Aménagement

Récupérer l’eau de pluie : pourquoi pas ?

Les précipitations annuelles qui tombent sur la toiture d’une maison québécoise moyenne sont suffisantes pour remplir 65 spas. Vous avez bien lu : il se déverse pas moins de 80 000 L d’eau chaque année sur les toits de nos maisons, affirme Marie-Claude Chevrette, présidente d’Éconeau, entreprise québécoise qui propose des systèmes pour récupérer toute cette eau qui prend normalement le chemin des égouts fluviaux.

« On a pensé à un tel le système parce qu’on a un jour manqué d’eau au chalet, se souvient la jeune entrepreneure de la région de Québec. On pensait donc au départ à aider les gens qui s’approvisionnent en eau potable à partir de puits artésiens et qui se retrouvaient avec de l’eau terreuse. »

Rapidement, Mme Chevrette s’est aperçue qu’un système de récupération de pluie pouvait aussi contribuer à assécher le contour de maisons construites sur un terrain trop bas par rapport au voisinage et qui se retrouve saturé d’eau en cas de précipitations soutenues.

Mais pour l’instant, c’est surtout le message écologique qui porte – c’est ce qui motive 85 % des clients résidentiels d’Éconeau. « C’est incroyable à quel point on utilise de l’eau l’été à l’extérieur, souligne de son côté Sara Finley, spécialiste de la gestion des eaux à Écohabitation. Pourtant, utiliser l’eau du ciel s’inscrit dans un cycle naturel pour le jardinage. L’eau s’accumule quand il pleut et on l’utilise quand c’est sec. Je me suis rendu compte que ces cycles sont vraiment bien liés. »

Récupérer l’eau de pluie est aussi très pertinent pour les commerces et les établissements, qui voient de plus en plus leur consommation mesurée par des compteurs d’eau. Depuis 2014, Éconeau a réalisé ses plus importants progrès auprès de cette clientèle – la Ville de Beloeil, par exemple, a fait appel à ses services en dotant son nouveau centre de loisirs d’un réservoir de 17 000 L qui alimente ses toilettes et son système d’irrigation.

Les propriétaires résidentiels composent dorénavant la moitié des clients de l’entreprise fondée en 2011 ; ils choisissent généralement des systèmes qui sont destinés à l’arrosage extérieur. Un réservoir de 1200 L est installé sous terre, à l’abri du gel. Il est approvisionné par des tuyaux enfouis et munis de filtres qui récoltent la pluie à la base des gouttières. L’eau est ensuite réacheminée vers un robinet extérieur grâce à une petite pompe électrique installée dans la maison. L’achat de l’équipement, évalué à 3500 $, de même que les travaux d’installation sont admissibles à un crédit d’impôt de 20 % en vertu du programme RénoVert. « Comme les villes permettent l’arrosage pendant des périodes bien précises, on peut arroser quand on veut avec un système de récupération d’eau de pluie, fait valoir Marie-Claude Chevrette. Avec 1200 L, on peut laver deux autos et arroser les plates-bandes et le jardin. »

Les toilettes aussi

Bien sûr, on peut très bien récupérer l’eau de pluie avec un simple baril acheté à l’épicerie ou en quincaillerie, mais on peut aussi aller un peu plus loin et se doter d’un réseau parallèle pour raccorder les toilettes de la maison. Pour ce faire, il faut toutefois filtrer l’eau encore un peu plus. « Le traitement dépend de l’usage, explique Sara Finley. Pour le jardin, il n’y a pas de traitement nécessaire, mais pour le reste, il existe des moyens faciles de filtrer l’eau. Les saletés entraînées dans les gouttières pendant les premières minutes de pluie – poussière, résidus d’excréments d’animaux et de feuilles mortes – peuvent être facilement enlevées, cela constitue 90 % des contaminants ciblés. On peut ainsi préserver l’état du baril, de la pompe et de la tuyauterie. »

Actuellement, l’utilisation de l’eau de pluie pour les toilettes est autorisée par les municipalités sur une base du cas par cas. Mais la prochaine version du Code national de la plomberie, prévue en 2020, devrait reconnaître l’existence des systèmes de récupération d’eau de pluie.

« On y trouvera notamment des repères sur la façon de respecter les exigences de base avec les bons équipements et une installation adéquate », explique Mme Finley, qui siège à la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, composée d’experts bénévoles qui participent à l’élaboration des codes nationaux. « Avec une mention dans le Code, ça va encourager les gens à penser aux systèmes de récupération d’eau de pluie, poursuit-elle. Pour l’instant, ce sont seulement les gens très motivés qui font le saut. On pense ainsi rejoindre monsieur et madame Tout-le-Monde, quoique ça pourrait être plus difficile au Québec parce que les gens pensent malheureusement qu’ils auront de l’eau jusqu’à la fin des temps… »

410 L

C’est la consommation résidentielle moyenne d’eau par jour, par personne, au Québec en 2010.

Source : Environnement Canada

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.