Longueuil

L’hôpital Pierre-Boucher fait face à l’éclosion d’un champignon mortel

Le champignon Candida auris, susceptible de provoquer de graves infections, a été identifié chez plusieurs patients de l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil. À quel point est-il dangereux ? D’où vient-il ? Comment se transmet-il ? Survol de la situation en six questions.

Que se passe-t-il à l’hôpital Pierre-Boucher ?

Le 8 septembre dernier, une personne suspectée d’être porteuse de Candida auris a été placée en isolement à l’hôpital Pierre-Boucher, ainsi que tous ses contacts étroits. Le cas a été confirmé le 15 septembre. Un deuxième cas a été confirmé le 19 septembre. Par ailleurs, trois contacts étroits font l’objet d’une enquête. La source reste à déterminer, puisque les patients ne revenaient pas d’un autre pays.

« Des mesures de prévention et contrôle des infections additionnelles ont été mises en place pour les usagers confirmés et suspectés, notamment l’isolement des contacts positifs, hygiène des mains, masque, blouse, gants, utilisation de produits chlorés pour désinfection du matériel et des surfaces touchées fréquemment », a indiqué à La Presse Marjorie Larouche, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Comment se transmet-il ?

Le champignon, qui a été détecté pour la première fois au Japon en 2009, se transmet par contact direct ou par les surfaces comme un lit d’hôpital ou des dispositifs cliniques. « Ça ne se transmet pas par aérosol », précise Adnane Sellam, chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal et spécialiste de Candida auris. L’infection à ce champignon touche principalement les patients hospitalisés ou immunodéprimés. C’est particulièrement le cas des patients hospitalisés pendant une longue période, qui ont un cathéter veineux central ou qui ont déjà reçu des antibiotiques ou des médicaments antifongiques.

Quelle est la différence entre un patient colonisé et un patient infecté ?

Cette levure « super-résistante » peut se loger sur la peau des patients ou du personnel de soins sans provoquer de symptômes, explique M. Sellam. Si les patients sont porteurs du champignon sans être infectés, ils sont colonisés. C’est apparemment le cas des patients de l’hôpital Pierre-Boucher.

Chez certains patients, cette levure peut pénétrer dans la circulation sanguine et se propager dans tout le corps. Ils sont alors infectés. « Si on a des plaies ouvertes, un système immunitaire diminué ou si on prend souvent des antibiotiques pour d’autres infections, ça peut favoriser l’infection », explique Jasmin Villeneuve, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec et chef d’équipe des infections nosocomiales à la direction des risques biologiques. Les symptômes courants de l’infection sont la fièvre et les frissons. Le taux de mortalité est d’environ 30 à 60 %.

Est-ce que ce champignon est préoccupant ?

Oui. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, Candida auris représente « une grave menace pour la santé mondiale ».

L’infection causée par le champignon est souvent résistante à plusieurs médicaments couramment utilisés pour la traiter, explique Simon Dufresne, microbiologiste à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et professeur au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal.

À l’heure actuelle, 90 % des souches de Candida auris, dont celle détectée à l’hôpital Pierre-Boucher, sont résistantes au fluconazole, un antifongique fréquemment utilisé, indique Philippe Dufresne, spécialiste en mycologie médicale au Laboratoire de santé publique du Québec.

Est-ce que cette éclosion est surprenante ?

Non, soutient Philippe Dufresne. « On est surpris qu’on n’ait pas eu plus de cas, jusqu’à présent », dit-il. Depuis le début de l’année, les États-Unis ont enregistré plus de 3000 cas d’infection et plus de 4000 personnes colonisées. « Pour la même période, on a seulement 6 cas au Canada », indique M. Dufresne. Au total, 37 cas de Candida auris ont été signalés à l’Agence de la santé publique du Canada dans les dernières années. Plusieurs de ces cas étaient associés à des voyages.

Y a-t-il un lien entre la présence de ce champignon ici et les changements climatiques ?

C’est possible. Selon le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses du Canada, il y a des raisons de croire que la hausse des températures attribuable aux changements climatiques contribue à la propagation du champignon.

Pour la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin de famille à Montréal, qui s’intéresse aux liens entre santé et environnement, l’éclosion n’est pas une surprise. C’est « une conséquence de nos nombreuses actions ». Ce n’est pas « inattendu » ni « surprenant », a-t-elle déclaré jeudi matin sur Twitter.

« De nombreuses maladies et infections sont influencées, aggravées, accélérées par les crises environnementales : dérèglements, fragmentations des habitats, déclin de la biodiversité », a-t-elle indiqué.

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