Prix hommage

Martin Scorsese à Québec

Le cinéaste américain réputé Martin Scorsese sera de passage à Québec afin de recevoir un prix en hommage pour sa carrière, à l’occasion du congrès mondial de la SIGNIS, association catholique mondiale pour la communication. Avant la remise de son prix, le 21 juin, l’assemblée aura droit à la projection du dernier film de Scorsese, Silence, suivi d’une discussion avec le public. — Le Soleil

Chronique

Des milliards et des clowns

Normalement, quand des producteurs de spectacle veulent améliorer leur rendement, ils se posent des questions d’ordre artistique. Est-ce que je fais les bons choix ? Mes spectacles sont-ils trop pointus ? Ai-je assez de vedettes ? Ma programmation fait-elle pépère ?

Mais jamais ils ne songeraient à exploiter en profondeur des données qui sont à portée de main, celles de la billetterie. Cet exercice simple et enrichissant, c’est exactement celui qu’ont fait des étudiants de HEC Montréal pour le compte de quatre théâtres de Montréal.

Secondés par des professeurs des départements de marketing et de la statistique, une quinzaine d’étudiants ont rassemblé des données provenant des billetteries de quatre institutions faisant partie du Partenariat du Quartier des spectacles afin de répondre à certaines de leurs questions.

« Les 21 partenaires auraient tous voulu participer à ce projet, m’a dit Éric Lefebvre, directeur du développement du Quartier des spectacles. Mais malheureusement, nous avons dû faire des choix. »

Secondés par la firme Aimia, qui possède une grande expertise dans le domaine de la philanthropie des données, deux professeurs de HEC Montréal, Renaud Legoux et Marc Fredette, ont formé quatre équipes de travail.

« Les étudiants travaillent normalement sur des choses fictives. Là, ils ont eu accès à des données provenant des billetteries de quatre théâtres de renom. Ils étaient hyper stimulés. »

— Marc Fredette, professeur à HEC Montréal

Qu’ont pu apprendre les étudiants ? La direction du Club Soda, qui présente environ 200 spectacles par année, voulait savoir quelles étaient les préférences de sa clientèle locale et celles de sa clientèle provenant des banlieues. On s’est rendu compte que plus les spectacles étaient spécialisés et rares, plus on attirait les spectateurs de l’extérieur de Montréal.

Du côté du Théâtre St-Denis, on a voulu obtenir plus de détails sur le profil des spectateurs qui assistent aux comédies musicales. Comme les villes de banlieue ont maintenant plusieurs grandes salles pour accueillir les spectacles d’humour et de chanson, on a la certitude qu’on peut (et qu’on doit) compter sur le public en région pour les comédies musicales.

La Maison Théâtre s’interroge sur les efforts qu’elle fait pour attirer les spectateurs des minorités culturelles. Grâce aux données obtenues, elle peut maintenant établir la liste des arrondissements et des écoles qui sont moins portés à fréquenter ce lieu voué au théâtre jeunesse.

Pour sa part, le TNM songe à mieux conjuguer la configuration de sa salle à sa grille de prix. Les données qui ont été analysées (on a regardé les fauteuils qui étaient convoités longtemps à l’avance) pourraient permettre d’établir un découpage de la salle à la manière des théâtres de Broadway.

On a aussi appris une foule d’autres détails qui touchent le comportement des spectateurs. Une majorité achètent leur billet à l’heure du lunch. Sachant que pour certains spectacles, on préfère réserver par téléphone, un théâtre peut donc prévoir un personnel plus important entre 11 h et 14 h.

On a aussi réuni des données de billetterie pour l’ensemble des 21 partenaires du Quartier des spectacles. Une première au Canada. Si cette opération pouvait se faire de manière récurrente (ce que souhaite faire le Partenariat), on pourrait voir venir à l’avance les vagues massives de spectateurs.

« On pourrait donc prévoir des besoins spécifiques en matière de transports, comme le BIXI, l’autobus et les taxis, », explique Anne-Josée Laquerre, directrice vocation sociale et pérennité de l’entreprise chez Aimia. Cela pourrait aussi aider les restaurateurs installés dans le quartier à mieux opérer.

« Ceux qui dirigent ces théâtres se doutaient de la teneur de certaines données. Ils ont maintenant une certitude sur plusieurs choses et ça leur procure la force nécessaire pour agir et prendre des décisions. »

— Renaud Legoux, professeur à HEC Montréal

La présentation de ces données coïncide avec la tenue du premier Carrefour de la philanthropie des données qu’organise IVADO, organisme formé de trois établissements montréalais qui s’intéressent à la valorisation des données : HEC Montréal, l’Université de Montréal et Polytechnique Montréal.

L’Institut de valorisation des données (IVADO) a reçu une subvention de 94 millions du gouvernement fédéral l’automne dernier. « Montréal est en train de devenir la Silicon Valley de la valorisation de données », s’entendent pour dire Renaud Legoux et Marc Fredette.

Le hasard fait que, ces jours-ci, HEC Montréal manifeste un intérêt certain pour l’industrie culturelle du Québec et particulièrement celle de Montréal. Le dernier numéro du magazine Gestion, publié par l’établissement, consacre un dossier riche et complet à la culture et au divertissement.

Avec 80 000 personnes travaillant dans le secteur culturel uniquement à Montréal et des retombées économiques directes et indirectes de 11 milliards, il est normal – et louable – que le monde des affaires s’intéresse à cet univers pas uniquement composé de clowns et de saltimbanques.

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