Métro, boulot… vaccin

La patience a ses limites.

Alors que le retour au bureau est programmé pour dans un mois, il est temps de se demander quelle place les entreprises doivent réserver à la minorité d’employés qui refusent toujours de relever leur manche.

Aux États-Unis, royaume des libertés individuelles, le président Joe Biden vient d’annoncer que tous les employés fédéraux devront fournir une preuve de vaccination, faute de quoi ils auront à porter un masque, à garder leurs distances et à se faire tester toutes les semaines.

Plusieurs employeurs de premier plan, comme Disney, Walmart, Google, Facebook et Uber, vont aussi serrer la vis.

Chez nous, la délicate question reste en dessous du tapis. Un tapis très épais.

Avant d’importer les solutions de notre voisin, il faut quand même souligner que la situation est bien différente au Canada. Le nombre de cas par habitant est 15 fois plus élevé aux États-Unis depuis sept jours. Et les décès sont six fois plus nombreux, toutes proportions gardées.

Pour l’instant, le Canada récolte donc les fruits de ses efforts, lui qui se trouve sur le podium des pays les plus vaccinés du monde. Tant mieux. Mais il reste du chemin à faire, en particulier chez les 18 à 39 ans, qui sont bien présents sur le marché du travail, où l’on enregistre déjà les deux tiers des éclosions.

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Beaucoup d’employeurs ont mis la main à la pâte pour encourager leurs troupes.

Certains ont remis des cadeaux, comme Cascades, qui va donner 4700 montres Fitbit à ses employés vaccinés. D’autres ont fait un chèque : 50 $ chez Olymel, 100 $ à la Société de transport de Lévis et même 2500 $ chez DLGL technologies. D’autres encore ont offert un congé payé pour aller se faire vacciner.

Excellent ! Il faut encourager ces initiatives. Et multiplier les cliniques de vaccination éphémères en milieu de travail.

Mais alors qu’on reprendra graduellement le « métro, boulot, dodo » le 7 septembre, des mesures plus fermes seraient appropriées, surtout que la population a maintenant eu l’occasion de se faire vacciner – moins de 1 % de la population a une véritable contre-indication.

Bien sûr, le droit au travail est un principe sacré.

Mais d’un autre côté, les employeurs ont l’obligation d’assurer la sécurité de leurs employés. Et de leur clientèle. En refusant d’imposer un fardeau supplémentaire aux non-vaccinés, ce sont tous les autres qui écopent, alors qu’ils ont pris les moyens pour contrer la pandémie.

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Non, les employeurs ne peuvent pas forcer leurs travailleurs à se faire vacciner. Mais ils peuvent imposer des règles plus strictes à ceux qui refusent de présenter une preuve vaccinale, estiment les juristes.

Deux approches peuvent être envisagées, chacune avec leurs avantages et inconvénients.

De un, les employés non vaccinés pourraient devoir continuer à travailler de la maison, un moindre mal puisque la formule a fait ses preuves avec la pandémie. Sauf que cette approche risque d’encourager les employés qui n’ont pas envie de revenir au bureau à ne pas se faire vacciner.

De deux, un employeur pourrait demander aux non-vaccinés de porter le masque en tout temps, de rester à distance des autres et de passer des tests plusieurs fois par semaine. Mais on ne veut pas « récompenser » les non-vaccinés comme dans le réseau de la santé, qui paie ses employés devant s’absenter pour subir un test trois fois par semaine.

En ce moment, les employeurs attendent un signal clair de Québec. Plus des trois quarts sont en faveur d’un passeport vaccinal, comme le réclamait, hier, la cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est déjà engagé à le faire pour éviter un reconfinement en cas de quatrième vague.

Mais pensez-y. Si on demande aux clients de présenter une preuve de vaccination pour entrer dans un restaurant ou un gym, en toute logique, il faudra exiger la même chose aux employés qui les serviront. Sinon, à quoi bon ?

Au lieu de laisser les entreprises y aller à tâtons, ce qui risque de provoquer des conflits de travail à répétition et des discussions polarisantes autour de la machine à café, la Santé publique devrait fournir un cadre clair sur la vaccination au boulot.

Québec devrait commencer par prêcher par l’exemple, en resserrant les règles pour ses propres employés, en particulier dans les milieux où il y a le plus de contacts, comme les écoles et les garderies.

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