Les jeunes broient du noir
Derrière les courbes un peu plus rassurantes des derniers jours à Montréal se cache un enjeu qui inquiète de plus en plus les autorités de santé publique : les répercussions néfastes de la pandémie sur la santé mentale des moins de 30 ans.
Un rapport de la Direction régionale de santé publique de Montréal a regroupé plusieurs sondages sur la santé psychologique, dont celui réalisé par la firme Léger pour le projet de recherche de l’Université de Sherbrooke en septembre dernier. Les résultats ont montré que la pandémie avait « particulièrement touché » la santé psychologique des adultes montréalais de 18 à 29 ans.
La directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, a indiqué mercredi en conférence de presse que, même sans pandémie, c’est un groupe d’âge où les experts observent « souvent des indicateurs plus défavorables au niveau des troubles anxieux et dépressifs ». « Mais ce qu’on voit ici est que la pandémie aggrave cette tendance-là », a-t-elle observé.
46 %
des Montréalais de 18 à 24 ans rapportent des symptômes compatibles avec l’anxiété généralisée ou la dépression majeure, montre le rapport de la Santé publique de Montréal.
Plus largement dans la province, c’est 1 jeune adulte sur 5 (22 %) qui considère son état de santé mentale comme passable ou mauvais.
La directrice a ajouté que la Santé publique va tenter de trouver des solutions pour améliorer la situation chez les jeunes adultes, notamment ceux qui étudient à distance et qui sont plus démotivés qu’à l’habitude. « Il va falloir qu’on essaie de trouver de manière créative et innovante des façons de recréer des contacts sociaux à travers la vie scolaire. »
« Si vous avez des jeunes adultes dans votre entourage, une attention particulière pourrait être portée », a suggéré la Dre Drouin, ajoutant que Montréal n’enregistre tout de même pas une hausse des suicides pour l’instant.
Sonia Lupien, directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, est bien consciente qu’il faut se préoccuper de la santé mentale des jeunes adultes. « Surtout qu’avec l’hiver qui s’en vient, ça va devenir difficile… »
La neuroscientifique est persuadée qu’il faut un horizon dans le temps aux citoyens pour qu’ils gardent espoir. « Quand on étudie des gens qui ont vécu dans l’adversité intense, comme les camps de concentration, ils disent tous que le plus difficile est de ne pas savoir quand ça va finir. »
Cette « temporalité » est importante, même si elle est approximative. Les gens pourraient ainsi voir que « ce n’est pas un train qu’il y a au bout du tunnel… mais bien de la lumière ! ». Elle croit que si les autorités avaient mené un sondage auprès des 18 à 29 ans en leur demandant ce qui augmente le plus leur stress, le fait de ne pas savoir quand cette situation va se terminer serait tout en haut de la liste.
Lorsqu’elle parle de la décision de la Santé publique de fermer les gyms, Sonia Lupien s’emporte.
« Ils ont enlevé aux gens les armes nécessaires pour combattre l’adversité, comme les activités sociales, les gyms et les spectacles ! »
— Sonia Lupien, directrice du Centre d’études sur le stress humain de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Précisant être bien consciente que nous sommes en temps de pandémie, elle signale tout de même que les autorités doivent réfléchir aux conséquences qui découlent de chacune des restrictions imposées.
Dans ces circonstances difficiles, Sonia Lupien se permet quelques suggestions « pour déstresser » : danser quotidiennement sur cinq chansons entraînantes, se donner le droit de rire, faire du bénévolat « pour donner une perspective sur la vie », pratiquer la zoothérapie. « On en a besoin et ça va faire la job ! »
Au sujet de la vaccination contre la grippe, la Dre Drouin a affirmé qu’il y avait une demande beaucoup plus importante que les années précédentes. « Je ne crois pas qu’il va y avoir un manque de doses. Mais en ce moment, il y a une hausse de la demande, ce qui est une très bonne nouvelle. »
La présidente-directrice générale du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Sonia Bélanger, a aussi indiqué que « rien n’indique qu’on va manquer de vaccins. Loin de là ».
Mais pour l’instant, bien des citoyens n’arrivent pas à prendre de rendez-vous dans les centres de santé, notamment grâce au portail Clic Santé, parce qu’il n’y a plus de places disponibles. « On assiste depuis quelques jours à une augmentation de la demande pour se faire vacciner. Nos plages horaires sont ainsi complètes pour les prochains jours, a fait savoir Mme Bélanger. Dès demain, l’ensemble des CIUSSS va travailler à l’augmentation des plages horaires pour rendre la vaccination plus accessible. »