Scandale à Hockey Canada

L’enquête de la LNH n’est pas terminée

Presque huit mois après l’avoir amorcée, la LNH n’a toujours pas terminé son enquête sur les allégations de viol collectif pesant sur des membres de l’équipe canadienne junior championne du Mondial 2018.

Le processus « est tout près de la fin », a assuré Gary Bettman, mardi, au Centre Bell. Le commissaire du circuit était de passage à Montréal pour assister au duel entre les Bruins de Boston et le Canadien et s’est prêté à une mêlée de presse tout juste avant le match.

Il a notamment fait valoir qu’une « enquête de cette nature » ne se fait pas « en claquant des doigts », invoquant le défi d’obtenir des accès « aux informations et aux personnes » en lien avec l’affaire.

Or, il s’agit au moins de la troisième fois, depuis le début du mois d’octobre, que les dirigeants de la ligue affirment que l’enquête achève, sans qu’on en voie l’aboutissement. Cité par le réseau Sportsnet le 4 octobre dernier, Bill Daly, commissaire adjoint de la LNH, avait affirmé avoir « presque terminé » de rencontrer les joueurs liés au scandale. À la mi-novembre, un porte-parole de la ligue avait indiqué, dans un courriel adressé à La Presse, que l’enquête était « plus près de la fin que du début ». Deux mois plus tard, la version est la même.

Pendant l’été, M. Daly avait pourtant exprimé le souhait que, « dans un monde idéal », l’enquête soit conclue avant que s’amorcent les camps d’entraînement, soit à la mi-septembre. Mardi, Gary Bettman a plutôt souligné que cette enquête n’était « pas une course » et qu’il souhaitait que les choses soient faites « de la bonne façon ».

Les enquêteurs de la ligue n’ont pas affronté de « résistance » de la part de témoins potentiels, assure-t-il, mais ils doivent composer avec certaines « réalités », notamment la nécessaire coordination avec l’Association des joueurs dans la planification des rencontres. « On ne peut pas tout faire unilatéralement », a-t-il tranché.

Pas les seuls

Le monde du hockey est en émoi depuis qu’on a appris, au mois de mai dernier, que Hockey Canada avait conclu une entente à l’amiable avec la victime présumée d’une agression sexuelle de groupe. Les évènements seraient survenus en juin 2018, en marge du banquet annuel de la fondation de l’organisme à London, en Ontario. Dans une poursuite au civil, une jeune femme affirmait avoir été agressée par huit joueurs de la Ligue canadienne de hockey, dont la plupart avaient fait partie de l’équipe nationale junior cette année-là. L’écrasante majorité des joueurs de cette formation (20 sur 22) évoluent aujourd’hui dans la LNH. Encore à ce jour, l’identité des suspects n’a pas été dévoilée.

Dès le 27 mai 2022, Gary Bettman a annoncé le déclenchement d’une enquête. Quelques heures avant le repêchage, en juillet, il a qualifié les actes allégués d’« horribles, horrifiants et inacceptables », promettant « d’aller au fond de cette affaire [afin] d’avoir une compréhension complète de qui a fait quoi ». Tous les joueurs de l’équipe seraient interrogés, avait-il assuré. L’enquête est menée par Jared Maples, vice-président exécutif de la sécurité du circuit.

Aux journalistes montréalais, mardi, M. Bettman a rappelé par deux fois que la ligue qu’il dirige n’était « pas la seule » à faire enquête sur les allégations.

Hockey Canada et la police de London ont en effet réactivé des investigations à ce sujet. Les deux instances avaient toutes deux ouvert et fermé des enquêtes à la suite des évènements de 2018.

« Personne n’a terminé », a fait remarquer le commissaire. C’est inexact : tout juste avant Noël, Hockey Canada a annoncé que l’enquête qu’elle avait commandée à une firme externe était bel et bien complète. Ses conclusions ont toutefois été confiées à un comité d’examen indépendant qui formulera des recommandations au conseil d’administration quant aux suites à donner à l’exercice. Ce processus est toujours en cours.

En outre, le 18 décembre, le Globe & Mail a révélé que la police de London avait des « motifs raisonnables » de croire que cinq joueurs avaient bel et bien agressé une jeune femme lors des évènements de 2018.

Toujours mardi, Gary Bettman a mis l’accent sur la difficulté à « avoir accès à certaines personnes » à peu de préavis. La LNH n’a pas le pouvoir d’envoyer des citations à comparaître à des témoins, a-t-il argué, et a un accès limité à des preuves « documentaires ».

« C’est compliqué : on ne peut pas juste dire “on veut que ça arrive”. On doit faire les choses de la bonne manière », a conclu le commissaire.

Logan Mailloux dans la LNH

Gary Bettman entrouvre une porte

Logan Mailloux a toujours besoin de l’autorisation de la LNH dans l’éventualité où sa carrière le mènerait dans la grande ligue. Le commissaire Gary Bettman a toutefois montré une certaine ouverture.

De passage à Montréal, mardi, Bettman s’est fait questionner pour savoir s’il y avait eu des développements dans ce dossier. Rappelons qu’en novembre dernier, l’adjoint de Bettman, Bill Daly, avait déclaré Mailloux « inadmissible » à jouer dans la LNH tant qu’il n’aurait pas l’autorisation des hautes instances du circuit.

« On n’a pas géré ce dossier parce que ça ne nous a pas été demandé, a indiqué Bettman, en mêlée de presse avant le duel Bruins-Canadien, au Centre Bell. On devra évaluer la situation si et quand le Canadien décidera qu’il veut rappeler Mailloux. On devra se pencher sérieusement sur la question. »

« Je crois qu’à un certain point, dans certaines circonstances et avec certaines personnes qui ont fait une erreur, il doit y avoir une chance de rédemption et de réhabilitation. Mais c’est du cas par cas. »

— Gary Bettman, commissaire de la LNH

Les commentaires de Daly, à l’origine, avaient été faits dans la foulée du fiasco entourant l’embauche par les Bruins de Boston de Mitchell Miller, un ancien choix au repêchage des Coyotes de l’Arizona, que ces derniers avaient rapidement largué quand des accusations de voies de fait contre un camarade de classe atteint d’une déficience intellectuelle avaient refait surface. Miller avait également adressé des insultes racistes à sa victime. Les Bruins avaient eux aussi rapidement mis fin à leur association avec Miller, 48 heures après lui avoir accordé un contrat.

Daly avait essentiellement placé Mailloux et Miller dans le même panier, disant qu’« aucun des deux joueurs ne sera admissible sans [leur] autorisation ».

Rappel des faits

Repêché au 1er tour (31rang) en 2021 par le Canadien, Mailloux n’avait pas été invité au camp d’entraînement en 2021 de l’équipe, en raison du crime de nature sexuelle qu’il avait commis en 2020 en Suède, quand il avait 17 ans. Dans l’intervalle, le CH avait annoncé que le jeune homme allait suivre une série de formations et une thérapie.

En juillet dernier, Mailloux a été convié au camp de développement estival de l’équipe, où son cheminement avait notamment été salué par Sheldon Kennedy, cofondateur du Groupe Respect, une entreprise qui offre des formations sur l’intimidation, les abus, le harcèlement, la discrimination et le respect.

Mailloux s’est ensuite entendu avec le Tricolore le 5 octobre dernier, sur les termes d’un contrat de recrue de trois ans. Cette saison, il porte les couleurs des Knights de London, dans la Ligue junior de l’Ontario, où ses 31 points (13 buts, 18 aides) en 33 matchs lui valent le 1er rang de son équipe chez les défenseurs.

Mailloux aura 20 ans en avril et devrait donc, théoriquement, faire le saut dans les rangs professionnels, que ce soit à Laval ou à Montréal. Le dossier refera assurément surface l’été prochain.

Le Canadien lorgne l’Europe

Le Canadien n’a toujours pas pris part à des matchs de saison en Europe à l’occasion des incursions sporadiques que la LNH fait sur le Vieux Continent depuis 2007. Or, Gary Bettman n’a pas caché l’intérêt du circuit d’y dépêcher le club montréalais. « On a un comité de propriétaires qui se penche sur le volet international et Geoff Molson en est le codirecteur, a rappelé Bettman. Il y a un réel désir que le Canadien joue outre-mer, mais ça doit être fait dans les bonnes circonstances et dans le bon marché. Les coûts seront aussi considérés. Mais je crois que c’est à l’horizon. J’aimerais vraiment que le Canadien joue en Europe. »

En bref

À la défense de Provorov

Gary Bettman persiste et signe au sujet d’Ivan Provorov, qui a refusé de prendre part à l’échauffement le soir où son équipe, les Flyers de Philadelphie, célébrait son soutien à la communauté LGBTQ+. Le défenseur russe, rappelons-le, avait invoqué ses croyances religieuses pour justifier son abstention. L’affaire a fait grand bruit dans la LNH. Mardi, le commissaire a réaffirmé que « les joueurs doivent être à l’aise avec leurs croyances individuelles ». « C’est une question d’équilibre, a-t-il renchéri. Je respecte les croyances des gens. Il faut regarder l’ensemble. [Nos joueurs] soutiennent ces causes en grande majorité. Mais tout le monde n’est pas d’accord. Une partie de la diversité, c’est respecter les points de vue des autres. » Même s’il s’agit d’homophobie ? a demandé le représentant de La Presse. « Je ne dis pas qu’il est homophobe, a rétorqué Bettman. Lui as-tu parlé ? Je ne sais pas s’il est homophobe. »

Pas de problème avec l’obstruction

Quasi quotidiennement, sur les réseaux sociaux, un but accordé ou refusé en raison de la présence d’obstruction sur le gardien sème la consternation. Le public, les journalistes qui suivent les activités de la LNH et, bien souvent, les joueurs et entraîneurs eux-mêmes ne savent plus où donner de la tête, tant le règlement est appliqué de manière inconstante. Encore la semaine dernière, les Panthers de la Floride ont ouvert la marque contre le Tricolore alors que Matthew Tkachuk bloquait, de toute évidence, la route au gardien Samuel Montembeault. Or, pour Gary Bettman, il n’y a aucun problème avec ce règlement. « Les gens vont parfois dire qu’ils ne comprennent pas quelque chose parce qu’ils n’aiment pas la décision, a-t-il affirmé mardi à Montréal. C’est du jugement, et nous n’avons aucun problème avec la façon dont les décisions sont prises. Un entraîneur ne devrait pas demander de contestation s’il n’est pas sûr du résultat. »

Où ça, du tanking ?

Après avoir vanté le haut niveau de compétitivité qu’offraient présentement les 32 équipes du circuit, M. Bettman a été interrogé sur le tanking, phénomène par lequel les équipes s’autosabotent afin de faire chuter leur position au classement et améliorer leur rang de repêchage. À l’heure actuelle, alors que toutes les formations du circuit rêveraient de sélectionner le jeune prodige Connor Bedard en juin prochain, cinq équipes affichent déjà un taux de succès inférieur à ,400 au classement général. Et d’autres pourraient les rejoindre dans les bas-fonds d’ici la fin de la saison. Bettman, toutefois, a totalement nié toute manœuvre volontaire des dirigeants d’équipes. « Il n’y a pas de tanking parce qu’on a une loterie », a-t-il lancé. Ainsi, l’équipe qui termine dernière n’a que 25 % de chances de repêcher au premier rang. « Tu ne perdras pas un match simplement pour aller chercher quelques points de pourcentage de plus, a poursuivi le commissaire. De suggérer qu’il y a du tanking ne cadre pas avec le professionnalisme de nos joueurs et nos entraîneurs [qui] font de leur mieux pour gagner. »

Le calendrier, c’est compliqué

Le premier duel de la saison entre le Canadien et les Bruins, à la fin du mois de janvier, a rappelé que les deux équipes ne se croiseront que trois fois cette saison. En vertu du calendrier actuel de la LNH, les rivaux de division ne s’affrontent plus systématiquement quatre fois. La situation est déplorée par les partisans des marchés au cœur de rivalités historiques ou géographiques – Boston-Montréal, Philadelphie-Pittsburgh, Edmonton-Calgary… Ça non plus, ça n’empêche pas Gary Bettman de dormir. Établir le calendrier est « un travail très compliqué », a-t-il dit, encore davantage depuis que la pandémie de COVID-19 a forcé le report de nombreux spectacles dans les amphithéâtres, ce qui crée une congestion. « La configuration actuelle fonctionne très bien », a-t-il tranché, précisant qu’il ne voulait pas créer un problème en en corrigeant un autre.

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