COVID-19

Quand les entreprises aident les communautés

L’aide aux plus vulnérables et aux gens en première ligne n’est pas venue que des gouvernements durant la pandémie. Des entreprises, grandes et moins grandes, ont tendu les bras aux organismes et aux communautés partout au Québec pour offrir de l’argent et du temps.

Les festivals au Québec font une pause cette année, paralysés par un virus qui fait des siennes depuis mars. Cascades a toutefois trouvé une nouvelle utilité aux unités mobiles renfermant des toilettes qu’elle prête habituellement aux organisateurs de grands évènements extérieurs. Au printemps et au début de l’été, les camionneurs ont pu les utiliser. « Quelqu’un chez nous a eu l’idée de les rendre disponibles à ces héros obscurs qui s’assurent que les épiceries opèrent, raconte Hugo D’Amours, vice-président, communications, affaires publiques et développement durable de Cascades. C’est compliqué, la vie de camionneur sur la route. »

Installées à Saint-Élie-d’Orford, aux abords de l’autoroute 10, et à Kingsey Falls, sur le site de Cascades, elles ont été adoptées instantanément. « Ce fut une façon pour nous de dire aux camionneurs qu’on apprécie leur travail », dit Hugo D’Amours.

Dès que la cloche du confinement a sonné, il y a cinq mois, Cascades a aussi trouvé des vocations nouvelles à ses papiers, cartons et plastiques. Elle les a métamorphosés en visières pour Bauer et Tristan. Elle a permis d’emballer des dizaines de milliers de repas et d’équipements médicaux en concevant en un temps record des boîtes pour La Tablée des chefs et le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. « On est une entreprise essentielle, note Hugo D’Amours. Ça nous fait prendre conscience du rôle qu’on joue dans la société. »

De nombreuses entreprises ont tendu leurs bras et ouvert davantage leurs coffres depuis mars. Les hautes directions autant que leurs employés ont été mis à contribution, répondant à des demandes ou mettant elles-mêmes en branle des projets. Et elles n’ont pas réfléchi longtemps pour faire preuve de générosité. « Tout s’est arrêté d’un coup, tout fut désorganisé et beaucoup d’entreprises souffrent, indique Pierre Pomerleau, PDG de Pomerleau. On est une industrie – la construction – moins touchée. Il fallait donner un coup supplémentaire. »

À son budget annuel de plusieurs millions destinés à de nombreux organismes, l’entreprise a rapidement ajouté 600 000 $, puisés en partie dans les avoirs personnels de Pierre Pomerleau et de son frère Francis. « Il y a une panique de beaucoup d’organismes, note le PDG. Ils font des demandes supplémentaires. »

Les petits, comme les banques alimentaires, ont très vite crié à l’aide quand tout s’est arrêté à l’orée du printemps. « Ils ont souvent moins de réserves et moins de donateurs », constate Debby Cordeiro, vice-présidente, marques et communications, de Pomerleau.

Salaires de PDG

Sous le slogan « L’amour est un service essentiel », Pomerleau va remettre les 600 000 $ et le fruit de sa traditionnelle virée à vélo, reconvertie en défi sportif virtuel (2,50 $ multipliés par le nombre de kilomètres parcourus par ses employés), à au moins 14 organismes communautaires au Canada (Médecins du monde, Banques alimentaires du Québec, Moisson Québec…). « Les entreprises du Québec sont généreuses et donnent depuis longtemps, dit Pierre Pomerleau. Chaque année, on participe à des collectes de fonds, des bals, des tournois et des évènements sportifs. »

L’engagement n’est pas nouveau non plus chez Telus, qui redonne dans les communautés où elle est présente depuis le début des années 2000. « Ce n’est pas une obligation, mais la crise renforce cette idée d’améliorer la condition des gens plus vulnérables », dit Marie-Christine D’Amours, vice-présidente solutions consommateurs et expérience client de Telus.

La Fondation Telus consacre 20 millions de dollars au système de santé, dont 1,3 million au Québec en fonds d’urgence par l’entremise de ses comités d’investissements communautaires pendant la pandémie. L’entreprise a aussi distribué 425 000 $ à des organismes communautaires. En gros, ses différents bureaux du Québec ont multiplié les initiatives, collectes de denrées, dons en argent et en matériel. Ils ont remis 11 000 tablettes à des aînés et à des patients isolés, par exemple. Quelque 170 000 $ ont été attribués pour fabriquer des écouvillons, nécessaires pour les tests de détection de la COVID-19. Une centaine d’hôpitaux, des centres pour aînés, des organismes pour femmes, des étudiants ont profité de la générosité de la direction et des employés de Telus. Le PDG, Darren Entwistle, a même remis l’équivalent de trois mois de salaire, par l’entremise de sa fondation familiale.

Outre l’arrêt de limites de forfaits cellulaires et internet, rapidement annoncé, comme chez ses concurrents, la direction de Telus dit s’être réinventée pour réagir rapidement aux demandes qui fusaient. Actif précieux, sa technologie lui a permis de mettre en place une façon de récolter des dons par ses employés à la maison pour le Téléthon Opération Enfant Soleil, en juin.

« On a recueilli un montant historique de plus de 17 millions. On est allés encore plus au-devant des organismes, car on savait que c’était une période difficile. »

— Marie-Christine D’Amours, vice-présidente solutions consommateurs et expérience client de Telus

La rapidité de mise

Ce qui caractérise, par ailleurs, tous ces gestes est la rapidité avec laquelle les demandes ont été acceptées, mises en place et concrétisées. Car l’attente n’était pas une option pour les patients, les aînés, le personnel de la santé et les gens vivant soudainement sous le seuil de la pauvreté. Des Cascades et Banque TD, par exemple, ont bougé en 24 heures après certaines demandes. « Tout le monde a dû revoir ses façons de faire, comment travailler, l’ensemble des gestes qu’on veut poser », dit Marie-Christine D’Amours.

« On a un comité Dons et commandites qui se réunit régulièrement pour analyser et traiter les demandes, ajoute Hugo D’Amours, de Cascades. Mais dans le contexte de la COVID-19, les choses se sont faites différemment et rapidement. On s’est adaptés aux besoins urgents et aux situations inusitées. »

Les entreprises ont mis la bureaucratie de côté. « Je suis ébahie de voir la demande de soutien, dit Sylvie Demers, présidente, direction du Québec de Groupe Banque TD. On reçoit des appels sans arrêt. Le fait d’être plus structurés nous aide dans notre approche. »

La TD qui, bon an, mal an, attribue 9 millions de dollars en dons et commandites à des fondations et organismes, n’a pas diminué ses versements, même si les évènements annuels, tels les bals, n’ont pas lieu. Les festivals ont aussi pu compter sur son appui.

« Les Centraide ne prennent pas de pause en pandémie. »

— Sylvie Demers, présidente, direction du Québec de Groupe Banque TD

« En fait, un don devient mieux qu’une table lors d’un bal, car il n’y a pas de dépense d’organisation d’évènement », souligne Sylvie Demers.

Près de 400 000 $ en dons d’urgence ont aussi été accordés par la TD. Par son défi Prêts à agir, l’institution s’est engagée à distribuer 10 millions de dollars à plus d’entreprises qui innovent, spécialement dans le contexte de la COVID-19, cette année. Les élues recevront des bourses de 350 000 $ à 1 million.

Des institutions bancaires concurrentes ont par ailleurs compris que l’union fait la force pour certaines activités, selon Sylvie Demers. « On est en compétition tous les jours pour avoir des clients, mais on aide ensemble, affirme-t-elle. On n’est pas toujours d’accord, mais en ce moment, ce n’est pas le temps ! Des choses sont exacerbées en pandémie. Ce serait très mal perçu de ne pas redonner. »

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