Alimentation

EAU ET VALEUR NUTRITIVE

L’empreinte eau, tout comme les autres concepts qui s’intéressent à l’énergie nécessaire pour produire un aliment, ne peut être évaluée sans tenir compte de la valeur nutritive de l’aliment.

Les légumineuses demandent en général 19 L d’eau pour chaque gramme de protéines. Les œufs, 29 L par gramme de protéines et le bœuf, 112 L.

L’année dernière, lorsque la sécheresse en Californie a commencé à faire les manchettes, les amandes ont rapidement été montrées du doigt comme étant responsables de la situation, en grande partie. Leur culture demande beaucoup d’eau. Il faut 16 L d’eau pour obtenir 1 kg d’amandes sans écorce. La Californie produit pratiquement toutes les amandes américaines, mais aussi plus de la moitié des amandes de la planète.

C’est à ce moment que ces variables supplémentaires – la valeur nutritive – sont apparues dans l’équation, déjà assez complexe, merci.

Impossible de juger un aliment uniquement sur la quantité d’eau requise pour sa production afin de ne pas privilégier des aliments pauvres en valeur nutritive, mais dont la production demande moins d’eau.

« Tout ça devient très compliqué, car ça demande une hiérarchisation des informations. Je dirais simplement qu’il faut garder un regard critique sur ce que l’on mange. »

— Frédéric Lasserre, professeur au département de géographie, Université Laval

EXPORTER SON EAU

La situation est ironique, sachant qu’en exportant ses denrées agricoles, les amandes comme les autres, la Californie qui vit une sécheresse envoie aux quatre coins du monde une spectaculaire quantité d’eau. C’est aussi le cas lorsqu’elle exporte des céréales destinées à l’alimentation des animaux.

La luzerne est l’une des cultures les plus drainantes de la Californie. Pas celle qui va dans les sandwichs des comptoirs d’aliments naturels, mais celle qui pousse pour nourrir les animaux qui seront ensuite découpés en côtelettes et rôtis. Une autre exportation agricole qui coûte cher au réseau d’eau californien.

« Beaucoup d’économistes le disent : on tient compte uniquement de la valeur marchande des produits sans calculer leur coût écologique », dit Frédéric Lasserre. La Californie ne se trouverait pas devant une telle situation si elle n’était pas si tournée vers l’exportation, explique le géographe.

« Dans les années 30, on a mis en valeur le secteur agricole californien, largement appuyé par l’État, parce que les conditions étaient parfaites. Aujourd’hui, 80 % de l’eau de la Californie est utilisée pour l’agriculture. »

LE QUÉBEC

La situation est très différente au Québec. Ce qui explique peut-être que le concept d’empreinte eau est beaucoup moins connu du public, croient de nombreux spécialistes.

« On génère une empreinte eau au Québec, mais c’est par tout ce que l’on consomme qui a été produit à l’extérieur », explique Anne-Marie Boulay. La chercheuse note tout de même cette nuance, qui complique la donne : « Une viande québécoise qui proviendrait d’un animal nourri avec des céréales des Prairies, irriguées en été, aurait une empreinte eau non négligeable. »

« Au Québec, notre plus grande empreinte eau vient des vêtements que nous portons, des aliments que nous mangeons et de l’énergie que nous utilisons, même pour conduire nos voitures. »

— Anne-Marie Boulay, chercheuse postdoctorale au CIRAIG de Polytechnique Montréal

« Les gens au Québec pensent que l’empreinte eau, ce n’est pas grave parce qu’ici, on a de l’eau, dit-elle. En fait, on crée des problèmes ailleurs. Dans le réseau dans lequel on vit, on ne peut pas se permettre de faire ça. »

En 2012, les Éleveurs de porcs du Québec se sont intéressés à leur empreinte eau. L’analyse complète du cycle de vie de leurs activités a révélé que la production porcine d’ici consomme beaucoup moins d’eau que la moyenne mondiale. L’étude a aussi noté que c’est la production de grains et la fabrication de moulée pour l’alimentation des cochons qui demandent le plus d’eau, avec 59 % de la consommation totale d’eau pour la production de la viande de porc. 

ET LA DOUCHE ?

L’utilisation d’eau au quotidien, à la maison, compte pour 10 % de la consommation hydrique. Nos choix alimentaires ont donc un impact beaucoup plus important sur notre consommation d’eau que notre décision d’utiliser une toilette à deux débits ou de prendre des douches moins longues.

L’ÉTIQUETTE ÉCOLOGIQUE 

Comment fournir aux consommateurs une information claire sur les empreintes écologiques des produits qu’ils achètent ? Tout simplement en apposant une petite étiquette sur leurs emballages. L’étiquetage environnemental permet de communiquer simplement une information si complexe, explique Anne-Marie Boulay, du CIRAIG. La chercheuse précise que l’Union européenne est en train de mettre au point une telle étiquette qui contiendrait certainement les empreintes eau et carbone des produits, y compris les aliments.

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