Analyse

Un résultat prévisible à un moment imprévu

La nouvelle cheffe du PLQ, Dominique Anglade, sera plus critique sur la gestion de la pandémie

QUÉBEC — Consacrée lundi première femme chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade haussera le ton. L’opposition libérale avait jusqu’ici modéré ses attaques. Avec Anglade, elle sera passablement plus critique à l’endroit de la stratégie du gouvernement Legault face à la crise de la COVID-19.

Cela devrait apparaître dès sa première période des questions virtuelle, mercredi. Il faut dire qu’au cours des derniers jours, avec les hésitations autour du déconfinement, le gouvernement Legault a davantage donné prise à la critique.

La victoire de Dominique Anglade dans la course pour la succession de Philippe Couillard était prévisible. Ce qui l’était moins, c’est la rapidité de cette consécration. Seul adversaire annoncé, Alexandre Cusson, ex-président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), a déclaré forfait lundi matin. 

À l’interne, au PLQ, on sentait que quelque chose ne tournait pas rond dans son organisation ; le comité qui appliquait les règles de la course avait demandé une réunion téléphonique aux organisateurs des deux camps, tôt la semaine dernière. La disponibilité d’Anglade avait été immédiate. Du côté de Cusson, on reportait sans cesse, jusqu’à un message, jeudi dernier : il faudrait attendre à lundi… C’est cette réponse qui est tombée lundi.

Sur sa page Facebook, M. Cusson explique qu’à cause de la pandémie, il lui apparaît « irréaliste et irresponsable » d’envisager que la course à la direction du PLQ se poursuive, « dans les prochaines semaines, voire avant 2021 ». Le PLQ, selon lui, « n’avait d’autre choix que d’annuler la course ».

Mais cette idée de mettre sur pause le duel qui l’opposait à Mme Anglade n’a pas eu beaucoup de succès ; en un peu plus de 30 minutes lundi matin, l’exécutif du parti a statué sans appel. Mme Anglade, seule candidate officiellement en lice, l’emportait. Personne dans la conférence téléphonique n’est intervenu pour relever que les arguments de M. Cusson devaient être au moins discutés.

Le caucus téléphonique des députés en après-midi a été tout aussi expéditif. Une formalité, histoire de bien marquer la nouvelle ère ; Mme Anglade n’avait manifestement pas prévu que les choses débouleraient aussi vite. Les deux appuis de M. Cusson au sein du caucus, Marwah Rizqy et Lise Thériault, ne sont pas intervenus. Dans les officines libérales, on sent très bien que depuis un bon moment déjà, Mme Anglade tenait des caucus parallèles avec la douzaine de députés qui l’appuient. Tous arrivent avec une position similaire à la réunion plénière.

Les messages ont été passés au chef par intérim, Pierre Arcand ; Patrice Ryan, un lobbyiste de Montréal, partisan de longue date de Mme Anglade, sera responsable de la transition. Charles Robert, qui s’occupait des médias pour Philippe Couillard, jouera le même rôle pour Mme Anglade. Les spéculations allaient bon train sur les postes d’officiers parlementaires. Qui sera leader parlementaire, qui sera whip ou président de caucus ? Il est bien possible que la nouvelle direction ne bouge rien avant l’été – il ne reste qu’un peu plus d’un mois à une session parlementaire qui, il faut le dire, ne suscite guère d’intérêt.

Sur sa page Facebook, M. Cusson explique que des impératifs financiers ont mené à sa décision. 

« N’étant pas indépendant de fortune comme la grande majorité des Québécois, il m’est impossible de passer plusieurs mois sans aucune rémunération. » 

— Alexandre Cusson, candidat démissionnaire à la direction du PLQ

Avant de briguer la direction libérale, M. Cusson était à la fois maire de Drummondville, préfet de sa MRC et président de l’UMQ.

Mais pour ceux qui suivent de près le PLQ, cette annonce de M. Cusson était une formalité. Déjà, son lancement de campagne avait été chaotique l’automne dernier. Après son lancement, un des piliers de son organisation, Sylvain Langis, apparaissait sur les réseaux sociaux pendant un long périple en Océanie.

Février était déjà avancé, et M. Cusson était encore à l’étape de se faire « briefer » sur les politiques sociales, alors que, théoriquement, il aurait dû déjà publier des prises de position détaillées sur bon nombre de sujets.

Le gouvernement Legault avait eu un bras de fer avec les municipalités sur son droit d’exproprier des terrains pour la construction d’école. En privé, Cusson avait promis d’écrire une position publique ; elle n’a jamais vu le jour. Médusés, bien des libéraux pensaient le voir se multiplier sur le terrain pendant la pandémie, pour distribuer des repas ou à tout le moins des encouragements à la porte des CHSLD. Il n’est apparu qu’une fois, sur Facebook, pour jouer du piano.

L’indice le plus clair de son absence est apparu lors d’une conférence téléphonique des présidents d’association du parti, il y a deux semaines. Alors que les interventions manifestement préparées par le clan Anglade se multipliaient pour réclamer qu’un chef soit choisi avant la rentrée de septembre, c’était le silence absolu dans le camp Cusson.

Première femme chef du PLQ, Dominique Anglade a jusqu’ici mené ses troupes d’une main ferme – un peu trop ferme au goût de certains. Nommée plutôt qu’élue, elle a vaincu sans péril. Triomphera-t-elle sans gloire ? Pour l’heure, l’atmosphère est passablement lourde dans les rangs libéraux. Son vrai test surviendra aux élections générales, à l’automne 2022.

Anglade promet d’avoir à cœur l’économie et l’environnement

Québec — Suspendue en raison de la COVID-19, la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) a pris une tournure inattendue lundi : la députée Dominique Anglade a été couronnée cheffe de la formation politique à la suite du désistement de son seul adversaire, l’ex-maire de Drummondville, Alexandre Cusson.

Devant le retrait surprise du candidat Cusson, le conseil exécutif du PLQ a été forcé de trancher de l’issue de la course à la direction. Unique candidate en lice, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne prend ainsi les commandes dès maintenant et relève le chef intérimaire Pierre Arcand, en poste depuis octobre 2018.

Dominique Anglade, qui partait néanmoins favorite avec l’appui d’une bonne douzaine de députés libéraux, devient la première femme de l’histoire à diriger le PLQ. « Je suis fière de devenir la première femme cheffe d’un parti qui a toujours été à l’avant-garde du progrès économique et social », a fait savoir Mme Anglade.

« Oui, l’économie et l’environnement seront au cœur de notre grand projet pour le Québec et nous serons aussi une opposition officielle forte, qui, en cette période de crise sanitaire, questionnera sans relâche le gouvernement et proposera des solutions au nom de tous les Québécois. »

— Dominique Anglade, dans un communiqué

Mme Anglade n’a pas offert d’entrevues lundi. Les détails de la transition entre la nouvelle cheffe et M. Arcand « sont en préparation » et seront connus « aussitôt que possible », a fait savoir le parti. Mais il est confirmé que Dominique Anglade brisera la glace dès mercredi alors que les travaux reprennent – à quorum réduit – à l’Assemblée nationale.

Plusieurs élus de l’Assemblée nationale ont félicité la nouvelle cheffe sur les réseaux sociaux, dont le premier ministre François Legault. 

CUSSON SE DÉSISTE

L’ex-président de l’Union des municipalités du Québec, Alexandre Cusson, a annoncé sur sa page Facebook qu’il renonçait à la course à la direction. La pandémie de COVID-19 n’est pas étrangère à sa décision, qui rendait « irréaliste et irresponsable » une reprise éventuelle de la course « dans les prochaines semaines, voire avant 2021 ».

« J’ai dû faire un choix déchirant. Je vous annonce donc que je ne serai plus de la course à la direction du PLQ lorsque le parti relancera cette dernière », a-t-il écrit.

Consultez la publication d’Alexandre Cusson

https://www.facebook.com/AlexandreCusson2020/photos/a.136207173252214/1339035186302734/?type=3

« Personnellement, ayant quitté mes fonctions et renoncé à toute rémunération pour participer à cette course, n’étant pas indépendant de fortune et devant gagner ma vie comme une grande majorité de Québécoises et de Québécois, ce délai n’est pas envisageable », ajoute celui qui a officialisé sa candidature au début de l’année.

À la mi-mars, Alexandre Cusson avait haussé le ton en réclamant que le PLQ suspende la course à la direction. Les candidats avaient cessé les évènements publics, mais Dominique Anglade poursuivait sa campagne de façon virtuelle. Le PLQ avait ensuite décidé de mettre la totalité de la campagne sur pause.

« Je demeure toujours convaincu que le PLQ est appelé à un nouveau départ et constitue un véhicule privilégié pour faire avancer le Québec au niveau de la transition écologique, du développement économique et social, de même que de la reconnaissance des spécificités régionales », a-t-il ajouté.

Alexandre Cusson comptait sur l’appui des députées libérales Lise Thériault et Marwah Rizqy, notamment. Avant la pandémie, le calendrier initial prévoyait que les militants du PLQ éliraient le successeur de Philippe Couillard le 31 mai prochain.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.