L’Égypte dans le sang

Voyages en Égypte et en Nubie de Giambattista Belzoni – Troisième voyage
Grégory Jarry, Nicole Augereau et Lucie Castel
FLBLB éditeur
157 pages
Quatre étoiles

Coup de cœur pour cet album historique, qui transpose brillamment les récits de voyage de l’explorateur italien Giovanni Battista Belzoni et de sa femme Sarah publiés en 1821. Nous sommes dans l’Égypte de Muhammad Ali, et dans ce troisième tome précisément en 1818-1819. L’Égypte est une province ottomane ouverte sur l’Europe (en particulier la France et l’Angleterre), qui a ses envoyés spéciaux, consuls et autres explorateurs, cherchant à mettre la main sur les plus grands trésors du pays. Battista Belzoni, un géant de plus de 2 mètres passionné de l’Égypte ancienne, fait partie de ceux-là, commandité par l’Anglais Henry Salt, mais il se bute au consul de France, Bernardino Drovetti, qui limite son terrain de recherche et va même jusqu’à attenter à sa vie. La femme de Belzoni, Sarah, rencontrée en Angleterre, est loin d’être un personnage secondaire. Féministe avant le temps, elle mènera ses propres pérégrinations, notamment en Palestine, se déguisera en homme lorsque nécessaire, tout en usant de ses charmes pour arriver à ses fins. Ce troisième tome, qui a fait l’objet d’une exposition au festival d’Angoulême (en janvier dernier), est un régal – on va de ce pas lire les deux premiers. Les récits de voyage du couple Belzoni, qu’on apprend à bien connaître et à apprécier, et de tous les autres personnages (qui ont bel et bien existé), y sont rapportés avec clarté, humour et fluidité. D’un point de vue historique, le trio n’a pris aucun raccourci. Les dessins en noir de Lucie Castel, qui a intégré des gravures d’époque dans plusieurs planches, donnent beaucoup de panache à l’ensemble de l’œuvre.

Maladroit de naissance

Yaro Abe

Le Lézard noir

287 pages

Quatre étoiles

Touchant de maladresse

Yaro Abe, le mangaka derrière la délicieuse série La cantine de minuit, nous offre un récit romancé de son enfance à Shimanto, dans l’île de Shikoku. Malingre et pas très sportif, plutôt transparent, le petit Makoto semble suivre les traces de son père, un homme qui n’aime rien autant que de se prélasser en slip dans la maison. Les journées du garçon sont dictées par l’école, les relations familiales, les amitiés, les filles qui lui plaisent et qui ne le remarquent jamais… Rien de grandiose ; la vie, quoi ! Dans ce manga plein de finesse, les petites histoires s’enfilent comme des perles de poésie quotidienne. Un album qui émeut, apaise et nous habite longtemps une fois la dernière page tournée.

— Stéphanie Morin, La Presse

Tous les héros s’appellent Phénix

Jérémie Royer

Rue de Sèvres

140 pages

Quatre étoiles

Suspense familial

Cette adaptation du roman de Nastasia Rugani commence bien sagement. Phénix, jeune ado du secondaire, et sa petite sœur Sacha rentrent à la maison la nuit tombée. Une voiture s’arrête, c’est le professeur de Phénix (M. Smith), qui s’offre de les ramener à la maison. En arrivant, les trois sont témoins d’une scène étrange : la maman des deux filles (Érika) brûle la barque de leur père (parti de la maison dans des circonstances nébuleuses). Petit à petit, ce bon M. Smith s’insinue dans la vie (et la maison) de la famille – toujours privée de leur père, dont les nouvelles sont rares – et se rapproche de plus en plus d’Érika. Puis, l’ambiance s’alourdit, le doute s’installe sur les intentions de ce M. Smith, et sans révéler de grands secrets, la situation devient même inquiétante, jusqu’au dénouement inattendu. Une excellente adaptation, avec un dessin réaliste, dans la tradition américaine, signée Jérémie Royer (HMS Beagle, aux origines de Darwin), parfaite lecture d’été.

— Jean Siag, La Presse

Mary Jane

Frank Le Gall et Damien Cuvillier

Futuropolis

88 pages

Trois étoiles

Celle(s) dont on ignore presque tout

Jack L’Éventreur est sans doute l’un des tueurs en série les plus connus de l’histoire. Les nombreuses hypothèses sur son identité ont inspiré moult films, livres et bédés, au point d’en faire un véritable mythe. De ses cinq victimes, toutefois, on sait peu de choses, si ce n’est qu’il s’agissait de prostituées. Le scénariste Frank Le Gall a décidé de remédier à la situation en imaginant un passé (à partir du peu d’indices qui existent) à la dernière présumée victime du tueur, Mary Jane Kelly. Galloise d’origine, elle s’est retrouvée à Londres après la mort de son époux. Jusqu’à sa mort brutale, sa vie n’a été qu’une infernale spirale. L’idée du bédéiste était porteuse. Malheureusement, le scénario souffre de certaines faiblesses – notamment de rythme – qui empêchent l’histoire de se déployer à sa pleine mesure. On reste sur sa faim, sans pouvoir réellement s’attacher à cette femme au destin tragique. Reste le dessin de Damien Cuvillier, qui rend avec beaucoup de justesse la crasse des faubourgs de Londres et les visages avinés de ceux qui tentaient d’y survivre. Un demi-succès.

— Stéphanie Morin, La Presse

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