Opinion

J’en ai marre !!!

Non, ce n’est pas « politically correct », mais oui, j’en ai marre.

Marre d’entendre parler des médecins, des infirmières et des préposés sans que l’on tienne compte que derrière les diagnostics, il y a des professionnels qui permettent aux médecins d’établir vos diagnostics avec des prises de sang, des analyses d’urine, de selles, de sécrétions (COVID-19), des radiographies, des échographies, des doppler, des scans pour les complications COVID-19.

Que lorsqu’on a établi votre diagnostic, il n’y a pas que les médicaments, mais aussi des traitements en nutrition clinique, en orthophonie, en physiothérapie, en ergothérapie, etc. Que lorsqu’il faut apprendre à vivre avec la maladie, le deuil, il y a des travailleurs sociaux, des psychologues pour vous soutenir, vous outiller à faire face à la maladie. Au quotidien, il faut soutenir aussi ces professionnels.

Un jour, quelqu’un a décidé de vous donner naissance. Pendant la grossesse, votre mère a subi des prises de sang pour s’assurer que tout allait bien. Elle a passé des échographies pour mesurer votre croissance et pour s’assurer que tous vos doigts et orteils étaient en place. Elle a possiblement reçu des conseils nutritionnels afin que vous ne manquiez de rien.

Votre arrivée a suscité beaucoup d’enthousiasme, mais aussi quelques soucis et interrogations. Vous avez peut-être tardé à dire vos premiers mots ou à vous tenir assis ou encore à marcher. Vos parents ont pu compter sur des orthophonistes, des psycho-éducateurs, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des audiologistes, des techniciens en orthèse-prothèse pour s’assurer que vous développiez votre plein potentiel.

Vous êtes entrés à l’école. Peut-être que votre parcours primaire s’est déroulé sans heurts, mais pour certains, ce fût plus difficile. La socialisation ne se fait pas toujours en criant « bingo », mais de l’aide était disponible au CLSC pour outiller vos parents à vous aider à résoudre vos difficultés.

Vous avez fait votre entrée à l’école des grands, l’école secondaire. Avec l’adolescence viennent les questionnements face à soi, aux autres, on découvre notre sexualité, on s’inquiète de ce que les autres pensent de nous. Notre image corporelle prend souvent toute la place. On est impulsif et on broie du noir par moment. Là encore, il y a de l’aide psychosociale ou psychologique (les ados en confinement vivent de multiples problématiques).

On n’a malheureusement pas toujours la chance de vivre dans une famille unie. Parfois, des problèmes financiers, des problèmes de consommation d’alcool et de drogue peuvent rendre les relations familiales tendues. Parfois, la violence fait son apparition. Là encore, le CLSC ou la protection de la jeunesse peuvent vous soutenir ou compenser pour certaines difficultés.

Puis vous aurez probablement, si vous êtes chanceux, un peu de répit avant que la maladie touche l’un de vos proches. Là encore, vous pourrez avoir accès à une panoplie d’intervenants du réseau de la santé et des services sociaux pour vous soutenir. On dit que derrière chaque grand homme, il y a une femme.

Dans le réseau, il y a le médecin et l’infirmière et derrière, il y a le professionnel ou la professionnelle. Sans eux et sans elles, le réseau de la santé ne serait pas fonctionnel.

Sans eux et sans elles, pas d’outil diagnostique ou pas de support postdiagnostic. Sans eux et sans elles, vous vous sentirez bien seul et dépourvu. Alors oui, j’en ai marre que ces merveilleux collègues avec d’immenses connaissances, une disponibilité et une écoute sans bornes ne reçoivent de nos établissements, de nos gouvernements aucune reconnaissance ni gratitude pour tout l’effort déployé au mieux-être collectif et individuel de chacun d’entre vous.

Les membres de l’Alliance des personnes professionnelles et techniciennes de la santé et des services sociaux (APTS) travaillent en périnatalité, en petite enfance, en jeunesse, en santé mentale, en santé physique, auprès des aînés, des personnes présentant un handicap visuel, auditif, de la parole, moteur ou intellectuel. Ils travaillent en CLSC, en protection de la jeunesse, en centre de réadaptation, en milieu hospitalier, en CHSLD, dans les divers milieux de vie. Ils travaillent sept jours par semaine, de jour, de soir comme de nuit. Elles sont principalement des femmes, qui travaillent pour plusieurs à temps partiel et souvent, malgré les idées préconçues, sans sécurité d’emploi. Il faut saluer aussi nos agentes de planification, de programme et de recherche qui travaillent en prévention, mais aussi pour transmettre toutes les informations reliées à la COVID-19 que le gouvernement vous transmet à chaque point de presse.

Elles vous accompagnent tout au long de votre vie, bien souvent dans l’ombre. Ces travailleuses de la santé et des services sociaux méritent un peu de lumière et infiniment de reconnaissance.

Le gouvernement, les CISSS/CIUSSS ne comprennent pas ce qu’est la reconnaissance. Avoir de la gratitude pour quelqu’un, envers quelqu’un, à l’égard de quelqu’un (cf. savoir gré de quelque chose à quelqu’un). Manifester, exprimer, témoigner toute sa gratitude à quelqu’un.

Ce qu’ils nous transmettent actuellement comme message est qu’on est essentiel seulement quand ça fait leur affaire. Sinon, on ne vaut rien, niet, de la merde. Nous sommes réassignés et pourtant, nous n’avons pas droit à tous les équipements que d’autres professionnels de la santé utilisent. Nous devons quand même offrir des services avec des contacts rapprochés à la clientèle. Par exemple, des travailleurs sociaux, des physiothérapeutes, des ergothérapeutes et d’autres professionnels qui se déplacent à domicile ou en RPA/RI pour offrir des services aux personnes âgées en perte d’autonomie.

Au CISSS de l’Outaouais, elles n’ont pas accès à un masque N95 ou à une visière.

Juste pour la fin de semaine de la fête des Mères, d’après l’INSPQ, il y a eu trois décès à domicile et 12 en RPA dû à la COVID-19 au Québec. Plusieurs de ces personnes malheureusement mortes ont eu droit à des soins, à des soins palliatifs, dans leur milieu de vie, par des professionnels et techniciens de la santé et des services sociaux, les mêmes, qu’on oublie trop souvent, qui sont aussi au front.

Autre exemple au CISSS de l’Outaouais où des techniciennes en loisirs, des techniciennes en diététique, des techniciennes en réadaptation côtoient des usagers hébergés en CHSLD. Ces professionnelles et techniciennes apportent chaleur humaine, dignité, écoute, réponse aux besoins essentiels des personnes soupçonnées ou confirmées COVID-19. Ces mêmes salariées qui côtoient des infirmières, sur les mêmes étages, et qui n’ont pas accès au même équipement de protection que ces dernières. 

Quelle injustice, quel manque de reconnaissance envers le travail et la vie de nos « anges gardiens », les professionnels et techniciens de la santé et des services sociaux.

Parce que l’être humain a plusieurs facettes, qu’il a son propre cheminement et que chacun vit le stress de la COVID-19 et autres aléas de la vie, ces professionnels et techniciens de la santé vous accompagnent. Elles sont plus de 110 professions tout aussi essentielles au fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux et pourtant, elles ne sont aucunement reconnues et il est vraiment temps que ça change.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.