Éditorial

On n’en a pas assez parlé

Six sujets qui auraient mérité de retenir davantage l’attention des médias

Les surdoses d’opioïdes

C’est l’épidémie cachée par la pandémie. Pour les six premiers mois de l’année, le Québec a enregistré 580 visites aux urgences pour des intoxications aux opioïdes. Les surdoses mortelles, elles, ont emporté 212 personnes – et ce, malgré l’utilisation de plus en plus répandue de la naloxone, un médicament qui peut sauver des vies. Ces chiffres ne sont pas rapportés tous les jours par les autorités et les médias comme ceux de la COVID-19. Mais ils témoignent d’un drame dont les causes sont complexes et qui ne disparaîtra pas avec un vaccin. Une première étape serait de décriminaliser les drogues pour cesser de considérer les victimes comme des criminels.

— Philippe Mercure

Les inégalités et la COVID-19

On a tous souffert de la COVID-19 cette année. Mais ceux qui vivent dans des conditions socio-économiques difficiles en ont souffert plus que les autres. À Montréal, on meurt deux fois plus de la maladie dans les quartiers très défavorisés que dans les coins aisés (77 décès par 100 000 habitants, contre 33). Le confinement, le couvre-feu et le télétravail ont été vécus plus durement par les familles qui s’entassent dans un quatre et demi sans connexion internet que par celles qui jouissent d’une grande maison avec cour. Le soutien gouvernemental a aidé le portefeuille, mais la détresse psychologique a frappé de plein fouet les gens déjà fragiles, dont bon nombre d’enfants.

— Philippe Mercure

La dette fédérale

D’un coup sec, la pandémie a effacé 20 ans d’efforts pour assainir les finances publiques du Canada : la dette en proportion de la taille de l’économie a bondi de 30 % à 48 %. Ce n’est pas parce que le Canada a le meilleur ratio dette/PIB des pays du G7 qu’il ne faut pas en parler. Pourtant, lors des dernières élections, les politiciens ont mis la question sous le tapis, lançant des milliards de dollars de nouvelles promesses. Comme si l’économie vivait en apesanteur ! Mais avec la remontée prévue des taux d’intérêt, le poids de la dette se fera sentir.

— Stéphanie Grammond

le Mode de scrutin

Depuis une bonne demi-douzaine d’années, les politiciens sont de grands parleurs, mais de petits faiseurs en ce qui concerne le mode de scrutin. Tant à Québec qu’à Ottawa. Le gouvernement Legault donnait pourtant l’impression qu’il ne laisserait pas tomber sa promesse de réformer le mode de scrutin, contrairement à ce qu’avait fait celui de Justin Trudeau il y a quelques années. Mais le couperet est tombé le 17 décembre dernier, sans tambour ni trompette. « Ce n’est clairement pas une priorité pour les Québécois, après tout ce que nous venons de traverser », a-t-on prétexté à Québec. Décidément, la pandémie a le dos large…

— Alexandre Sirois

le Décrochage

On ne parlera jamais assez de décrochage et de taux de diplomation au Québec, du moins tant et aussi longtemps que la situation demeure critique. Il est d’autant plus important de relancer nos discussions à ce sujet que la pandémie a fortement bousculé nos jeunes. Les données préliminaires semblent démontrer que ce n’est pas la catastrophe que l’on craignait sur le plan du succès des élèves et du taux de diplomation. Une hausse du nombre de décrocheurs a toutefois été signalée par plusieurs centres de services scolaires. Les mesures implantées par Québec seront-elles suffisantes pour limiter les dégâts ? Ce dossier ne saurait être autre chose qu’une priorité.

— Alexandre Sirois

Les travailleurs étrangers

En 2019, environ 4700 entreprises agricoles canadiennes ont eu recours à 54 000 travailleurs étrangers temporaires. On dit souvent que ces travailleurs – qui laissent leur famille derrière eux pour venir gagner de l’argent ici – abattent le boulot que peu de gens acceptent de faire : du travail manuel rude et, surtout, des conditions de vie qui laissent à désirer. Or le Canada n’a pas de quoi être fier dans ce domaine. La vérificatrice générale, Karen Hogan, a été très sévère à l’endroit du gouvernement Trudeau qu’elle accuse de ne pas avoir fait les vérifications nécessaires pour s’assurer que les règles de santé et de sécurité au travail soient respectées en temps de COVID-19. Honteux.

— Nathalie Collard

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