Témoignage vague sur le rôle de l’ex-maire de Terrebonne
Saint-Jérôme — L’ex-maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille a-t-il donné une « directive » aux hauts fonctionnaires pour favoriser deux firmes d’ingénierie dans l’attribution de contrats publics, comme le prétend la Couronne ? Un important témoin de la poursuite s’est montré vague à ce sujet hier, au troisième jour du procès pour corruption dans les affaires municipales et abus de confiance de Jean-Marc Robitaille et de trois coaccusés.
Le témoignage de l’ancien directeur général de Terrebonne de 2001 à 2014, Denis Lévesque, a à peine effleuré un élément pourtant central au procès. Selon le ministère public, le maire Robitaille a donné lui-même une « directive verbale » pour répartir les contrats entre deux firmes d’ingénierie sur le territoire de la nouvelle ville, fusionnée au début des années 2000. Il s’agit de la « pierre d’assise du système de corruption » en place à Terrebonne de 2000 à 2012, ajoute la Couronne.
Or, Denis Lévesque n’a parlé ni de « directive » ni de « consigne » dans son témoignage. Le haut fonctionnaire n’a mentionné qu’une seule discussion avec le maire Robitaille, « fin 2000, début 2001 », au sujet des firmes invitées à soumissionner par la Ville à la suite de la fusion municipale de Terrebonne, de Lachenaie et de La Plaine.
« Il m’a mentionné de continuer avec les mêmes firmes d’ingénieurs qui travaillaient déjà dans les villes », a dit M. Lévesque, sans donner plus d’informations sur les circonstances de cette demande. Les trois firmes étaient LBHA de feu Jean Leroux (accusé dans cette affaire), BPR Triax d’André Maisonneuve et NACEV d’Aurèle Théberge. Cette dernière firme a ensuite été achetée par LBHA.
« La directive venait d’en haut »
Deux autres témoins ont toutefois établi clairement l’existence d’une « directive » sur le partage de contrats. Le directeur du génie à cette époque, Marc Bouchard, a raconté mardi avoir reçu une « directive » de son supérieur Denis Lévesque pour confier tous les contrats de 25 000 à 100 000 $ à BPR Triax et à LBHA, selon le territoire. « Le directeur général m’a rencontré pour m’annoncer que, pour faire fonctionner la Ville pour les appels d’offres, on invitait les deux mêmes firmes pour le dossier sous invitation », a-t-il expliqué.
Jacques Dumas, ancien responsable de la planification des infrastructures au service du génie à Terrebonne, a appliqué pendant des années la « directive » de son supérieur Marc Bouchard d’inviter uniquement BPR Triax et LBHA aux appels d’offres par invitation. « C’était acquis. On savait que la directive venait d’en haut », a-t-il expliqué.
Beaucoup de cadeaux
Voyages de pêche, bouteilles de vin et séjours aux Îles-de-la-Madeleine : l’ancien directeur général de la Ville de Terrebonne Denis Lévesque a profité des largesses des entrepreneurs et des firmes qui faisaient affaire avec la municipalité dans les années 2000.
Le haut fonctionnaire a participé à trois voyages de pêche et à deux voyages en bateau aux Îles-de-la-Madeleine aux frais d’Aurèle Théberge, de la firme d’ingénierie NACEV, de 2005 à 2009. Chaque fois, le maire Robitaille et leur conjointe étaient présents, de même que les coaccusés Daniel Bélec et Normand Trudel à l’occasion.
Selon la théorie de la Couronne, Jean-Marc Robitaille a profité personnellement de nombreux avantages grâce à ce système de corruption. Les entrepreneurs Normand Trudel et Aurèle Théberge auraient payé des milliers de dollars pour l’agrandissement de son chalet. Son ex-chef de cabinet Daniel Bélec aurait reçu 200 000 $ en argent comptant de deux entrepreneurs, avance la poursuite.
Les autres accusés sont Daniel Bélec, Luc Papillon, ex-directeur général adjoint de la Ville, et l’entrepreneur Normand Trudel. Ils ont été arrêtés l’an dernier par l’Unité permanente anticorruption. Le procès se poursuit aujourd’hui au palais de justice de Saint-Jérôme.