Le masque pour tous ?

Des études démontrent que de porter un masque, même artisanal, peut réduire la transmission de la COVID-19. Le Canada recommande désormais à ses citoyens d'adopter cette pratique, mais Québec redoute un relâchement des autres mesures de lutte contre la pandémie. Le premier ministre Legault, pour sa part, se dit encouragé par la progression des hospitalisations qui semble faiblir.

Port du masque étendu à la population

Pas une panacée, mais un atout

Le Canada et les États-Unis recommandent maintenant le port du masque non médical à leurs citoyens lors de leurs déplacements à l’épicerie ou dans les transports en commun. À l’instar de l’Organisation mondiale de la santé, le Québec ne le suggère toujours pas, craignant que cela amène les gens à baisser la garde sur les autres mesures de sécurité. Des études tendent pourtant à démontrer l’efficacité des masques, même quand ils sont artisanaux.

Sortie prendre l’air dimanche, Anne Gatignol est rentrée plus ulcérée que revigorée.

Une file compacte attendait notamment de pouvoir acheter un cornet devant un marchand de crème glacée de son quartier montréalais, faisant fi de la distanciation sociale de mise, a observé cette professeure et virologue de l’Université McGill.

« Un masque de procédure, un masque en tissu fait maison ou une écharpe sur le nez peuvent tous bloquer une grande partie des gouttelettes, souligne-t-elle. J’avais mon masque, mais des 100 à 200 personnes rencontrées sur mon trajet, j’en ai uniquement croisé quatre ou cinq qui en portaient un. »

Si tous s’entendent sur le fait que les masques médicaux doivent impérativement être réservés au personnel médical et aux malades, le débat demeure entier sur la pertinence ou pas de recommander le port d’un masque artisanal dans des lieux fermés comme les épiceries ou les pharmacies.

Après avoir affirmé pendant plusieurs semaines que le masque non médical n’était pas nécessaire, estimant en janvier que cela pouvait même comporter des risques pour les personnes qui en portent, la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a changé son fusil d’épaule.

Soulignant que les connaissances scientifiques évoluent au sujet du nouveau coronavirus, la Dre Tam a indiqué lundi que la nouvelle recommandation du port de masques non médicaux vise à éviter que les personnes asymptomatiques propagent le virus lors de leurs déplacements à l’épicerie ou dans les transports en commun.

Elle a par ailleurs répété que l’utilisation de masques médicaux doit être réservée strictement aux travailleurs du monde hospitalier.

Statu quo au Québec

Au Québec, le gouvernement ne le recommande toujours pas franchement.

Selon le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique de la province, si le masque « peut devenir un instrument pour ceux qui sont malades », il risque à son avis de donner un faux sentiment de sécurité aux Québécois. Il redoute qu’il y ait relâchement et que la population cesse à tort de se laver fréquemment les mains et de pratiquer la distanciation sociale.

Les gens risquent de penser « qu’ils sont bien protégés avec un masque fait à la maison [alors] qu’il doit être ajusté au visage, bien tenu, porté à la bonne place […] et lavé régulièrement », a prévenu le Dr Arruda.

La semaine dernière, les Centers for Disease Control – autorité de santé publique aux États-Unis – ont recommandé que tous les Américains portent désormais un masque lorsqu’ils se trouvent dans des endroits fermés.

En France, l’Académie de médecine recommande pour sa part depuis vendredi le port généralisé du masque, comme l’avaient fait avant elle plusieurs provinces chinoises.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, a quant à lui déclaré lundi que les masques seuls « ne sont pas la solution miracle » et que leur usage généralisé dans la population n’est justifié qu’en cas d’accès limité à l’eau pour se laver les mains ou lorsque la distanciation physique est difficile.

L’Autriche, qui est le premier pays européen à avoir annoncé un déconfinement à partir de la semaine prochaine, exigera qu’un masque soit porté dans les supermarchés, les pharmacies et les transports publics.

Que dit la science ?

La lutte contre la COVID-19 étant toute récente – on construit l’avion tout en le faisant voler, selon la formule désormais consacrée que répètent les scientifiques –, on en sait encore très peu sur l’effet des masques sur ce virus précis.

La revue Nature a cependant publié vendredi une étude selon laquelle les masques chirurgicaux (l’étude ne portait que sur ces masques, moins étanches que les N95) portés par des personnes malades protégeraient effectivement les autres personnes.

L’étude a été réalisée à Hong Kong entre 2013 et 2016 auprès de patients atteints de divers virus respiratoires, y compris de coronavirus (autres que la COVID-19, qui n’était pas encore d’actualité).

Pour les fins de l'expérience, 122 personnes se sont fait demander de ne pas porter de masque, et les 124 autres se sont fait demander d’en porter un. Leur respiration a ensuite été analysée en laboratoire pour déterminer à quel point elle exhalait le virus avec et sans masque chirurgical, que ce soit sous forme de gouttelettes respiratoires ou sous forme aérosol.

Pour les 17 personnes atteintes d’un coronavirus et qui portaient un masque, la fréquence des gouttelettes émises est passée de 30 % (sans masque) à 0 % (avec masque).

Pour ce qui est des aérosols, le masque a fait passer le taux de 40 % à 0 %, a expliqué en entrevue l’un des auteurs de l’étude, le Dr Donald K. Milton.

Cela « a d’importantes implications dans le contrôle de la COVID-19 puisque cela suggère que les masques chirurgicaux peuvent être utilisés par des personnes malades pour réduire la transmission du virus », estiment les auteurs.

Le Dr Donald K. Milton estime que les spécialistes en maladies infectieuses qui ne recommandent pas le masque sont dans l’erreur, comme il l’a précisé à Science Daily.

Selon lui, trop de spécialistes ont tort de se fier à des études selon lesquelles les coronavirus ne se propageraient que par le contact avec de grosses gouttelettes propulsées par quelqu’un qui tousse ou éternue.

« Notre étude démontre au contraire que de toutes petites gouttelettes, y compris celles projetées sous forme d’aérosol, peuvent se transmettre dans l’air. Cela signifie qu’il est possible de contracter la COVID-19 simplement en respirant près de quelqu’un qui en est atteint, qu’il soit ou non symptomatique. »

Le Dr Milton ajoute cependant qu’à son avis, certaines mesures peuvent être plus efficaces encore que le masque, notamment une ventilation plus efficace de lieux publics comme les épiceries.

Une autre étude, réalisée par Anna Davies et ses collaborateurs et publiée en 2013 aux Presses de l’Université de Cambridge, s’est aussi penchée sur l’efficacité des masques chirurgicaux, mais aussi des masques artisanaux. Résultat : « Les deux types de masques réduisent de façon significative l’émission de micro-organismes, bien que les masques chirurgicaux soient trois fois plus efficaces en ce sens ».

En conclusion, les chercheurs de cette étude écrivaient que « les masques artisanaux doivent être utilisés en dernier recours pour éviter d’être infecté par des personnes atteintes, mais ils sont préférables à aucune protection du tout ».

Des spécialistes montent au front

Certains spécialistes tiennent de plus en plus à dire qu’ils jugent très important le port du masque en milieu clos. Outre Anne Gatignol, le Dr Paul Saba, qui est médecin de famille, a publié un communiqué dimanche pour dire que « les couvre-visages personnels sauvent des vies. Les autorités sanitaires canadiennes doivent exhorter les citoyens à en porter ».

Certes, insiste-t-il en entrevue, les masques médicaux doivent impérativement être réservés au personnel soignant. Et on aurait tort de croire qu’on est protégé par un masque : le masque protège les autres, mais pas soi-même.

Le couvre-visage artisanal doit donc être recommandé, selon lui, mais impérativement en combinaison avec l’éloignement social, le lavage des mains et le nettoyage des surfaces, notamment.

En Europe, des scientifiques et des membres du personnel de la santé ont lancé une pétition – signée lundi par quelque 110 experts – pour faire la promotion des masques individuels pour tous. « Il faut un tournant dans la communication officielle sur les masques », dit le texte.

L'énoncé invite également la population à fabriquer plusieurs masques en tissu et à les distribuer. « Ne portez pas le même plus de deux à trois heures et lavez-les après chaque utilisation s’ils sont en tissu. Portez des lunettes, car les yeux sont une porte d’entrée pour le virus ».

— Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse

COVID-19

legauLt évoque une « lumière au bout du tunnel »

Même si les décès sont en forte hausse, dépassant le cap des 100 morts, François Legault perçoit une « lumière au bout du tunnel » avec une progression des hospitalisations qui semble faiblir. Le manque d’inhalothérapeutes l’inquiète toutefois, et il n’exclut pas de faire appel aux vétérinaires pour opérer les respirateurs. Et message aux femmes enceintes : vous n’accoucherez pas seules. Compte rendu.

Plus de morts, moins d’hospitalisations

Le Québec a franchi lundi le cap symbolique des 100 morts avec 27 nouvelles victimes de la COVID-19 en 24 dernières heures, portant le bilan à 121 morts depuis le début de la pandémie. Le nombre de cas déclarés a également bondi de 638 pour atteindre 8580. Mais le premier ministre François Legault voit un signal « encourageant » au chapitre du nombre de personnes hospitalisées, qui a fait un saut timide de huit pour se fixer à 533, dont 164 patients aux soins intensifs (+ 10). 

« C’est toute une bonne nouvelle. […] C’est encourageant. Évidemment, c’est une [seule] journée, mais ce que ça veut dire, c’est que si on avait quelques journées comme ça, on pourrait se dire qu’on approche du sommet et donc qu’on s’approche de la vie normale », s’est prudemment réjoui le premier ministre. En anglais, M. Legault a évoqué « une lumière au bout du tunnel », tout en rappelant qu’il était primordial de « ne pas relâcher les mesures » en place.

Les réserves s’améliorent

Il y a quelques jours, Québec estimait avoir suffisamment de matériel médical pour tenir une semaine ; le gouvernement Legault respire maintenant un peu mieux, après la réception samedi d’une commande en provenance du Mexique. Pour trois des quatre accessoires les plus névralgiques – gants, masques N95 et masques de procédure –, on confirme disposer de réserves de 10 à 14 jours. Pour les blouses, le réseau n’en aurait encore que pour six jours. 

« On est en train de regarder la possibilité d’utiliser davantage de blouses lavables », a souligné M. Legault. Le premier ministre, qui dit faire le point quotidiennement sur la question d’un approvisionnement local, estime qu’il faudra encore « quelques semaines pour arriver » à une production québécoise de matériel médical. La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, assure par ailleurs qu’on dresse actuellement l’inventaire des médicaments prioritaires pour faire une « commande importante » pour le Québec.

Disponibilité du matériel

Gants : 14 jours

Masques N95 : 13 jours

Masques de procédure : 10 jours

Blouses : 6 jours

Message aux futures mamans

Le premier ministre a tenu à rassurer les futures mamans du Québec inquiétées par la décision de l’Hôpital général juif de Montréal d’exclure les accompagnateurs des salles d’accouchement. Cette règle avait été instaurée après que le conjoint d’une femme, atteint de la COVID-19, eut exposé le personnel soignant au virus. 

« À l’Hôpital général juif, il y a beaucoup de cas de COVID-19, donc il y a des bonnes raisons pour mettre cette règle », a nuancé M. Legault. « Mais je veux être très clair : il n’y a aucune intention du gouvernement d’étendre ces interdictions dans les autres hôpitaux. Donc je veux rassurer toutes les femmes qui sont enceintes. À part à l’Hôpital général juif, vous allez pouvoir amener votre conjoint avec vous lors de l’accouchement. » 

Le gouvernement tente par ailleurs d’accommoder les femmes qui devaient accoucher dans cet établissement et qui souhaitent maintenant le faire ailleurs. Une pétition pour ne pas accoucher seule avait récolté déjà quelque 90 000 signatures. L’Hôpital général juif est un centre désigné pour l’hospitalisation des cas confirmés.

Appel aux vétérinaires

François Legault se réjouit que le Québec puisse compter sur une quantité suffisante de respirateurs (3000) qui lui permettrait de passer au travers du scénario le plus pessimiste en matière d’hospitalisations aux soins intensifs. Mais le défi serait d’avoir assez d’inhalothérapeutes pour les faire fonctionner. « On est très créatifs actuellement pour être prêts au pire », a laissé savoir le premier ministre, expliquant qu’il n’est pas exclu de faire appel aux vétérinaires habilités à faire fonctionner les respirateurs. 

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec a confirmé avoir eu « des discussions exploratoires » avec le ministère de la Santé et des Services sociaux à ce sujet. « Nous, comme ordre, on va collaborer. Et je suis certaine qu’il y aurait une mobilisation chez nos membres », a affirmé la présidente, la Dre Caroline Kilsdonk, qui soutient que certains vétérinaires sont déjà « très à l’aise » d’opérer des respirateurs. « Mais chose certaine, ça devrait être fait sur une base volontaire », dit-elle.

Les projections bientôt révélées

C’est ce mardi que Québec révélera « quelques scénarios » les plus probables de la transmission de la COVID-19, comme l’a fait la semaine dernière l’Ontario. Réticent depuis le début de la crise à rendre publiques certaines projections, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, n’a pas caché lundi que ce n’est pas de gaieté de cœur que les scientifiques ont produit les scénarios qui seront dévoilés. 

« Quand on parle à nos experts, personne n’a le goût de présenter des scénarios. Je le dis honnêtement, au-delà du 30 avril, il n’y a personne qui veut jouer à JoJo Savard. […] C’est compliqué, les scénarios, a-t-il prévenu. Je peux juste vous dire, [le mot scénario], ça rime avec Horacio, mais si je pouvais, je m’en passerais. » 

Ce à quoi le premier ministre a voulu ajouter : « C’est l’équipe du Dr Arruda qui va faire les scénarios. Moi, mon seul travail, c’est de les pousser pour que toute l’information soit là, même celle qui n’est pas facile à donner. »

Reprise des interventions chirurgicales

Depuis lundi, le ministère de la Santé a autorisé la reprise d’interventions chirurgicales « semi-urgentes » dans l’ensemble du réseau québécois, notamment en oncologie. Chaque cas sera évalué « de façon très rigoureuse », a indiqué Danielle McCann. Par exemple, les opérations qui n’ont pas besoin de suivi aux soins intensifs seront « privilégiées ». 

On ne fera pas non plus d’opération qui dure « sept ou huit heures », a-t-elle précisé. Pour une femme qui a un cancer du sein, on va évidemment faire la lumpectomie, mais pas nécessairement la reconstruction, a illustré la ministre. La semaine dernière, Mme McCann indiquait que l’amélioration des stocks de masques N95 et l’état de la banque de sang permettaient, entre autres, de procéder à certaines opérations malgré la pandémie.

Avantage aux grandes surfaces ?

M. Legault a admis que de plus petites entreprises « se sentent un peu lésées » puisque des magasins à grande surface  – qui sont ouverts à titre de commerces essentiels puisqu’ils vendent des produits d’alimentation – vendent également d’autres produits non essentiels. « Je comprends que ça ne paraît pas juste », a indiqué M. Legault. Mais il a dit appuyer sa décision sur « la balance des inconvénients » alors que les Québécois sont nombreux à tirer avantage de la situation. « Je penche du côté des consommateurs », a-t-il dit, rappelant que la fermeture des commerces non essentiels est temporaire. 

À ce sujet, il ne ferme pas la porte à bonifier la liste des commerces jugés essentiels, avec l’accord du Dr Arruda, lorsque le sommet de la courbe de propagation du virus sera derrière nous. Le Parti québécois réclame notamment la fermeture immédiate des sections non prioritaires des magasins à grande surface.

— Avec Ariane Lacoursière, La Presse

COVID-19

Les travailleurs étrangers temporaires passeraient leur quarantaine à l’hôtel

Ottawa — Le gouvernement Trudeau jongle avec l’idée d’héberger les travailleurs étrangers temporaires dans les hôtels situés à proximité de l’un des quatre aéroports internationaux où peuvent toujours atterrir les vols commerciaux en provenance de l’étranger. Il souhaite ainsi s’assurer que soit respectée la période d’isolement obligatoire de 14 jours dès leur arrivée au pays.

Selon des informations obtenues par La Presse, cette option fait partie d’une série de mesures envisagées par le Cabinet fédéral afin de répondre aux demandes de certaines provinces, dont la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, ainsi que de l’Union des producteurs agricoles, qui souhaitent qu’Ottawa s’occupe de la période de confinement obligatoire des travailleurs temporaires dès qu’ils foulent le sol canadien si les entreprises agricoles ne peuvent s’en charger elles-mêmes.

Dimanche, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué son intention d’annoncer de nouvelles mesures au cours « des prochains jours et des prochaines semaines » afin de s’assurer que les producteurs agricoles, l’industrie des pêches et le secteur de la transformation alimentaire, entre autres, puissent retrouver la main-d’œuvre étrangère qui revient chaque année pour mener à bien leurs activités.

Bon an, mal an, plus de 40 000 travailleurs étrangers temporaires, originaires du Mexique, du Guatemala et d’autres pays d’Amérique latine, débarquent au Canada afin d’occuper un emploi au sein d’entreprises agricoles. Leur nombre frise les 16 000 au Québec, et 2500 dans les provinces atlantiques.

« Nous reconnaissons que c’est extrêmement important pour nos agriculteurs qui travaillent si fort, mais aussi l’industrie des pêches, par exemple, d’avoir des travailleurs temporaires pour aider pendant la saison de la semence jusqu’à la récolte. Nous avons besoin d’accueillir des travailleurs de l’étranger pour faire ce travail, comme ils le font chaque année, et nous allons nous assurer que ces gens-là [soient] isolés avant de commencer à travailler sur les fermes à travers le pays », a déclaré M. Trudeau dimanche.

qui paiera la facture ?

Pour l’heure, la question qui demeure entière est de savoir qui, du gouvernement fédéral ou des entreprises elles-mêmes, paiera la facture pour loger les travailleurs temporaires.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, par exemple, estime qu’Ottawa doit assumer l’essentiel de cette facture, étant donné qu’il détient une marge de manœuvre financière enviable. Certaines entreprises seraient prêtes à assumer une partie des coûts.

« Les entreprises doivent tout de même avoir une responsabilité de payer une partie des coûts. »

— Une source fédérale bien au fait du dossier

La Presse a accordé l’anonymat à cette source parce qu’elle n’était pas autorisée à parler du dossier publiquement.

Dans les coulisses à Ottawa, l’autre facteur qui alimente les discussions est de savoir dans quelle mesure les Canadiens qui ont perdu leur emploi à cause de la pandémie de COVID-19 accepteront d’effectuer du travail pour l’une des entreprises qui embauchent des travailleurs étrangers pour une période pouvant atteindre six mois.

« Il y a beaucoup de gens, dont beaucoup de jeunes, qui ne savent pas quels emplois ils vont avoir cet été, et qui seraient peut-être intéressés à aider sur une ferme, à aider à nourrir notre pays et à faire le travail qui est si important. Et j’espère qu’on va pouvoir voir des façons ensemble d’aider nos agriculteurs et de continuer à bien nourrir le Canada », a indiqué M. Trudeau dans sa conférence de presse quotidienne de dimanche.

Selon nos informations, un premier vol nolisé transportant des travailleurs temporaires du Guatemala devrait arriver au pays le 13 avril. À compter du 14 avril et jusqu’au 23 avril, un vol quotidien transportant 270 travailleurs mexicains devrait atterrir à Montréal. Pour le moment, il est prévu que ces travailleurs s’isolent pendant 14 jours dans les logements qu’ils occupent dans les fermes où ils travaillent.

« Ce serait l'idéal »

Joint par La Presse lundi, le président de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau, se réjouit de voir que le gouvernement Trudeau n’écarte pas l’idée d’exiger que les travailleurs étrangers passent leur quarantaine dans les hôtels près des aéroports, qui sont essentiellement vides en ce moment.

« Si on pouvait loger les travailleurs à l’hôtel, on réglerait beaucoup de problèmes. Ce serait l’idéal. Ce serait plus sécuritaire pour tout le monde », a indiqué M. Groleau, qui a d’ailleurs soumis lui-même cette idée à la ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau.

« Les employeurs commencent à être pas mal inquiets. Normalement, les travailleurs étrangers arrivent au début d’avril. Là, les premiers travailleurs vont arriver à la mi-avril et ils doivent observer une quarantaine et être rémunérés pendant cette période. »

— Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles

« Nous comprenons que c’est nécessaire, mais c’est une embûche financière supplémentaire. On doit s’attendre à ce que beaucoup de producteurs vont laisser tomber la production cette année », a-t-il ajouté.

Selon la présidente et directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, Sylvie Cloutier, ce dossier est la priorité des membres de son organisation. Elle a souligné que sans l’apport des travailleurs étrangers temporaires, il sera impossible d’assurer la récolte et la transformation des produits agricoles au Québec.

Ces travailleurs constituent une main-d’œuvre importante parce qu’elle est fiable et dispose de la formation requise. Elle a souligné que l’option d’embaucher des gens qui ont récemment perdu leur emploi peut être intéressante à certains égards, mais elle représente un risque, car ils pourraient quitter leur poste dans un ou deux mois, une fois que la crise sera passée. « Il faudrait que ces gens s’engagent pour un minimum de six mois. Nous avons besoin de ces travailleurs pour la durée des travaux, qui se terminent en septembre ou en octobre pour la transformation. »

COVID-19

L’entreprise 3M pourra exporter des masques N95 au Canada

L’entreprise américaine 3M, qui fabrique des masques N95, pourra reprendre ses exportations au Canada et en Amérique latine en vertu d’une entente conclue avec l’administration Trump. En contrepartie, le fabricant devra fournir des centaines de millions de masques aux États-Unis.

« La saga 3M se termine très bien », a déclaré Donald Trump lors d’un point de presse, lundi soir. « Nous sommes très fiers maintenant de faire affaire avec 3M. »

Le fabricant 3M s’est engagé avec la Maison-Blanche, lundi, à importer aux États-Unis 166,5 millions de masques N95 au cours des trois prochains mois. Ces masques seront fabriqués en Chine à l’usine de 3M et ils s’ajouteront aux 35 millions que l’entreprise produit déjà chaque mois sur le sol américain.

« 3M et l’administration [Trump] ont travaillé ensemble pour s’assurer que ce plan ne crée pas de nouvelles implications humanitaires pour les pays qui luttent actuellement contre l’épidémie de COVID-19, et se sont engagés à collaborer davantage pour lutter contre la hausse des prix et la contrefaçon. »

— Le géant 3M dans un communiqué publié lundi soir

Par ailleurs, la Maison-Blanche est revenue sur sa décision d’interdire l’exportation de masques N95 à l’étranger et s’est engagée à éliminer les restrictions d’exportation imposées à 3M la semaine dernière.

« Le plan permettra également à 3M de continuer à envoyer des masques fabriqués aux États-Unis vers le Canada et l’Amérique latine, où 3M est la principale source d’approvisionnement », peut-on lire dans le communiqué.

Trump a qualifié l’entente « d’accord à l’amiable ».

Intervention de Washington

Jeudi dernier, Donald Trump avait annoncé sur Twitter qu’il avait « frappé 3M durement après avoir vu ce que [l'entreprise] faisait avec ses masques » et qu’il avait eu recours au Defence Production Act – une loi datant de la guerre de Corée – pour forcer 3M à fabriquer davantage de masques.

Le lendemain, la multinationale a confirmé que la Maison-Blanche lui interdisait désormais d’exporter des masques N95 au nord et au sud de la frontière, mais a exprimé son désaccord en raison « des implications humanitaires importantes » qui en découlaient.

Justin Trudeau avait déclaré que Washington faisait une erreur : « Il y a des produits médicaux qui vont dans les deux sens à travers notre frontière et ce serait une erreur pour nos pays d’en limiter l’accès », avait-il soulevé, tout en restant prudent sur les actions qui seraient prises par Ottawa, le cas échéant.

Depuis janvier, 3M a doublé sa production mondiale de masques N95, fabriquant actuellement à un rythme de 1,1 milliard d’unités par année, dont 35 millions par mois, aux États-Unis seulement.

« Étant donné que la demande de masques dépasse l’offre, nous travaillons sans relâche pour étendre notre capacité, tout en établissant des priorités et en réorientant nos approvisionnements pour desservir les zones les plus critiques », a déclaré le président-directeur général de 3M, Mike Roman, au terme de l’entente conclue avec l’administration de Donald Trump.

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