Opinion : Sondage

Les croyances religieuses en baisse constante

En cette semaine sainte, je me devais d’examiner nos données sur le sentiment religieux. Des proportions appréciables de citoyens déclarent que leurs croyances religieuses sont importantes : deux personnes sur cinq (43 %).

Pourtant, on ne cesse de nous répéter que les églises sont vides. Le sentiment religieux paraît davantage un héritage culturel que l’expression d’une pratique soutenue du culte.

De plus, si 62 % des Québécois admettent croire en Dieu, cette proportion était de 77 % en 2005, en baisse constante depuis. Une tendance similaire s’exprime à l’égard des croyances religieuses. Ceux qui nous disent qu’elles sont importantes passent de 63 % de la population en l’an 2000 à 43 % en 2017.

L’avenir du sentiment religieux au pays

On a beau parler du religieux régulièrement dans les médias, compte tenu des tendances reliées à l’immigration, dans l’ensemble de la population toutefois, la croyance ne cesse de diminuer depuis près de 20 ans. Le religieux disparaît progressivement de nos vies. À ce rythme, si « la tendance se maintient », d’ici une génération (25 ans), le religieux pourrait devenir un phénomène tout à fait marginal.

Un tel scénario s’appuie sur la tendance actuelle et néglige le rôle de plus en plus grand que va jouer l’immigration dans les années à venir.

Mais l’acculturation exercée par l’école auprès des enfants de ces immigrants pourrait certainement contribuer à maintenir la tendance. Et de toute façon, si, par l’immigration le religieux maintient sa place dans la société, il ne sera pas chrétien. Il sera musulman, taoïste, sikh, hindouiste, bouddhiste, etc.

Notre rapport au sacré

Par ailleurs, on observe que les gens se fabriquent un Dieu à leur image, lequel ressemble davantage à un ange gardien qu’à ce « Seigneur à la barbe blanche ». Près de deux personnes sur cinq, la pluralité (37 %), croient à un Dieu modelé à leur façon. Seulement 14 % croient au Dieu qu’enseigne l’Église.

Par contre, un des phénomènes les plus en croissance est la croyance en une « force » qui nous unit à la nature, à l’univers. On assiste ici à une dépersonnalisation du divin, à une espèce de bouddhisme post-moderne nous donnant l’impression de participer au divin, d’en faire partie, comme tout le reste de la nature (Que la force soit avec vous !). L’adhésion à cette vision panthéiste est passée de 14 % de la population québécoise en 1998 à 28 % en 2016.

Enfin, l’athéisme, cette notion que la vie ne serait que phénomènes biologiques, est passée de 8 % à 21 %, toujours de 1998 à 2016.

Les valeurs personnelles, les cordes sensibles et le divin

Le regard sur les valeurs des gens nous permet de mieux comprendre pourquoi le Dieu de l’Église est si malmené dans les croyances populaires. Ceux qui s’y reconnaissent ont des valeurs très traditionnelles et conservatrices. Ils valorisent particulièrement l’autorité des institutions, ils sont fatalistes, ont peu d’emprise sur leur vie, laissant au divin tout le leadership !

Ceux qui se fabriquent un Dieu personnalisé ont peine à vivre avec la complexité et les incertitudes du monde actuel. Ils se sentent potentiellement exclus de la société. Ils s’y sentent menacés. Leur Dieu devient donc cette espèce d’ange gardien qui veille sur eux.

Les tenants de la force et les athées, les deux groupes constamment en croissance depuis 20 ans, sont en opposition idéologique complète face à l’Église (catholique ou protestante). Ils lui reprochent de fonder son rôle sur l’interdiction, la soumission, le péché, la punition. Ils vont vous dire, en paraphrasant monsieur Trudeau (père) que l’Église n’a pas sa place dans la chambre à coucher des gens. Ils se sentent en plein contrôle de leur vie, aspirent à la liberté et à l’épanouissement personnel.

Un défi pour les Églises

Si elles veulent garder leur pertinence sociale, les Églises – notamment les chrétiennes, catholiques et protestantes – ont un sérieux rattrapage à faire. La distance entre ce qu’elles représentent et les valeurs de la majorité des gens est en train de devenir abyssale ! Une faible minorité croit à leur Dieu. Ce dernier a éclaté au cours des années en une myriade de formes diverses, mieux adaptées culturellement à l’époque.

Une situation qui est très ironique, si on s’attarde au message du Christ, pour revenir à la semaine sainte. Son message en est un de compassion, d’ouverture à l’autre, d’accueil, de générosité, d’oubli de soi et d’amour. Ce que certainement tous ceux qui s’opposent à la vision du Dieu de l’Église ne voient pas en celle-ci, mais dont l’époque aurait désespérément besoin. Si les Églises chrétiennes tendent à se marginaliser, les semaines saintes pourraient peut-être nous réconcilier avec le Christ !

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