COVID-19

Un réseau à bout de souffle, vous dites ?

« On a un réseau à bout de souffle », avouait récemment le premier ministre du Québec, François Legault. Ce n’était une nouvelle pour personne. Le réseau de la santé est à bout de souffle depuis des lustres.

La vérificatrice générale rapportait le 8 octobre dernier que 51 % des visites aux urgences étaient celles de patients ayant des problèmes non urgents, ces mêmes patients, tenez-vous bien, ayant déjà un médecin de famille ! Insistons. Il y a présentement un délestage d’interventions chirurgicales par crainte d’un afflux de cas de COVID-19 et de grippe saisonnière dans nos hôpitaux, et on tolère que le « système » n’ait pas réglé l’accès à un médecin de famille pour des cas mineurs. On tolère et on fait patienter un peuple qui naïvement, innocemment, bonnement, bêtement même, subit les conséquences d’un monopole d’État médicalo-hospitalo-centralisé.

Constat indubitable : l’État à la fois payeur unique et chef des opérations échoue. Les discours vertueux de protection des plus vulnérables ? Échec. L’accès à un médecin de famille pour des cas mineurs ? Échec. La stabilité du personnel et de l’organisation du travail ? Échec. A-t-on vraiment voté pour ça à un moment donné de notre histoire d’électeurs ?

Insistons encore. Selon l’infectiologue Guy Boivin du CHU de Québec, la grippe saisonnière entraîne en moyenne entre 7500 et 8000 hospitalisations au Québec. En date du 20 octobre, il y avait 565 hospitalisations au Québec et 94 personnes aux soins intensifs pour la COVID-19. Comment comprendre un délestage des activités chirurgicales aussi hâtif ?

Certains demanderont, bien sûr, qu’il y ait une enquête sur la gestion de la pandémie par le gouvernement actuel. Je ne suis pas de ceux-là.

Les problèmes de ce système sont connus, documentés… et « tablettés ». En réalité, le voile est levé et nous ne faisons que constater le résultat de la négligence de toute la classe politique.

L’horreur des conditions de vie des personnes les plus vulnérables d’entre nous, l’imparable et inhumaine attente causée par le délestage de soins jugés non prioritaires de même que l’insoutenabilité des conditions de travail des soignants sont révélées au grand jour.

Et ça, ça relève du gouvernement qui a maintenant le nez collé sur le décompte du nombre de cas plutôt que de s’attaquer aux racines profondes de son régime de santé.

L’échec de la gouvernance de la première vague est incommensurable. Faute de moyens. Faute d’expertise. Faute de préparation. L’appareil d’État, malgré son énorme organigramme en santé, ne nous a pas protégés du pire et n’a guère surveillé ce qui se faisait de mieux chez nos voisins canadiens. Manque de masques, manque d’appareils, manque de personnel, tergiversations de la Santé publique sur le port du masque et sur l’immunité collective, délais et retards dans la prise de décisions, hésitations à adopter l’application de traçage, etc.

Nous voilà donc rendus à une seconde vague et les résultats d’un redressement tardent toujours. Données de moins en moins crédibles, stratégies encore fluctuantes de dépistage, retards dans le traçage, technologies dépassées, incapacité d’assurer la non-mobilité du personnel dans les milieux de vie, stratégie boiteuse de zones de couleur et de confinement risibles et exagérément punitifs, etc. Toujours aussi fragilisé, le système de santé plonge les Québécois en zone rouge, et ce, malgré 50 % des dépenses de programmes ou des 43 milliards qu’on y injecte.

Ne nous trompons pas. Devant l’échec de l’État gestionnaire, il serait maintenant parfaitement légitime d’interroger ses motivations et ce que d’aucuns nomment sa « dérive sanitaire ».

Reconnaissons-le : les raisons du confinement particulièrement sévère, entre autres chez nos jeunes et nos jeunes adultes cégépiens et universitaires, ne sont pas tant l’arrivée d’une seconde vague, mais l’échec des gouvernements en matière de système de santé et encore plus spécifiquement en matière de protection des populations vulnérables.

Les insinuations que nous sommes tous responsables des cas et des morts dans les milieux de soins, dont les hôpitaux, et que le poids de cette responsabilité repose sur les épaules de générations sur lesquelles le virus n’a pas de prise mortelle sont moralement répréhensibles. À ce jour, 0 % des morts touchent les 30 ans et moins alors que 97,5 % concernent les 60 ans et plus. Si on sait peu de choses sur le virus, ça, on le sait.

Enfin, la lucidité impose maintenant au gouvernement de tenir ses propres responsabilités dans un contexte où l’on devra vivre pour une période indéterminée avec une nouvelle maladie mortelle pour certains. Le premier ministre doit maintenant préparer un plan de contingence viable dans l’éventualité où le vaccin tarderait ou n’arriverait pas.

Dans ce contexte, l’ordre naturel des choses serait au moins de se responsabiliser pour les mandats qui lui appartiennent, et de ne pas pénaliser injustement des générations qui n’ont aucune défense devant une dérive autoritaire de plus en plus injustifiée.

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