Prix des maisons

Le Québec dans une bulle ?

Depuis quelques semaines, le prix des maisons est sur toutes les lèvres, et pour cause. À Montréal, il a augmenté à coup de 15 % à 19 % par année depuis trois trimestres. Certains achats sont conclus après une visite de 15 minutes seulement et sans inspection. Vu cet engouement, faut-il conclure que les Québécois achètent des maisons à des prix trop élevés ?

Actuellement, le prix des maisons et le nombre de transactions augmentent beaucoup plus rapidement que leur rythme historique. Toutefois, plusieurs facteurs exceptionnels contribuent à cette dynamique, soit de très bas taux d’intérêt et une pandémie qui a vu les ménages bénéficier de généreux transferts gouvernementaux et d’un taux d’épargne en forte hausse. La pandémie a aussi considérablement bonifié le rôle du logement, qui sert à la fois de zone sanitaire sécurisée et de lieu de travail (ou d’apprentissage), ainsi que d’unique option de restaurant, de centre de divertissement et même de destination vacances.

Pour synthétiser ces différents phénomènes, nous avons calculé le ratio entre le coût d’une hypothèque et le revenu disponible des ménages québécois1. En bout de piste, cet indicateur détermine le véritable fardeau hypothécaire auquel font face les nouveaux acheteurs.

Résultat : ce fardeau hypothécaire, qui oscillait autour des 22 % à la mi-année 2020, a bondi jusqu’à 25 % au premier trimestre de 2021, soit son plus haut niveau depuis une décennie. À ce niveau, les ménages disposaient encore de la capacité de payer pour acheter des maisons à ces prix élevés, mais il suffirait de peu pour atteindre une zone critique.

À notre avis, il semble que les hausses récentes du prix des maisons découlent en grande partie des facteurs contextuels cités plus haut et de l’engouement causé par cette croissance, et non d’une réglementation trop laxiste ou insuffisante.

Entre autres, les règles hypothécaires canadiennes ont été plusieurs fois resserrées ces dernières années, réduisant alors les risques de prêts hypothécaires à des emprunteurs insolvables. Aussi, même si tout est possible, le scénario prévisionnel le plus probable est une croissance des prix se poursuivant jusqu’en 2023, mais à un rythme plus modéré qu’aujourd’hui.

Néanmoins, pour éviter les excès et les abus possibles dans un contexte aussi volatil, les gouvernements, les associations et les organismes réglementaires pourraient considérer diverses mesures visant une plus grande transparence de l’information et un frein à la spéculation. En outre, les réalités du terrain et l’opinion des spécialistes de l’immobilier devraient être prises en compte, afin d’anticiper les avantages et les coûts de toute intervention envisagée.

Quoi qu’il en soit, les réalités économiques précitées montrent des signaux inquiétants et doivent faire partie des informations à considérer dans l’analyse de la situation et des actions possibles. Également, avant d’instaurer tout changement réglementaire ou législatif, il faut s’assurer qu’il soit nécessaire, que ses cibles soient les bonnes et qu’il permette d’éviter des abus observés et non sanctionnés par les règles actuelles.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.