« Il va falloir construire un demi-Hydro-Québec »
Bécancour et Trois-Rivières — François Legault rêve de construire de nouveaux barrages hydroélectriques. Il promet de demander à Hydro-Québec d’évaluer comment lancer de tels chantiers et de construire, pour les besoins à court terme, des parcs éoliens d’une puissance de 3000 mégawatts. Deux engagements du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) qui se retrouvent déjà dans le plus récent plan stratégique de la société d’État.
Lors d’une allocution devant des gens d’affaires, mardi, M. Legault a estimé que les besoins croissants du Québec en électricité, qui s’expliquent par le virage électrique en matière de transport et par le virage vert des industries qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), justifient la construction de nouveaux barrages. À l’heure actuelle, il faut 15 ans pour en construire un.
« Juste pour vous donner un ordre de grandeur, Hydro-Québec produit par année 200 térawattheures d’électricité. Quand on regarde la liste [des projets des entreprises qui s’en viennent], on va avoir besoin de 100 térawattheures de plus. Il ne faut pas être comptable pour comprendre : ça veut dire qu’il va falloir construire un demi-Hydro-Québec dans les prochaines années. Ce n’est pas un petit mandat », a dit le chef de la CAQ.
En plus des nouveaux barrages, « un gouvernement de la CAQ demandera à Hydro-Québec de procéder à l’acquisition d’électricité et à la construction de parcs éoliens d’une puissance totale de 3000 MW », ont également annoncé les caquistes. François Legault avait annoncé la veille que ces projets représentaient, selon lui, le « chantier le plus important dans l’histoire du Québec ».
Or, ces engagements figurent déjà au plan stratégique 2022-2026 de la société d’État, déposé en mars dernier. Ce plan prévoit entre autres qu’Hydro-Québec élabore « d’ici 2026, avec des partenaires du milieu, un portefeuille de projets éoliens totalisant 3000 MW qui pourront être lancés dès la confirmation des besoins ».
Concernant de futurs barrages, il est également dit que « selon l’évolution de la demande, nous pourrions […] avoir besoin de nouvelles capacités de production hydroélectrique à l’avenir ».
« Pour nous préparer à cette éventualité, nous poursuivrons notre évaluation, de concert avec les collectivités locales et les communautés autochtones concernées, des sites qui présentent le meilleur potentiel de développement de capacité hydroélectrique », est-il écrit.
Où seraient construits les barrages ?
Lors d’une mêlée de presse, mardi, François Legault n’a pas expliqué où seraient construits les futurs barrages. Il a redirigé ces questions à la présidente-directrice générale de la société d’État, Sophie Brochu, qui n’était pas présente. Le chef caquiste a également confirmé que Mme Brochu avait été pressentie par son équipe pour être candidate lors de l’élection, une offre qu’elle a déclinée.
Dans tous les cas, le chef de la CAQ s’attend à recevoir de la PDG des propositions dans « les prochains mois » afin de lancer des chantiers.
M. Legault n’a pas annoncé quel est le coût projeté des constructions pour ces barrages. À titre d’exemple, le mégacomplexe hydroélectrique de la Romaine, sur la Côte-Nord, a un coût final estimé à 6,5 milliards.
Selon le candidat caquiste dans la circonscription de Terrebonne et ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, les gains qui doivent être faits en efficacité énergétique ne suffiront pas à combler la croissance de la demande en électricité.
« Il est prématuré de dire qu’on va lancer un barrage la semaine prochaine. Mais clairement, les besoins énergétiques sont tels qu’il faut tout regarder parce que juste faire des [gains en efficacité énergétique] ou de l’éolien, ce n’est probablement pas suffisant », a-t-il dit.
Les autre partis critiquent la vision caquiste
Le Parti libéral du Québec (PLQ) a misé sur la construction de barrages hydroélectriques au cours des dernières décennies. Le plus récent projet est la construction du complexe de la Romaine, lancée sous Jean Charest en 2009. Mais comme son prédécesseur Philippe Couillard, la cheffe libérale Dominique Anglade considère que c’est une solution dépassée.
« Quarante-sept pour cent de ce qu’on consomme au Québec sont des hydrocarbures. On ne pourra pas tout électrifier, a-t-elle plaidé. On ne sera pas en mesure de le faire d’un point de vue technologique. Il nous faut aller vers l’hydrogène vert », a-t-elle réagi mardi.
Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, accuse pour sa part François Legault de « pelleter le problème par en avant ».
« J’aimerais ça qu’on demande à M. Legault quelles rivières il veut harnacher pour faire ses nouveaux barrages. […] Je ne m’oppose pas à des barrages par principe parce que je n’aime pas ça. Ce que je vous dis, c’est que ce n’est pas nécessaire pour atteindre nos cibles de réduction de GES », a-t-il dit.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, ne ferme pas la porte à la construction de nouveaux grands ouvrages hydroélectriques, mais il estime qu’il faut d’abord s’assurer de tout faire en matière d’efficacité énergétique. Éric Duhaime, du Parti conservateur, demande quant à lui à connaître les rivières qui seraient harnachées pour construire des barrages.
— Avec Tommy Chouinard, Charles Lecavalier et Fanny Lévesque, La Presse
Tripler le nombre de bornes de recharge d’ici 2026
François Legault a aussi promis mardi de tripler d’ici 2026 le nombre de bornes de recharge pour les voitures électriques à travers le Québec et de doubler le nombre de bornes rapides. Il s’est aussi engagé à investir 40 millions dans la création d’un Centre intégré sur les batteries électriques pour stimuler la filière batterie et l’innovation. En matière de lutte contre les changements climatiques, le parti de François Legault a déterminé à ce jour la moitié de l’effort à faire afin d’atteindre la cible du Québec de réduire ses émissions de GES de 37,5 % sous le niveau de 1990 d’ici 2030. La CAQ estime qu’elle serait capable de chiffrer plus de 80 % des mesures d’ici la fin d’un potentiel second mandat.
— Hugo Pilon-Larose, La Presse