Deux millions de Canadiens risquent d’être privés de prestations

Il est minuit moins une. Deux millions de Canadiens qui n’ont toujours pas envoyé leur déclaration de revenus au fisc risquent de perdre les précieuses prestations qui les aident à joindre les deux bouts.

Dans une entrevue exclusive à la presse francophone, l’Agence du revenu du Canada (ARC) m’a expliqué que 13 % des contribuables qui touchaient le crédit de TPS et l’Allocation canadienne pour enfant (ACE) n’avaient pas encore fait leurs impôts, en date du 1er juillet.

Or, sans déclaration, pas de prestations, car le gouvernement se fonde sur les revenus de l’année précédente pour établir ces versements qui changent grandement la donne dans la vie des ménages, en particulier chez les plus démunis.

Le crédit de TPS est un montant non imposable versé tous les trimestres aux personnes de 19 ans et plus à revenus modestes. Pour vous donner une idée, un couple avec deux enfants gagnant moins de 38 500 $ peut obtenir un montant annuel maximal de 902 $, selon le Guide des mesures fiscales de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

De son côté, l’ACE aide la vaste majorité des familles canadiennes à assurer l’instruction des enfants. Le montant non imposable versé mensuellement est calculé en fonction du nombre d’enfants, de leur âge et du revenu familial. Par exemple, une mère seule avec un enfant de 6 ans et moins obtiendra 6765 $ par année si ses revenus sont inférieurs à 31 700 $.

On parle donc de gros sous qui pourraient disparaître.

Normalement, le fédéral ajuste le montant des prestations le 1er juillet à partir des données de l’année d’imposition précédente. Mais cette année, le gouvernement a prolongé le versement des prestations pour trois mois (juillet, août et septembre) en se fondant sur les revenus de l’année d’imposition 2018.

Avec cet assouplissement exceptionnel, le gouvernement voulait éviter que des ménages soient privés de leurs prestations parce qu’ils n’avaient pas encore fait leurs impôts. Il faut dire que la date limite de production de la déclaration de revenus avait été reportée du 30 avril au 1er juin.

Sauf que les contribuables peuvent attendre jusqu’au 1er septembre pour payer leur facture d’impôt, sans pénalité. Cela a peut-être semé la confusion dans l’esprit de certains. « Il est possible que les gens attendent à ce moment-là pour produire leur déclaration », avance Élise Alarie, directrice à l’ARC.

D’autres contribuables sont peut-être en retard à cause des règles de distanciation physique. « Les organismes communautaires du programme des bénévoles ont reporté leur comptoir en mars et en avril », explique Mme Alarie. Bon an, mal an, ces comptoirs aident 740 000 personnes à faibles revenus à remplir leur déclaration.

Mais les retardataires n’ont plus de temps à perdre. L’ARC vient de leur envoyer un rappel, par la poste ou par courrier électronique.

Les contribuables dont la déclaration n’aura pas été cotisée AVANT le 1er septembre perdront leurs prestations à compter d’octobre et devront même rembourser les montants versés depuis juillet. N’attendez pas à la dernière seconde, car l’ARC peut mettre jusqu’à une semaine pour traiter les déclarations envoyées électroniquement et davantage pour celles expédiées manuellement.

Les contribuables pourraient aussi perdre différentes prestations versées par Québec dont le versement a aussi été maintenu temporairement en raison de la COVID-19.

Par exemple, Retraite Québec, qui administre l’Allocation famille, a prolongé de trois mois les versements de 78 285 personnes qui n’avaient pas rempli leur déclaration à la date prévue. Ce programme, dont bénéficient toutes les familles du Québec, verse annuellement entre 1000 $ et 2515 $ par enfant, selon les revenus familiaux.

Aussi, 280 000 ménages qui n’avaient pas transmis leur déclaration ont continué de toucher le crédit d’impôt pour solidarité pour juillet, août et septembre, m’a indiqué Revenu Québec.

Près de 3 millions de contribuables à faibles ou moyens revenus reçoivent ce crédit d’impôt remboursable qui peut représenter jusqu’à 1539 $ par année pour une famille de deux enfants gagnant moins de 35 400 $.

Mais à compter d’octobre, exit l’Allocation famille et le crédit pour solidarité pour ceux qui n’ont pas fait leurs impôts. Combien sont-ils ? « Nous ne sommes pas en mesure de déterminer avec certitude le nombre de particuliers qui n’ont pas encore transmis leur déclaration de revenus », m’a répondu Martin Croteau, porte-parole de Revenu Québec. Mais le fisc, qui traite environ 6,7 millions de déclarations par année, en a reçu 138 500 de moins que l’année dernière à pareille date.

Cela dit, Revenu Québec a donné plus de lest aux aînés qui reçoivent le crédit d’impôt pour maintien à domicile.

« Un prestataire qui n’a pas été en mesure de produire sa déclaration de revenus 2019, ni de soumettre une demande de renouvellement de versements anticipés, continue de recevoir les sommes qu’il recevait préalablement. Cette mesure sera réévaluée en fonction de l’évolution de la situation », m’a indiqué M. Croteau, de Revenu Québec.

Quant au programme Allocation-logement, les demandes doivent normalement être soumises avant le 30 septembre. Mais cette date a été reportée au 1er décembre, et les versements ont été prolongés de deux mois.

Allez-y, faites donc les démarches tout de suite si vous ne voulez pas passer tout droit.

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