rem de l’est

CDPQ Infra soutient que la construction d’un tunnel souterrain pour le REM de l’Est comporte des dangers, mais la mairesse de Montréal dit n’avoir vu aucune preuve en ce sens.

Risques d’effondrement de gratte-ciel

Valérie Plante veut des « preuves »

La mairesse Valérie Plante n’a pas encore vu de « preuves » que la construction d’un tunnel souterrain pour le REM de l’Est pourrait causer l’effondrement de gratte-ciel, comme l’affirme CDPQ Infra. Elle invite le groupe à rendre publics les documents qui ont dicté son choix d’un tracé aérien au centre-ville de Montréal.

« On m’a fait une présentation, mais je n’ai pas les données, a dit Mme Plante en entrevue avec La Presse. Je ne sais pas si je serais capable de lire [tous les rapports d’analyse] dans le menu détail, mais je n’ai pas ces preuves-là, comme quoi c’est impossible et les bâtiments vont tomber. Ça, ça doit être public. »

La Presse a révélé cette semaine les inquiétudes d’un nombre grandissant d’experts qui remettent en doute les raisons invoquées par CDPQ Infra pour écarter un tracé souterrain au centre-ville. Le groupe a catégoriquement fermé la porte à cette option, indiquant qu’elle rendrait son projet de train automatisé de 10 milliards de dollars non viable.

La filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec a indiqué à plusieurs reprises que le creusage d’un tunnel au centre-ville risquait de causer l’écroulement d’immeubles et de lignes de métro, mais elle n’a pas encore publié d’étude étoffée à l’appui de cette affirmation.

« C’est sûr que quand j’ai entendu ce genre de déclaration là, ça m’a un peu fait sursauter », a dit Valérie Plante.

« Je me dis qu’il y a des villes qui ont réussi à jongler avec des défis similaires. Je pense à la ville de Tokyo et à d’autres qui ont un spaghetti de lignes de transport beaucoup plus intense que nous. C’est sûr qu’il y a des défis techniques, ça, je ne le nie pas, mais est-ce qu’ils sont insurmontables ? »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Mme Plante estime que « si ces preuves-là n’existent pas ou sont trop faibles », les ingénieurs de CDPQ Infra ou d’autres firmes chevronnées devraient proposer d’autres solutions pour l’insertion du REM de l’Est au centre-ville.

Un débat « sain »

La cheffe de Projet Montréal, qui mène une campagne contre Denis Coderre dans l’espoir de se faire réélire à la mairie, répète qu’elle appuie totalement le REM de l’Est. Ce projet vise à relier le centre-ville au nord-est et à la pointe est de l’île, deux secteurs mal desservis par les transports collectifs.

Valérie Plante croit néanmoins que le débat actuel autour de l’intégration urbaine du futur réseau est « sain ». Surtout à la lumière de la première phase du REM (pour Réseau express métropolitain), dont la lourde structure de béton, ornée de caténaires, a surpris bien des Montréalais.

« À vouloir aller vite, parfois, peut-être qu’on escamote certaines étapes, a-t-elle dit. Et pour moi, étant donné que les enjeux d’intégration urbaine sont si majeurs dans celui-ci, ils sont tellement importants qu’il faut prendre le temps. Pour moi, ça implique de la consultation, de la transparence et du partage de données. C’est comme ça que ce projet va être le plus incroyable et fantastique, parce que j’y crois, au projet. »

Valérie Plante salue la création d’un comité multidisciplinaire sur l’intégration architecturale du REM de l’Est – l’une des demandes de son gouvernement lors de l’annonce du projet en décembre 2020.

« Ce que je souhaite, c’est que le comité d’experts ait toute la marge de manœuvre dont il a besoin pour pouvoir prendre une décision et poser un diagnostic qui est clair, a-t-elle dit. Qu’ils se sentent libres de dire : “Ça, c’est bon, ça, c’est pas bon.” Mais qu’ils aient l’entièreté de l’information. »

L’apparence du projet, qui comptera 25 kilomètres de rails surélevés et un tunnel de 7 kilomètres dans Montréal-Nord, reste un mystère, souligne la mairesse. « C’est sûr qu’au niveau de la transparence, et ce n’est pas seulement moi qui le dis, la population n’a jamais vu encore une image de ce train aérien au centre-ville. »

Une facture de 600 à 800 millions

Au-delà de sa facture visuelle, le futur REM de l’Est aura un impact considérable sur les finances de la Ville de Montréal, souligne Valérie Plante. Car si un tracé aérien implique des coûts moins importants pour CDPQ Infra qu’un tunnel, les contribuables montréalais devront débourser entre 600 et 800 millions pour des réaménagements urbains sous les structures surélevées. Une estimation « conservatrice », dit-elle.

Il faudra entre autres refaire des rues, des pistes cyclables et des infrastructures électriques. « Ça commence sur René-Lévesque et ça se rend jusqu’à Rivière-des-Prairies, souligne Mme Plante. Ce sont des coûts faramineux, qui présentement ne seront pas du tout inclus dans le projet. Ce n’est pas à sous-estimer. »

Valérie Plante veut « sensibiliser » Québec et Ottawa aux dépenses que cela représentera pour la Ville. « Moi, contrairement au gouvernement du Québec, je ne peux pas faire de déficit, je n’ai pas la capacité financière en sortant de la pandémie de faire un investissement comme ça par moi-même, ça me met un peu dans une position où je dois aller chercher de l’argent. »

Cette situation pourrait éventuellement se traduire par une hausse de l’impôt foncier des Montréalais, dit-elle.

CDPQ Infra a développé le projet du REM de l’Est à la demande du gouvernement du Québec. Le groupe espère commencer à bâtir dès 2023 ce réseau dont il sera aussi propriétaire.

Denis Coderre pense aux « futures générations »

Le candidat à la mairie Denis Coderre, qui tenait les rênes de la ville lorsque la première phase du REM a été annoncée en 2016, prône la patience dans le dossier du REM de l’Est. « Montréal a besoin du REM pour rallier l’Est et le Nord-Est au centre-ville, a-t-il indiqué dans une déclaration à La Presse. Maintenant, commençons par voir les recommandations du comité d’intégration urbaine. Nous pourrons ensuite nous prononcer en toute connaissance de cause. Il est évident cependant que ce projet doit être pensé pour rendre notre métropole plus attractive. Dans tout ce que nous construisons, on doit toujours garder à l’esprit ce que nous voulons léguer aux futures générations. »

CDPQ Infra réagit

Le promoteur du REM de l’Est a publié en février dernier un sommaire des scénarios souterrains écartés en raison de leur trop grand risque. Mais pourquoi CDPQ Infra n’a-t-elle pas encore publié de rapport complet sur le sujet, comme elle l’a fait en diffusant l’étude d’AECOM-SYSTRA qui lui a permis de rejeter l’option d’un tramway ? « La synthèse couvrait toutes les conclusions des études préliminaires. Un rapport complémentaire sera publié incessamment », a indiqué une porte-parole à La Presse. « Dans les derniers mois, nous avons organisé de multiples rencontres avec des parties prenantes, trois séances d’information, deux webinaires et six consultations qui auront permis de répondre à plusieurs centaines de questions du public, a-t-elle ajouté. Ces initiatives ont permis de communiquer toute l’information pertinente concernant les communautés desservies et de rejoindre plus de 6000 Montréalaises et Montréalais. »

Courrier du lecteur

Croyez-vous que le centre-ville peut accueillir un train aérien ?

Notre série sur le REM de l’Est a suscité beaucoup de réactions des lecteurs. En voici un aperçu.

Et la pollution sonore ?

Il apparaît extrêmement douteux aux yeux de plusieurs que ce projet puisse être positif sur le plan visuel. Mais il ne faudrait surtout pas oublier le volet auditif du projet. Que devront endurer les gens qui habiteraient à proximité de ce REM ? Laid et bruyant en plus ? Ce serait catastrophique. On ne peut pas plaider qu’on va aider des quartiers décentralisés en rendant la vie d’autres quartiers misérables.

— Alain Foley

Pour un effet « wow »

Il serait impératif que les infrastructures aériennes du REM soient des œuvres d’art architecturales porteuses d’une marque de commerce touristique et de fierté pour Montréal. Nos regards éviteraient la vue du manque d’originalité de notre pauvre architecture urbaine du centre-ville. Relevons l’opportunité de rediriger quelques milliards à la création d’un projet « wow ».

— Louis-Michel Lanoie, Boucherville

La signature de Montréal !

Moi, je trouve ça beau, le REM ! Ça permet d'apprécier la ville. À Expo 67, on se ruait pour faire un tour dans ce genre de wagons. C'était l'avenir ! Tout était beau aux alentours. Pourquoi se concentrer sur le laid ? Il y a moyen de faire quelque chose de bien. Le REM sera la signature de Montréal ! On viendra ici pour sa gastronomie et son côté européen. Avoir le sous-sol de mon île troué comme un fromage, pas certaine que ce soit sécuritaire à long terme.

— Céline Gadoua

Réduire la circulation automobile

Il est facile d’augmenter la mobilité urbaine, de diminuer l’impact des véhicules à essence sans saccager le tissu urbain et la beauté d’une ville. Mais pour diminuer les voitures, peut-on diminuer les routes ? On a qu’à recycler les autoroutes pour un transport collectif électrifié : retirer une voie sur la Métropolitaine pour un train électrique créera le lien est-ouest Dorion-Repentigny en plus d’alimenter les stations de métro. Un lien électrique entre Mascouche et Boucherville sur l’autoroute 25 relierait la couronne nord à la Rive-Sud en alimentant les lignes verte et bleue du métro et inversement. Déjà, le REM relie la Rive-Sud du DIX30 au centre-ville de Montréal. Au Québec, faut-il que ça coûte si cher pour éliminer des voitures ?

— Gilles Laplante

Que fait la mairesse ?

La construction de cette masse de béton va défigurer la ville de Montréal et que fait la mairesse ? Elle est cachée dans sa tanière. C’est le temps de crier haut et fort ; on n’en veut pas du REM au centre-ville.

— Michel Trottier

Rendre la ville plus attrayante

On se pose la mauvaise question depuis des mois. La vraie question est comment profiter de ce projet pour rendre Montréal une ville encore plus agréable, intéressante, attirante, captivante tout en répondant aux besoins de transport. Pourquoi se cacher sous terre ou pourquoi construire, comme on le dit, une barrière, une horreur au milieu de boulevards existants ? Montréal, il faut oser ! Construire des stations uniques dans le monde, pourquoi pas conçues avec le soutien d’artistes, chaque station différente, excentrique s’il le faut. J’aimerais bien qu’un jour mes invités de l’étranger me disent : « Nous voulons absolument voir votre projet de transport, toute une découverte, quelle bonne idée ! » Allons-y de l’avant, en surface. Utilisons notre savoir-faire à son meilleur pour arriver enfin à un modèle, une inspiration pour le monde, pour nous et pour les générations futures.

— Emile Sayegh, architecte, L’Île-des-Sœurs

Manque de transparence

Si on peut passer des lignes de train sous Manhattan ou sous Londres, on peut le faire à Montréal. Un train souterrain coûtera plus cher, mais il faut considérer les externalités – nous investissons pour plusieurs décennies. Ce qui choque le plus, c’est le manque de transparence dans un dossier d’ordre public.

—Michel Gélinas

Attendons l’avis des experts

Pourquoi vous acharner à discréditer ce projet et à réclamer un tunnel alors qu’il est déclaré infaisable ? Comment vos appréhensions concernant l’esthétique d’une partie de votre ville peuvent-elles faire le poids face aux arguments à la fois techniques ou sécuritaires (risques d’effondrements de structures actuelles) et financiers (inquantifiables et menaçant rien de moins que le « bas de laine des Québécois ») ? Cessez d’aller vous promener à Vancouver et attendez d’examiner ce qu’en dira le comité d’experts.

— Geneviève Bouchard, Québec

Pour un tunnel

Le REM de l’Est doit être en tunnel. La géologie de l’île de Montréal possède des caractéristiques idéales pour permettre la construction d’ouvrages souterrains. Les coûts initiaux un peu plus élevés sont compensés par des coûts d’entretien bien moindres à long terme.

— Marc Durand, doct-ing. en géologie et géotechnique

Le train aérien uniformiserait le paysage

Oui, un train aérien sera le bienvenu au centre-ville, si on regarde juste les édifices en hauteur du centre-ville, rien d’uniforme et aucune homogénéité. Un train aérien pourrait être une source de conciliation entre ces deux univers.

— Luc Langlois

Intégration architecturale

Je comprends très bien les réticences de plusieurs concernant un tracé aérien. Nous n’avons qu’à penser à l’autoroute Métropolitaine ou encore d’autres projets avec une structure massive pour comprendre que l’idée n’est peut-être pas si géniale. Or, à voir les exemples proposés, dont celui des Pays-Bas où l’ouvrage permet une certaine intégration architecturale intéressante, je crois avoir changé d’opinion. D’autant plus qu’un aménagement aérien permettrait de repenser les rues au sol et la configuration des voies sur Sherbrooke, qui nous donnent l’impression qu’elles ont été conçues exclusivement pour l’automobile à une autre époque.

— Philippe Bilodeau

Laissons un héritage harmonieux

La beauté de notre architecture au centre-ville ne peut être cachée et obscurcie par ces éléments qui, en plus, lui feront perdre de la valeur monétaire et patrimoniale. D’autres villes ont conçu leur projet en beauté. Laissons un héritage harmonieux à notre belle ville qui le mérite aussi.

— Céline Blais

Chicago, un mauvais exemple

J’ai eu la chance de visiter Chicago il y a cinq ans et j’ai pu observer la laideur des structures aériennes qui sillonnent la ville en périphérie et tout près du centre-ville. Non, Chicago n’est pas un bon exemple.

— Dominic Brassard, ing. MBA

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