Jacques Parizeau 1930-2015

L’époque « périlleuse »

Au cours de sa vie, Jacques Parizeau a entretenu quelques liaisons amoureuses qui ont bien failli anéantir sa carrière politique. Des histoires passées inaperçues, mais parfois si rocambolesques qu’elles semblent tout droit sorties de romans d’espionnage.

Il y a, par exemple, Carole Devault, une jeune bénévole avec qui Jacques Parizeau partage un taxi, un soir d’hiver montréalais de 1970. Les mois suivants constituent, de l’aveu même de M. Parizeau, « l’époque la plus périlleuse de [sa] vie ». C’est ce qu’il confiera, des années plus tard, à son biographe Pierre Duchesne.

Peu après leur rencontre, Jacques Parizeau obtient un emploi à Carole Devault à la société Caloil. Ce qu’il ignore, c’est que sa maîtresse fraye aussi avec des felquistes. Quand la Crise d’octobre éclate, ses complices et elle organisent un vol à la Caloil pour financer la cellule Libération, qui détient l’otage James Richard Cross.

La veille de l’attaque, Carole Devault panique. Elle téléphone à son amant pour lui demander conseil. Elle tombe plutôt sur Alice Parizeau et la met au courant du complot. Sachant que l’affaire risque de se transformer en bombe politique pour son mari, Mme Parizeau convainc la jeune femme de se confier à la police.

AGENT DOUBLE

C’est ainsi que Carole Devault est recrutée par la section antiterroriste de la police de Montréal. Jacques Parizeau continue de la fréquenter pendant quelques mois, sans savoir qu’elle est devenue l’agente 945-171, la belle espionne infiltrée au cœur du FLQ. Pourtant réputé pour être un homme méfiant, voire paranoïaque, M. Parizeau, alors président du conseil exécutif du PQ, ne se doute de rien. 

« Et moi qui avais tellement développé le renseignement au PQ, je me suis fait prendre comme un imbécile. Là, il est clair que la police m’a utilisé comme un enfant », a-t-il avoué à Pierre Duchesne. 

En effet, au début des années 70, Jacques Parizeau crée le « réseau Parizeau », chargé de percer les secrets du gouvernement fédéral. L’une des membres de son réseau est Loraine Lagacé, qui lui confie être la maîtresse de Pierre de Bané, député à Ottawa. Parizeau y voit l’occasion de recueillir des renseignements.

« De par sa relation avec de Bané, je me suis servi de Loraine Lagacé. Comme agent double, c’est moi qui ai inventé Lagacé. »

— Jacques Parizeau à son biographe

Aujourd’hui décédée, Loraine Lagacé, que l’on a surnommée la Mata Hari québécoise, a maintenu avoir également entretenu une liaison amoureuse avec Jacques Parizeau, ce qu’a nié ce dernier.

Quoi qu’il en soit, le « réseau Parizeau », dont les activités se sont étendues de 1970 à 1974, n’a pas vraiment brillé par son efficacité. Non seulement il n’a pas découvert que Carole Devault collaborait avec la police, mais il n’a jamais réussi à démasquer d’éventuels informateurs au sein du PQ. Par ailleurs, le réseau n’a pas réussi à savoir que Claude Morin, un bonze du parti, entretenait à l’époque des liens avec la GRC.

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