Valérie Harvey

Voir le monde comme un kami japonais

Valérie Harvey vient de lancer L’Héritage du Kami, un roman d’aventure fantastique dont l’action se déroule dans un archipel d’inspiration japonaise. Si la pandémie ne vient pas chambouler ses plans, la sociologue partira l’an prochain vivre au Japon avec sa famille, pour y faire un post-doctorat sur la paternité. Entrevue en sept points – ça tombe bien, le sept est un chiffre chanceux autant en Occident qu’au Japon.

1) Le Kami

Un kami est un dieu (ou plus précisément une entité supérieure) dans le shintoïsme – une religion du Japon. « Pour les Japonais, les kamis peuvent être partout, explique Valérie Harvey. Ils sont donc obligés de tout respecter, parce que tu ne voudrais surtout pas offenser un dieu. »

On a beaucoup ri de Mari Kondo, la spécialiste du rangement qui remercie un t-shirt avant de lui dire adieu. « Mais selon la philosophie shintoïste, ce n’est pas étrange, souligne Valérie Harvey. Au Japon, on respecte les choses et la nature, parce qu’elles sont peut-être habitées par plus grand que nous. »

Dans son roman, un kami intervient dans une histoire d’empires et de succession. « C’est le fun d’avoir un personnage qui n’est ni bon, ni mauvais, dit l’autrice. Comme il n’a pas nos préoccupations humaines, il regarde la situation de haut. Ça m’a fait penser à moi, quand je fais des recherches en sociologie. Il faut analyser comment les gens vivent ensemble, sans trop être émotif. »

2) Un Japon inventé…

L’Héritage du Kami se déroule dans un archipel inventé, où les personnages ont des noms japonais et des valeurs plutôt québécoises. « Au Japon, il y a eu des femmes samouraïs, il y a eu des impératrices, mais ce n’est plus possible, observe la sociologue. Ça peut reculer, une société. On l’oublie souvent. »

Deux autres romans de Valérie Harvey aussi publiés chez Québec Amérique, Les Fleurs du Nord, gagnant du prix jeunesse des Univers parallèles 2018, et L’Ombre du Shinobi, ont lieu dans cette même société fictive.

3) … et un Japon réel

Ayant vécu un an et demi au Japon, la sociologue en apprécie les bons côtés. Comme la propension à mettre un couvre-visage dès qu’on est malade. « Ce n’est pas le fun à porter, mais ça protège tout le monde, souligne Valérie Harvey. Les Japonais ne le diront pas, mais on a l’air idiots de ne pas vouloir porter de masque pendant la pandémie. Ils se disent : “Voyons, ils veulent que les autres l’attrapent ?” »

4) Leçons de japonais pour tous

Valérie Harvey a profité du confinement pour offrir en ligne 10 leçons de japonais. C’est la sonorité du japonais qui l’a d’abord séduite, lors d’un cours à l’université. « On chante, mon chum et moi, et le japonais sonne bien, explique-t-elle. C’est plaisant, il y a plein de voyelles. » Le coup de foudre pour la culture japonaise a suivi. « Je suis fan de culture japonaise au sens large », précise la sociologue.

Une de ses capsules vidéo porte sur le salut à la japonaise – sans contact, donc idéal par les temps qui courent –, qu’elle a tenté d’enseigner à Jean-René Dufort et au DAlain Vadeboncœur avant le confinement.

5) À la défense des okatus

La sociologue se porte à la défense des « okatus », ce terme japonais qui décrit les gens qui aiment rester à la maison pour lire des mangas, regarder des dessins animés et jouer aux jeux vidéo. « Oui, certains ont des problèmes de dépendance, on ne va pas le nier, indique-t-elle. Mais c’est une minorité. »

L’annulation de l’Okatuthon de Montréal, qui devait avoir lieu en août, l’attriste. « La communauté okatu est beaucoup en ligne et c’est le moment de l’année où les gens se voient et se parlent en personne, rappelle-t-elle. C’est super important. »

Valérie Harvey, son conjoint et leurs enfants se sont amusés en incarnant la famille de Naruto, un personnage de manga parmi les plus populaires au monde, l’an dernier à l’Okatuthon.

6) Des séries à découvrir

Pour perfectionner son japonais, Valérie Harvey regarde beaucoup d’animés – les séries d’animation japonaises qui portent sur une panoplie de sujets. Avec ses enfants, elle visionne des séries de sport, comme Haikyû sur le volley-ball, Yûri on Ice sur le patin artistique, et Kuroko no basuké sur le basketball.

« Il a fallu acheter un ballon de basketball, souligne-t-elle. Je n’ai jamais autant joué au basket de ma vie !  »

L’animé Nodame Cantabile, qui porte sur la musique classique, lui a donné envie de s’abonner aux concerts de l’Orchestre symphonique de Québec (elle vit à Lévis). Haikyû est offert sur Netflix ; tandis que Valérie Harvey regarde d’autres animés par l’entremise de la plateforme Crunchyroll.

7) Sociologie estivale

Cet été, Valérie Harvey est recherchiste et « sociologue en résidence » à l’émission Ça prend un village, animée par Marie Grégoire et Vincent Graton, diffusée les dimanches à 15 h sur ICI Première.

Pourquoi devrait-on profiter de l’été pour lire L’Héritage du Kami ? « Pour sortir un peu de la pandémie ! s’exclame-t-elle. Pour quitter notre quotidien, tout en réfléchissant sur notre monde. En passant par l’imaginaire, on peut à la fois sortir de notre monde et le comprendre mieux. »

Le destin de la guerrière

Tatsumi et son frère jumeau Mikio sont élevés pour succéder à l’empereur, dans un archipel d’inspiration nippone. Tatsumi, jeune femme très habile à manier les armes, choisira un autre destin. Haletant et complexe, ce roman allie habilement saga familiale, jeux de pouvoir et surnaturel. Il s’inspire de plusieurs légendes, dont celles de l’impératrice Jingû, qui a uni plusieurs parties du Japon. Les Fleurs du Nord et L’Ombre du Shinobi, précédents romans de Valérie Harvey, se déroulent dans le même univers. L’Héritage du Kami peut être lu indépendamment, en se référant à l’arbre généalogique de la famille, publié au début du livre.

L’Héritage du Kami

De Valérie Harvey

Collection Magellan

Éditions Québec Amérique

Dès 14 ans

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