Opinion Sylvain Charlebois

La COVID-19 et la panique

L’épidémie de la COVID-19 touche les chaînes d’approvisionnement mondiales et perturbe les opérations de fabrication dans le monde. Sans oublier que ses effets n’ont peut-être pas encore atteint leur apogée, du moins en Amérique du Nord. 

Les épiciers et les détaillants alimentaires travaillent d’arrache-pied avec leurs fournisseurs pour s’assurer que leurs chaînes d’approvisionnement ne les laisseront pas tomber. De plus, plusieurs magasins partout au Canada rationnent déjà le nombre d’unités de chaque aliment que les clients peuvent acheter. Starbucks a même cru bon cesser de servir son café dans des tasses réutilisables. Quoi qu’il en soit, « l’achat de panique » devient une réalité.

Un peu partout, les étagères en épicerie se vident. Depuis le début de la propagation du virus, au-delà de 20 % des ménages américains commencent à stocker des aliments. Selon certaines estimations, ce pourcentage au Canada se situe autour de 11 %. Les consommateurs se mobilisent peu à peu. Nous évaluons qu’à peine 25 % de tous les ménages canadiens maintiennent au cours de l’année un approvisionnement alimentaire suffisant pour survivre de façon autonome pendant trois ou quatre jours. Pour le reste, ils achètent au besoin.

Mais nous ne manquerons pas de produits alimentaires de sitôt, bien au contraire. À l’inverse des désastres naturels qui se manifestent souvent sans prévenir, le virus se propage depuis plusieurs semaines, offrant du temps à l’industrie pour se préparer. D’ailleurs, plusieurs entreprises de transformation comme Campbell’s ont augmenté leur cadence de production depuis quelques semaines pour vendre plus de produits de stockage populaire comme de la soupe, par exemple.

La logistique a bien évolué ces dernières années sur plusieurs fronts. L’utilisation de l’intelligence artificielle, de la robotique et de l’automatisation améliorée a rendu les systèmes plus efficaces. Tout aussi critique pour l’alimentation, la pression croissante pour réduire les coûts de la chaîne d’approvisionnement a motivé les détaillants au fil des ans à poursuivre des stratégies plus efficaces.

Ces mesures de réduction des dépenses signifient qu’en cas de perturbation de la chaîne d’approvisionnement, l’industrie peut s’adapter beaucoup plus facilement. 

Nous l’avons vu en Asie, où le virus a commencé à faire des ravages il y a de cela plusieurs semaines. Alors que les chaînes de production étaient à l’arrêt en Chine à cause de l’épidémie, les multinationales ont déplacé leur production hors du pays ou ont cherché d’autres sources d’approvisionnement en pièces détachées. On assiste un peu au même scénario en Amérique du Nord.

Mais il faut aussi s’imprégner de réalisme. Certains détaillants sont bien mieux outillés que d’autres pour faire face à ces perturbations. La plupart des régions du Canada sont desservies par des détaillants qui ont mis l’accent sur l’investissement dans la logistique et les chaînes d’approvisionnement au fil des ans.

La perspective que certaines régions du pays manquent de nourriture demeure hautement improbable. Les régions les plus reculées resteront toujours plus vulnérables, mais les risques de propagation du virus en région s’avèrent aussi moins élevés.

Commerce en ligne

Ces épidémies peuvent aussi offrir une occasion d’affaire pour certaines entreprises. Alibaba, le géant chinois en ligne de plusieurs milliards, a littéralement vu le jour lors de l’épidémie du SRAS en 2003. L’entreprise y a décelé une occasion de vendre des produits en ligne étant donné que les gens évitaient les interactions physiques.

Cela pourrait très bien se produire au Canada, où les épiciers amorcent tout juste le virage virtuel. Des perturbateurs externes comme Amazon, Walmart et Costco se démarquent déjà depuis le déclenchement de la propagation du virus. Les épiciers traditionnels, quant à eux, devront réfléchir à de nouveaux moyens pour augmenter le trafic sur leurs sites web au moment où un nombre croissant de gens souhaitent rester à la maison pour se sentir en sécurité.

Bref, nous devons nous préparer, mais sans paniquer. 

L’épidémie atteindra son apogée d’ici quelques semaines et l’industrie sera prête. Il est tout à fait normal de se préparer en achetant des réserves pour la maison, mais il ne faut pas exagérer. Acheter quelques articles ici et là n’est pas une mauvaise idée, mais en laisser un peu aux autres démontre aussi un peu de civisme.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.