Procès pour le meurtre de Pina Rizzi

« Quelle bad luck qu’elle ait rencontré ce fou-là »

La vie de Pina Rizzi s’est arrêtée à 47 ans, à coups de « 2 par 3 » et de gros morceau de ciment. Seules deux personnes savaient ce qui se passait vraiment dans le cabanon miteux où elle a été tuée, le matin du 2 août 2009. L’une n’est plus en mesure de le dire. Ne reste que l’autre. Les versions que Jean-Philippe Tremblay a données lors de son arrestation, en 2013, et qui ont été présentées au jury, ne collent tout simplement pas à la personnalité de Pina, croient ses proches et ses ex-compagnes. Pina n’était pas cette femme assoiffée de sexe, agressive et dénigrante qu’a décrite Tremblay.

« Il dit qu’elle lui a dit : “Viens finir ta job.” Mais c’est tellement pas elle ! Jamais, jamais, jamais Pina n’aurait dit ça ! J’ai sorti avec elle pendant cinq ans et demi, je la connais assez bien », s’insurge l’ex-top modèle Ève Salvail.

Pina et elle ont formé un couple au moment où Ève commençait à faire sensation sur les grands podiums, avec son crâne rasé tatoué, sa longue silhouette, la beauté et le feu de ses 21 ans. Ève a exigé que Pina l’accompagne partout. « Elle a fait tous les shows avec moi pendant cinq ans et demi. Elle faisait tous mes maquillages. Les campagnes Versace, Jean Paul Gaultier… elle était toujours là », raconte Ève.

« Pina, c’était une fille extraordinaire. Elle était drôle, charismatique. Tu ne pouvais pas la manquer dans une place. »

— Ève Salvail

« Tout le monde venait la voir. Elle avait beaucoup de maturité et un côté très maternant. Je venais de Matane, j’étais à Tokyo, je suis devenue famous en quelques semaines. Je capotais un peu. Elle m’aidait à me calmer les nerfs. Elle donnait les meilleurs câlins au monde », s’exclame Ève, avant de lâcher : « Quelle bad luck qu’elle ait rencontré ce fou-là. »

Jolie, Harnett, Willis

Pina Rizzi a travaillé dans les milieux de la mode et de la publicité et dans le cinéma. Son côté maternant et attachant ressort clairement, quand on discute avec sa sœur, Mary, et ses grandes amies, Annette et Émilie Gauthier. Cette dernière est maquilleuse professionnelle et a beaucoup vu Pina à l’œuvre.

« Les clients, les acteurs… tous ceux qui s’asseyaient dans sa chaise tombaient sous son charme. Les uns après les autres. »

— Émilie Gauthier

« Elle était très maternelle, elle enveloppait les gens. Dans le cinéma, quand on est des maquilleurs ou des coiffeurs, c’est vraiment la position essentielle qu’il faut prendre, en haut de la liste. Le pourcentage de technique de pinceau ou de brosse est tellement faible comparé à : “T’es beau, t’es bon, t’es capable, tu vas être correct…” », ajoute-t-elle.

Entre autres vedettes qui se sont assises dans « sa chaise », on compte Angelina Jolie (Pina Rizzi a travaillé sur le film Taking Lives), Bruce Willis, Josh Harnett…

Homosexuelle

Pina était avant tout homosexuelle, selon ses amies, mais il lui est arrivé d’avoir des amants, entre ses longues relations avec des femmes. Elle les aimait jeunes, grands et beaux. Tremblay, malgré ses 19 ans, n’était pas du tout son genre, selon elles. Et elles assurent que Pina n’était pas une personne sexuellement agressive.

Émilie est hétérosexuelle. « Pina le savait. Jamais elle n’a essayé de me convaincre, jamais elle ne m’a fait d’avances ou de sous-entendus. Elle était extrêmement respectueuse. Il n’y a jamais eu de malentendu. »

« C’est pour ça que ça me met en colère, ce qu’il a dit, Jean-Philippe Tremblay. »

— Annette

Annette a été la compagne de Pina, quand elles étaient dans la vingtaine. Elles ont vécu aux États-Unis, à Tokyo, à Bangkok… Elles sont restées très amies par la suite. Elle était d’ailleurs avec Pina la nuit fatidique au bar Saphyr, boulevard Saint-Laurent. Pina fêtait. Elle payait des verres et avait visiblement pris de la cocaïne, selon Annette. Des tests toxicologiques l’ont d’ailleurs confirmé.

Quoi qu’il en soit, quand l’heure de fermeture est arrivée, Pina a invité Annette à poursuivre la fête dans un after-hour. Annette a décliné l’offre. Pina avait jasé avec un beau grand jeune homme, au Saphyr. Elle est partie avec lui et deux autres hommes. Elle n’a jamais été revue vivante.

Son corps a été découvert deux jours plus tard, dans le fameux cabanon, situé dans la cour d’un immeuble désaffecté de la rue Notre-Dame, près de la rue Frontenac. À peu près au même moment, Annette était au poste de police et signalait la disparition de sa meilleure amie. L’affreuse nouvelle lui est tombée dessus comme une tonne de briques.

Théorie

Annette a sa théorie sur ce qui a pu se passer : Pina était revenue de Los Angeles en avril et était peu sortie depuis. Elle songeait à se prendre un pied-à-terre à Montréal pour se rapprocher de sa mère âgée. 

« Je pense qu’elle tuait le temps ce matin-là, parce qu’elle demeurait chez sa mère et ne voulait pas rentrer tout de suite », dit-elle. Annette croit qu’elle a rencontré Tremblay dans la rue. Ils ont marché, il l’a amenée dans ce cabanon, où il était déjà allé. Probablement pour faire une ligne de coke à l’abri des regards. Et là, quelque chose a dégénéré. Pina a voulu partir. Et l’impensable est arrivé.

« Jean-Philippe Tremblay a pris la vie de ma sœur, et celle de mon frère », estime pour sa part Mary Rizzi, la seule qui reste des trois enfants Rizzi. Tony, leur frère, travaillait à CTV. Il ne s’est jamais remis de la disparition de Pina. Il est mort quelques années plus tard. Même s’il n’était pas en bonne santé, Mary croit que le meurtre de Pina lui a porté un coup fatal. Mary, une enseignante qui vit en Ontario, s’est établie à Montréal le temps du procès. Elle attend le verdict avec impatience. Le jury doit choisir entre trois verdicts : meurtre prémédité, meurtre non prémédité et homicide involontaire.

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