Opinion Pascale Navarro

Candidatures féminines aux électionS Des partis et des femmes

À quelques semaines de l’élection provinciale, les analyses vont bon train en ce qui concerne les candidatures féminines, qui pleuvent actuellement sur le Québec. Comment ne pas être contentes, en effet, que nous établissions un record puisque, à ce jour, 46 % des candidatures déclarées sont féminines ?

Si les pronostics sont bons, le scrutin du 1er octobre pourrait faire élire plus de femmes que dans aucune autre élection au Québec, et les chefs se sont engagés, en avril dernier, à former un Conseil des ministres paritaire.

Tout cela est très bien.

Pas un hasard

Toutefois, il faut comprendre ce qui a mené à cette situation, et en tirer des leçons.

Premièrement, le nombre de candidates n’est pas le fruit du hasard. Depuis plusieurs années, les partis – sauf Québec solidaire, chef de file en matière d’égalité de représentation politique – accusent un retard en termes de candidatures féminines, ce qui, les années passant, rendait leur situation plutôt gênante. Le Québec se classe actuellement au 50e rang mondial en ce qui a trait au nombre de femmes dans les parlements : les partis se réveillent enfin.

Les partis se réveillent parce que cela fait plus de 15 ans que le mouvement féministe explique en long et en large que le manque de femmes dans les parlements crée des angles morts dans la manière de gouverner et dans les choix politiques.

Et, depuis trois ans au Québec, la société civile met beaucoup de pression sur la classe politique pour qu’elle inscrive la parité à l’agenda. À travers la coalition Partenaires pour la parité (mise sur pied par le Groupe femmes, politique et démocratie, dédié au soutien des femmes en politique et à l’éducation citoyenne), plus d’un million de Québécois et Québécoises se sont exprimés dans des événements publics politiques en faveur de la parité.

Parité pour de bon

Les partis devront faire en sorte que cette belle victoire ne soit pas que le fruit de la pression populaire. Qu’elle illustre plutôt la volonté politique d’inclure les femmes dans la démocratie, à part entière. Comment le démontrer ? En légiférant. Car ceux qui croient que la situation actuelle rend une loi inutile se trompent : qui nous dit que le prochain premier ministre (car ce sera un homme, et j’aimerais me tromper) considérera la parité comme incontournable ? Et que faire si les partis oublient de s’y intéresser aux prochaines élections, comme ils l’ont fait jusqu’à maintenant ? La parité est à la mode aujourd’hui, mais demain ?

L’autre défi sera de prouver aux femmes qu’elles ne sont pas que des électrices à séduire.

Si rien ne nous garantit qu’elles seront aussi présentes aux prochaines élections (en 2022), cela voudra dire que les chefs se seront livrés à une manœuvre électoraliste dont les femmes auront fait les frais. Ce serait assez consternant.

Finalement, on trouve des femmes !

Les partis sont aussi en train de faire la démonstration qu’il est tout à fait possible de trouver des candidatures féminines quand on se donne la peine de les chercher.

Donc, la question se pose : qu’est-ce qui les empêchait de faire la parité jusqu’à aujourd’hui ? Il serait intéressant d’entendre les réponses des chefs et des recruteurs.

La situation actuelle nous prouve que c’est bien la volonté politique qui fait la différence et que c’est aux partis de se responsabiliser.

Ne pas légiférer dans le prochain mandat, maintenant que l’on sait possible de trouver 50 % de femmes pour se porter candidates, voilà qui serait un affront aux Québécoises et à la démocratie.

Après la fête

Et ce n’est pas fini. Car si l’on soutient l’idée qu’il faut des femmes en politique, ce que prônent aujourd’hui les partis, il faudra que cela se voie dans la gouvernance.

Il sera prioritaire d’analyser ce que les programmes des différents partis offrent aux femmes. Car la parité n’est pas tout.

Il faut aussi répondre aux attentes pour toutes les femmes, de la femme en affaires ambitieuse à celle qui est au bas de l’échelle ou dans la marge. Il faut que la parité tant vantée soit inclusive et signifiante.

Comme l’écrit Drude Dahlerup, professeure de sciences politiques, dans son récent essai Has Democracy Failed Women ? (éd. Politis, 2017), aucune avancée ne se fera pour les femmes si ces ingrédients ne sont pas réunis : l’engagement des leaders politiques et leur aptitude à surmonter les résistances, un contexte social favorable, et la présence de femmes et de féministes dans la hiérarchie du pouvoir.

Voyons quelles seront les résistances, et si les partis sauront les surmonter.

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