Un organisme juif exige la démission de Bochra Manaï
Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a réclamé, mardi, la démission de Bochra Manaï, commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique à la Ville de Montréal. Cette demande survient alors que les tensions à Montréal s’accentuent, 16 stations de métro ayant été vandalisées avec des affiches propalestiniennes plus tôt dans la journée.
Le CIJA a affirmé n’avoir aucune confiance en Bochra Manaï, sur le réseau social X. « Le CIJA lui demande de démissionner après des semaines de conduite inexcusable et disqualifiante », a écrit Eta Yudin, vice-présidente de l’organisme.
« Le silence et l’inaction de la commissaire antiraciste après une semaine historique de terrorisme antisémite sont choquants », a ajouté Mme Yudin. « La réponse de Mme Manaï aux cocktails Molotov frappant les institutions juives : le silence. Sa réponse aux balles qui ont frappé des écoles juives : le silence encore », a expliqué le CIJA.
Bochra Manaï a été nommée commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lorsque le poste a été créé en 2021. Sa nomination avait été contestée, car deux ans plus tôt, elle avait été l’un des visages de la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État. Elle avait notamment affirmé que le Québec était « devenu une référence pour les suprémacistes extrémistes ».
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, Mme Manaï est restée plutôt invisible malgré l’augmentation du nombre de crimes haineux à Montréal. Le CIJA lui reproche toutefois d’avoir partagé, sur Instagram notamment, des publications propalestiniennes d’un groupe ayant célébré les attentats du Hamas contre Israël.
À la suite de cet appel à la démission, Bochra Manaï a fait parvenir une lettre ouverte aux médias dans laquelle elle condamne les violences islamophobes et antisémites des dernières semaines. Elle explique aussi avoir pris part à une manifestation soutenant un cessez-le-feu à titre personnelle.
« Je rappelle, encore une fois, que mon rôle à la Ville de Montréal, comme fonctionnaire, concerne le changement interne et que je n’ai pas un rôle de représentation publique. »
— Bochra Manaï, commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique, dans une lettre adressée aux médias
« J’ai été nommée pour travailler avec l’ensemble de l’appareil municipal pour accélérer la transformation pour une administration exempte de racisme et de discriminations systémiques. Cette mission, elle m’habite, et j’y consacre tous mes efforts et mes énergies… », a souligné Mme Manaï. Elle termine sa lettre en lançant un appel au calme et à la raison.
Mardi, Aref Salem, chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal, a aussi critiqué le travail des deux dernières années de la commissaire, et plus particulièrement celui des dernières semaines. « Le poste de commissaire appelle à un devoir de réserve, à rassembler et à concerter les communautés montréalaises, pas à les diviser. Après les récentes prises de position publiques de Mme Manaï, l’administration doit se poser la question à savoir si elle a toujours la légitimité et l’autorité morale pour occuper cette fonction », a affirmé le chef intérimaire d’Ensemble Montréal.
Des stations de métro vandalisées
Dans la nuit de lundi à mardi, des affiches portant le slogan « Génocide en Palestine, Canada complice » ont par ailleurs été placardées sur les édicules de 16 stations de métro de Montréal.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a confirmé avoir reçu plusieurs appels au sujet de ces affiches dès 5 h du matin, soit une demi-heure avant l’ouverture du métro.
« Pour le moment, on considère qu’il s’agit d’un méfait et c’est la section des crimes haineux qui prend cette enquête en charge et qui déterminera si c’est de la haine ou non », a expliqué Sabrina Gauthier, porte-parole du SPVM. Les panneaux étaient d’ailleurs tellement collants qu’ils ont été caviardés ou cachés en attendant d’être retirés, a-t-elle ajouté.
La Société de transport de Montréal (STM) a confirmé que son équipe de Sûreté et contrôle menait aussi une enquête pour trouver les personnes ayant tapissé d’affiches les portes des édicules du métro.
« Bien sûr, nous déplorons ce genre de geste de vandalisme », a souligné Amélie Régis, porte-parole de la STM.
En fin de journée, le SPVM s’est voulu rassurant en affirmant que les policiers accentuaient leur présence près des lieux de culte et des écoles des communautés juive et arabo-musulmane. « Le SPVM réitère son appel au calme et tient à rassurer la population : nous redoublons de vigilance et nous disposons de tous les effectifs nécessaires, au niveau opérationnel, pour remplir notre mission », a déclaré le directeur adjoint Vincent Richer, dans un communiqué.
« Des gestes inacceptables »
Sur X, Valérie Plante a indiqué que « les stations de métro de la STM sont la porte d’entrée du quotidien des Montréalaises et des Montréalais ». « Nous ne tolérerons pas qu’elles soient vandalisées et que le sentiment de sécurité des usagères et des usagers soit affecté par des gestes inacceptables. »
Aref Salem a quant à lui exprimé son inquiétude. « Cocktails Molotov, tirs, violence entre étudiants, vandalisme dans une quinzaine de métros… C’est inquiétant et surtout inacceptable de constater que les actes haineux liés au conflit israélo-palestinien se multiplient dans notre métropole. Cela doit cesser », a-t-il écrit sur X.
Le CIJA a souligné que les actes de vandalisme liés au conflit entre Israël et le Hamas « ne font qu’encourager davantage un climat toxique ».
« Nous faisons confiance au SPVM et à la STM pour s’assurer que notre système de transport en commun est exempt de messages haineux », a écrit l’organisme.
L’organisme Voix juives indépendantes s’est pour sa part désolé que la CIJA fasse un parallèle entre le slogan sur les affiches dans le métro et l’antisémitisme. « Soyons clairs, il y a des discours qui sont solidaires avec la cause palestinienne qui sont antisémites et il faut les dénoncer. Mais ce ne sont pas tous les discours en solidarité avec le peuple palestinien qui sont antisémites », a nuancé Niall Clapham Ricardo, porte-parole de l’organisme.
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