Vaccins, traitements : sur quoi miser ?

Le développement des vaccins s’est fait en un temps record. Toutefois, près d’un an après le début de la pandémie de coronavirus, les médecins disposent toujours de très peu de médicaments pour lutter contre celui-ci.

A-t-on trop misé sur le développement des vaccins au détriment des médicaments ?

« Non, il fallait mettre de l’argent dans les deux, affirme Alain Lamarre, expert en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Les vaccins, on en entend davantage parler parce que c’est ce qui a fonctionné en premier. » Et pour cause : « Développer un nouveau médicament en un si court délai, ce n’est pas aussi facile que développer un vaccin », renchérit David Williamson, pharmacien et chercheur clinicien au département de pharmacie et centre de recherche du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. « Normalement, ça prend 10 ans pour développer un nouveau médicament. Contrairement aux vaccins, il n’y a pas beaucoup de nouvelles méthodes pour accélérer le processus », explique M. Lamarre.

Au lieu de développer de nouvelles thérapies, les spécialistes utilisent souvent des médicaments qui sont déjà utilisés depuis des décennies pour traiter d’autres affections. Ces médicaments se divisent en quatre grandes classes : les antiviraux, les anti-inflammatoires, les anticoagulants et les thérapies immunes.

Les antiviraux

Lorsqu’un virus pénètre dans un organisme, il utilise les cellules de son hôte pour se multiplier. Les antiviraux ont donc pour objectif d’empêcher la réplication du virus. Ils sont particulièrement utiles dans les premiers jours de l’infection. C’est le cas notamment du remdésivir, un antiviral initialement développé contre la fièvre hémorragique Ebola, qui a été approuvé en juillet 2020 par Santé Canada pour le traitement des patients gravement atteints du coronavirus. « Dans le meilleur des cas, il permet de réduire d’environ 30 % le temps d’hospitalisations », affirme M. Lamarre.

Les anti-inflammatoires

Il est toutefois difficile de limiter la reproduction du virus dans l’organisme, puisque la majorité des patients réalisent qu’ils sont infectés trop tard. « La plupart vont se présenter à l’hôpital au moins cinq jours après le début de leurs symptômes. À partir du moment où le patient arrive à l’hôpital, il y a déjà une certaine réponse inflammatoire qui a été enclenchée », indique Anne Julie Frenette, pharmacienne aux soins intensifs de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et professeure de clinique à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Dans ce cas, les patients doivent recevoir des anti-inflammatoires, comme la dexaméthasone qui est reconnue pour diminuer les décès chez les patients intubés ou ventilés qui ont une réponse inflammatoire trop forte, explique Guy Boivin, professeur au département de microbiologie-immunologie et infectiologie de la faculté de médecine de l’Université Laval. La colchicine, qui a affiché des résultats prometteurs dans l’étude de l’Institut de cardiologie de Montréal, fait également partie de cette catégorie.

Les anticoagulants

La COVID-19 s’accompagne également d’une augmentation du risque de thrombo-embolie, explique M. Williamson. Des caillots de sang obstruent alors les vaisseaux sanguins, ce qui peut augmenter la gravité de l’état du patient. Les anticoagulants peuvent empêcher ce phénomène et sont parfois administrés à des patients à risque de développer ce problème. Ils ne doivent toutefois pas être administrés à n’importe qui. « On fait plus de tort que de bien à certains patients, puisque ça comprend quand même un certain risque de saignement », indique Mme Frenette. En fluidifiant le sang, les anticoagulants permettent que de faibles traumatismes puissent causer une hémorragie.

Les thérapies immunes

Les thérapies immunes sont composées des anticorps monoclonaux et du plasma convalescent. « Avec un vaccin, on donne une substance, par exemple l’ARN du virus, et on attend que notre corps développe les anticorps », explique Alain Lamarre. À l’inverse, dans le cas des anticorps monoclonaux et du plasma de convalescent, on administre directement des anticorps aux patients. Jusqu’à présent, les études sur le plasma de convalescent, consistant à administrer le sang de patients convalescents aux malades, se révèlent toutefois peu concluantes. En revanche, le tocilizumab, un anticorps monoclonal, a obtenu des résultats très encourageants lors des dernières études, en réduisant la durée d’hospitalisation et le besoin de ventilation artificielle.

Les agrumes pour protéger contre la COVID-19 ?

D’autres types de thérapies sont actuellement à l’étude à travers le monde. C’est le cas d’une nouvelle étude clinique qui débutera à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) visant à évaluer les effets de l’hespéridine sur les symptômes liés à la COVID-19. Cette substance, naturellement présente dans les agrumes, a des propriétés qui pourraient réduire l’entrée et la réplication du virus de la COVID-19 dans le corps, atténuer ses symptômes et éventuellement prévenir les complications liées à la maladie. Les chercheurs estiment que l’hespéridine pourrait fournir une protection supplémentaire aux patients infectés par la COVID-19 en réduisant les symptômes liés à la maladie.

La solution miracle ?

« Je pense que la plupart des gens s’imaginent que la vaccination est la solution miracle pour la lutte contre la COVID-19, mais on s’aperçoit, pour toutes sortes de raisons, que ce ne sera probablement pas le cas », affirme Guy Boivin. Il indique qu’il faut tenir compte du fait que certaines personnes ne seront pas vaccinées, soit par choix personnel, soit parce qu’elles sont immunosupprimées. L’approvisionnement des vaccins se fait également très lentement. « Ce ne sera pas avant 2022 que toute la population canadienne sera toute vaccinée », indique le chercheur. On ne sait pas non plus si le vaccin va empêcher la transmission et va être efficace contre les variants, renchérit Richard Leduc, professeur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Il faut donc vacciner le plus de personnes possible, mais sans oublier les traitements, résument les spécialistes.

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