Royaume-Uni

Un « jour de la Liberté » controversé

Les avertissements n’y ont rien fait. Malgré les cas de COVID-19 en forte hausse et en dépit des avis scientifiques, Boris Johnson a décidé de conclure son plan de déconfinement en Angleterre.

Depuis lundi, les discothèques sont ouvertes, il n’y a plus de jauge pour les rassemblements et le port du masque n’est plus exigé. Une journée que les Britanniques ont surnommée le « Freedom Day » (jour de la Liberté).

Le gouvernement conservateur de M. Johnson justifie sa décision par le succès de son programme de vaccination, qui a permis de vacciner complètement 68 % des adultes et 54 % de la population anglaise. Plus de 87 % des gens n’ont reçu qu’une seule dose.

« Si on ne le fait pas maintenant, alors quand ? », a plaidé Boris Johnson en conférence de presse, soulignant que le moment était plus favorable qu’en période froide, quand les élèves retournent à l’école.

Mais ces arguments ne convainquent pas les scientifiques, qui jugent ce choix prématuré, alors que les cas de COVID-19 montent en flèche au Royaume-Uni. Il y a deux semaines, 1200 scientifiques ont signé une lettre ouverte dans la revue médicale The Lancet pour dénoncer l’inconscience du gouvernement et demander que soit reportée la levée des restrictions.

Le Royaume-Uni a enregistré dernièrement 50 000 cas de contamination quotidiens, en raison du variant Delta, plus contagieux et désormais omniprésent dans le pays.

Le nombre de décès demeure encore plus bas que pendant l’hiver, en raison des vaccins. Mais les morts sont passées de 10 à 40 par jour entre le mois de juin et la semaine dernière. Des chiffres qui peuvent donner le tournis si l’on se met à jouer au jeu des projections.

« Les nouveaux cas, ce sont surtout des gens plus jeunes ou moins à risque. Mais si on dit qu’entre 1 et 5 % de ces cas risquent d’avoir besoin de soins médicaux, alors on pourrait se retrouver avec 500 personnes à l’hôpital après une journée, 3500 après une semaine et plus de 10 000 après un mois. On peut imaginer que cela peut inonder leur système de santé », souligne le DDonald Vingh, infectiologue-microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill.

« C’est sûr qu’en ouvrant tout, on réduit la protection de la population, surtout si l’on n’a pas encore au moins 75 % de la population complètement vaccinée », ajoute pour sa part Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

« Personnellement, j’aurais attendu de maximiser le taux de vaccination et je n’aurais pas enlevé le masque, parce que c’est une mesure légère, facilement applicable et qui somme toute a un effet protecteur qui n’est pas négligeable », dit-elle, peu convaincue par la décision « libertarienne » du gouvernement conservateur anglais.

L’Écosse, l’Irlande du Nord et le pays de Galles, compétents en matière de santé, n’ont d’ailleurs pas suivi M. Johnson sur toute la ligne, et continuent d’exiger le port du masque dans les lieux intérieurs.

BoJo, comme tout le monde

En conférence de presse lundi, celui qu’on surnomme BoJo a admis qu’il ne pouvait « garantir » le caractère « irréversible » de la levée des restrictions. « Nous devons être humbles face à la nature », a-t-il déclaré, invitant la population à prendre ses propres responsabilités.

Ironiquement, son intervention survient alors qu’il est lui-même en isolement préventif, après avoir été « cas contact » de son ministre de la Santé, Sajid Javid, qui a reçu samedi un résultat positif à la COVID-19.

M. Johnson et son chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, aussi « cas contact », ont tenté de se soustraire à la quarantaine, en s’octroyant plutôt un dépistage de COVID-19 quotidien – option généralement non offerte au Royaume-Uni, hormis quelques exceptions. Mais devant le tollé et les hurlements de l’opposition, qui les a accusés de passe-droit, ils ont fait marche arrière.

« Nous avons brièvement songé à faire partie de ce projet pilote… mais je crois qu’il est beaucoup plus important que tout le monde observe les mêmes règles », s’est repenti M. Johnson, dans une vidéo diffusée de sa résidence secondaire de Chequers, où il devra se retrancher jusqu’au 26 juillet.

Il faut dire que la tolérance à l’égard du gouvernement Johnson est à son plus bas. Malgré une campagne de vaccination réussie, BoJo est critiqué pour sa mauvaise gestion initiale de la pandémie, qui a fait plus de 128 000 morts au Royaume-Uni, le plus haut taux de décès en Europe.

En juin, son ministre de la Santé a également été pincé pour avoir embrassé une adjointe, et n’avoir pas respecté les règles de distanciation physique, ce qui l’a obligé à démissionner.

Un laissez-passer sanitaire à l’automne

La levée des restrictions viendra toutefois avec de nouveaux impératifs, a annoncé M. Johnson.

Comme en France, le gouvernement britannique veut instaurer en septembre un « pass sanitaire » prouvant une vaccination complète contre le coronavirus pour accéder aux établissements accueillant un public nombreux, comme les discothèques.

« Un test négatif ne sera alors plus suffisant », a déclaré le chef du gouvernement conservateur.

La campagne de vaccination va désormais aussi s’étendre aux jeunes de 12 à 15 ans, mais uniquement ceux qui sont vulnérables.

Histoire à suivre.

— Avec l’Agence France-Presse

En chiffres

53,8 % : Pourcentage de la population anglaise pleinement vaccinée

87 % : Pourcentage de la population d’Angleterre n’ayant reçu qu’une seule dose

128 127 : Nombre de morts liées à la COVID-19 au Royaume-Uni

113 000 : Nombre de morts liées à la COVID-19 en Angleterre seulement

Source : gouvernement britannique

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