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— La dinde

Identités de genre

Des projets de loi aux enjeux cruciaux pour nos enfants

Savez-vous que des lois cautionnant la notion de « sexe assigné à la naissance » s’apprêtent à être votées aux parlements du Québec et d’Ottawa ? Savez-vous que ces lois risquent d’encourager la médication à vie d’enfants en vue de changer un corps sain pour le faire paraître comme étant du sexe opposé ?

Il s’agit des projets de loi PL-70 et C-6 visant à pénaliser les thérapies de conversion. Bien sûr, on ne peut qu’approuver l’interdiction de pratiques moyenâgeuses pour changer l’orientation sexuelle d’une personne. Même si aucun thérapeute agréé ne les pratique au Canada, il est bon de renforcer la vigilance, notamment à l’endroit de groupes religieux conservateurs qui continueraient à les pratiquer.

Seulement voilà : outre l’orientation sexuelle, la définition de « thérapie de conversion » dans les projets de loi englobe les notions d’identité de genre et d’expression de genre. En fait, les thérapies liées au genre renvoient à la « dysphorie de genre », un terme médical désignant la souffrance d’une personne qui a le sentiment de ne pas appartenir à son sexe biologique. Mais alors, quelles seraient les thérapies liées à l’identité de genre qui seraient interdites par ces lois ? Contre toute logique, c’est l’approche thérapeutique la moins invasive, celle de psychothérapie exploratoire, basée sur le principe de précaution, qui risque d’être entravée.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le rapport1 que le ministre de la Justice, David Lametti, présente comme un document fondamental en soutien à C-6. On peut y lire une dénonciation des médecins et autres professionnels qui « refusent ou retardent » l’accès à des interventions d’affirmation de genre.

Si cette interprétation est retenue, dès qu’un enfant s’identifierait au sexe opposé, il faudrait immédiatement le diriger, sans autre forme d’investigation, vers une approche affirmative, souvent accompagnée d’une médication invasive (bloqueurs de croissance, hormones de l’autre sexe), pour aboutir bien souvent à des interventions chirurgicales (ablation des seins, des testicules, du vagin, implantations mammaires, etc.).

Pourtant, la littérature scientifique est très claire : une proportion significative (environ 80 %3) des enfants ayant le sentiment d’être « nés dans le mauvais corps » se réconcilie avec celui-ci à l’adolescence, et un grand nombre se révèlent être homosexuels ou lesbiennes. Mais qu’advient-il lorsqu’ils sont dirigés trop rapidement vers de la transition médicale ?

Aveuglement volontaire

Qu’à cela ne tienne. Le PL-70 est déposé le 22 octobre, et les consultations publiques ont lieu moins de deux semaines plus tard, soit les 4 et 5 novembre, lors desquelles sont entendus uniquement des groupes en faveur du projet de loi.

Pourquoi cette hâte à adopter le PL-70, sans commission parlementaire, et sans attendre celle qui aura lieu prochainement pour C-6 ? L’objectif serait-il de paraître encore plus « progressistes » qu’au Fédéral ? À ce propos, nous aimerions rapporter l’expérience d’une mère de notre Collectif de parents (collectif ayant soumis un mémoire pour les deux projets de loi3) qui a exposé ses craintes à l’attaché politique d’un député fédéral responsable de C-6. Celui-ci a eu l’honnêteté de lui avouer que, de toute façon, le projet de loi serait adopté car « c’est une stratégie politique pour faire paraître les Conservateurs comme des intolérants ». On s’en doutait !

Cela dit, nous comprenons l’émotion de nos députés face aux chiffres faramineux qui leur sont présentés sur le nombre de victimes des « thérapies de conversion ». Or, ces chiffres proviennent d’études produites par des groupes de pression et hautement contestables : échantillon non probabiliste, non représentatif, mais surtout extrapolation exagérée et non justifiée de chiffres obtenus pour l’orientation sexuelle, mais dont on tire des conclusions et des recommandations politiques sur l’identité de genre.

En réalité, il n’existe aucune étude scientifique sérieuse définissant ou ayant pour objet la « conversion de l’identité de genre ».

Museler le débat

Bien entendu, toute méthode coercitive visant à forcer une personne à changer la perception de ce qu’elle est n’est pas acceptable. Mais la prévention de telles pratiques ne doit pas se faire au détriment des approches exploratoires neutres, visant l’acceptation de soi, pour traiter des jeunes s’identifiant comme trans.

Malheureusement, l’accusation de transphobie est très efficace pour entraver les psychologues compétents et museler le débat.

Dans le cadre de la consultation publique sur le PL-70, à notre suggestion d’inviter le DZucker, spécialiste canadien internationalement connu en matière de dysphorie du genre chez l’enfant, un député nous a répondu que notre suggestion ne serait pas retenue car le DZucker est « contesté par la communauté LGBTQ » ! La peur d’offusquer l’emporte-t-elle sur la quête d’informations pertinentes et probantes au sein de l’Assemblée nationale ?

Nous sommes sensibles aux revendications de la communauté LGBTQ et nous souhaitons vivement qu’elle s’exprime à ce sujet. Mais nous insistons sur le fait que toute la société est concernée par ces projets de loi, et que ces derniers doivent s’élaborer sur la base de la meilleure connaissance disponible. Le fait que la population soit gardée à l’écart des décisions législatives en la matière représente un grave déficit démocratique.

Au-delà des stratégies politiques et visées électoralistes, si rien n’est fait pour protéger l’approche prudente préconisant une période d’attente vigilante pour les enfants ne s’identifiant pas à leur sexe de naissance, les politiciens seront responsables des dérives prévisibles et des dommages sur la vie de nos jeunes.

Comme le dit le serment d’Hippocrate : Avant tout, ne pas nuire.

1 Consultez le rapport présenté par le ministre Lametti :

2 Ristori J, Steensma TD. Gender dysphoria in childhood. Int Rev Psychiatry, 2016 ; 28 (1) : 13 – 20.

3 Consultez le rapport du Collectif :

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