent dans les régions urbaines… sauf en Alberta. Seule la moitié des ruraux albertains se dit optimiste, comparativement à 64 % des citadins albertains. « Les Albertains ruraux sont généralement plus conservateurs que les citadins », observe Mme McDaniel. « Ils n’aiment pas le gouvernement libéral actuel et sont préoccupés par la situation économique, particulièrement par l’avenir de l’industrie pétrolière », rappelle-t-elle.

Discrimination et immigration

Plus un immigrant est établi depuis longtemps au pays, plus sa perception de l’avenir s’aligne sur celle des personnes non immigrantes et rejoint la moyenne canadienne de 64 %. « Des situations sociales difficiles, comme les expériences de discrimination, étaient également associées à des niveaux plus faibles d’optimisme », écrit Statistique Canada. Les minorités ethnoculturelles d’origine asiatique sont particulièrement concernées – leurs niveaux d’optimisme sont inférieurs à la moyenne. Dans une autre enquête publiée en 2020, les participants chinois, coréens et de l’Asie du Sud-Est étaient plus de deux fois plus susceptibles que les participants blancs de faire état d’une expérience de discrimination. C’était aussi le cas des Canadiens noirs, mais à l’inverse des autres, ils affichent dans cette enquête un optimisme supérieur à la moyenne (73 %). La résilience de la population noire a d’ailleurs été mesurée en 2016 : 44 % des personnes noires disaient être « toujours » en mesure de rebondir rapidement après des moments difficiles, alors que cette proportion était de 33 % dans le reste de la population.

Groupes de population avec un niveau d’optimisme supérieur à la moyenne

Immigrants récents : 74 %

Résidents non permanents : 72 %

Familles avec enfants : 70 %

Personnes en congé de maternité/paternité/parental : 83 %

Personnes qui ont un fort sentiment d’appartenance envers leur collectivité locale : 78 %

Moyenne canadienne : 64 %

Des jeunes moins optimistes, des minorités plus pessimistes

De façon générale, les femmes (65 %) sont légèrement plus optimistes que les hommes (63 %), et les jeunes (15-34 ans) sont beaucoup moins optimistes en 2022 qu’ils ne l’étaient en 2016. Cette année-là, 80 % des jeunes avaient une perception positive face à l’avenir. Cinq ans plus tard, la proportion des jeunes optimistes est la même que celle des Canadiens plus âgés, soit environ 63 %. « C’est sûr que les jeunes ont été lourdement éprouvés pendant la pandémie », souligne Roxane de la Sablonnière, professeure de psychologie sociale à l’Université de Montréal, qui a mené une étude sur le sujet en 2021. « Il s’agit d’une période de construction identitaire où ils se définissent par rapport à leurs pairs, dont ils ont été privés de contacts pendant la pandémie. Aussi, ils n’ont pas l’expérience de vie de leurs parents et grands-parents. » L’identité de genre et l’orientation sexuelle sont également un élément déterminant de la perception de l’avenir.

Optimisme et diversité

Personnes s’identifiant au groupe LGBTQ2+ : 49 %

Personnes transgenres ou non binaires : 38 %

Des hypothèses, pas de réponses

Qu’est-ce qui explique ces disparités nationales ? Statistique Canada se garde de tirer des conclusions, indiquant qu’il faudra « mener d’autres études » pour pouvoir comprendre ces données. Roxane de la Sablonnière note que les données ont été recueillies entre août 2021 et mars 2022. « Durant cette période, les perceptions ont pu changer », observe-t-elle. Entre un répondant interrogé en août, alors que l’été ensoleillé pouvait laisser croire que la pandémie s’achevait, et un autre répondant interrogé en décembre ou janvier, en pleine tempête Omicron, le degré d’optimisme avait de quoi varier…

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